HSE 1960

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HSE1960Grande Réserve

[mise à jour 2019: beaucoup de doutes sur ce millésime, qui n’existerait pas selon de nombreuses sources. Il n’existe en effet aucune trace écrite sur un éventuel stock de rhum de 1960 chez HSE. Le rhum utilisé pour cet embouteillage serait selon toute vraisemblance du rhum de la marque Courville ]

 

Après l’excellent HSE 1998 single cask il était temps de passer au stade supérieur, et c’est peu dire : La Grande Réserve 1960,  dont les mots de Patrick Chamoiseau, collés au dos de la bouteille, invitent déjà au voyage:

« Un siècle de belles paroles flotte autour de la distillerie Saint-Etienne… Beaucoup ont mendié devant ma case le secret de ce rhum du Gros-Morne que le monde nous envie. Ils ont perdu leur temps. Je ne leur ai fout’ rien dit. » (extrait de « Elmire des sept bonheurs. Confidences d’un vieux travailleur de la distillerie Saint-Étienne » paru chez Gallimard en 1998).

 

prix : plus de 700€, 70cl et 45°.

âge : inconnu. Selon HSE le rhum aurait été distillé en 1960 alors que la distillerie fumait encore (elle s’est arrêtée en 1988) et mis en vieillissement durant une période indéterminée, vendu avec les murs à la nouvelle équipe encadrante. D’après HSE le rhum « aurait » une vingtaine d’années.

 

Ne comptez pas sur les sites de vente en ligne ni même sur le site d’HSE pour en savoir plus sur ce rhum, c’est comme s’il planait un air mystérieux au-dessus de ce millésime (et pour ce prix ça fait cher le courant d’air). Interrogé sur le sujet suite à la récente commercialisation de leur nouvel habillage, HSE a bien voulu dévoiler quelques secrets…

Ce millésime a été vendu avec les entrepôts à la nouvelle équipe dirigeante (dans les années 90) qui l’a ensuite fait certifié AOC avec succès. Déjà embouteillé, le rhum aurait avec le temps perdu de sa splendeur, HSE décidant depuis 1998 de ré-ouvrir toutes leurs bouteilles afin de remettre le rhum en fût de chêne français de 3ème passage pour lui permettre de « s’aérer » et de retrouver une certaine rondeur. Le rhum est ainsi oxygéné pour une durée moyenne de 6 ans additionnels, avant d’être remis en bouteille. Nous aurions donc aujourd’hui un rhum qui approcherait les 30 ans, avec deux phases distinctes de vieillissement: une première de 1960 aux années 80, et une seconde de 1998 aux années 2000 (pour une moyenne de 5/6 ans en fût de 3eme passage). Trêve de blabla, passons à la dégustation.

 

A peine au travail, le rhum laisse déjà apparaitre d’épaisses jambes qui semblent se gambader tout autour du verre, prenant littéralement tout l’espace jusqu’à troubler l’instant, jusqu’à troubler vos sens, maîtresse de la piste de danse. Elle tourne et sa robe ambrée, sombre et tirant vers le rubis vous met déjà l’eau à la bouche, tout en commençant à répandre son parfum dans la pièce.

Ce nez est d’une extrême délicatesse, quand bien même déjà très présent, au point de vous envahir et de ne pas vous lâcher. Gourmand mais élégant, on a tout de suite cette envie de croquer ses belles jambes qui s’exhibaient sous nos yeux il y a encore quelques instants, déjà pétillants… mais on savoure l’instant, avec plaisir mais en résistant… reculer, humer, pour mieux sauter dans un lit drapé de satin et de dentelle. Le genre de rhum beauté qui renforce tout le côté charnel que peut évoquer la dégustation de vieux rhums. On ressent l’expérience, la maturité, le classieux des plus beaux cuirs, du bois le plus noble et sans défaut, et toute cette gourmandise si impertinente… exit l’odeur de la canne fraîchement pressée, bonjour les années de fût et les notes réchauffées et grillées par un soleil de plomb, par un climat chaleureux ; des fruits secs (raisin, figue) légèrement grillés et de l’exotisme bien mature encore gorgé de sucre plaisir, une peau de pêche, amande, douce et parfumée de fleurs des îles (ylang-ylang), et une odeur désinvolte de bubblegum et de chocolat au lait.

Le repos amplifie les notes grillées (empyreumatiques) et nous voila toujours liant connaissance mais cette fois refaisant le monde autour d’une tasse de café, avec toujours en fond ce parfum floral qui flotte dans l’air et qui enivre.

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L’attaque est douce, moelleuse, mais se corse assez rapidement dévoilant l’impatience de l’instant, évoquant la somme de temps à rattraper : il ne faut pas trainer et profiter, derechef et sans couvre chef, droit au but. Le fruité s’éclipse déjà au profit d’un boisé percutant et humide (réglisse, cuir), les fleurs se sont fanées au profit des tanins, du poivre, rugueux mais les fruits reviennent pour nous séduire encore, une dernière fois, sûrement avant le coup de grâce garce : les raisins toujours et des fruits exotiques pour un baiser furtif mais nécessaire, bienveillant et libérateur.

Et ce baiser semble sans fin, comme légèrement empoisonné, et c’est une belle mort que propose ce HSE, tonique et résistante, toujours sur le chêne, la réglisse et les fruits secs, le cacao amer, en contradiction avec ce nez si voluptueux et romantique. Une méthode de séduction déjà éprouvée et qui se jouait déjà dans les années 60. Une manière de plus de comprendre que nous n’inventons rien et que le passé n’était pas forcément différent d’aujourd’hui. Les mêmes drames se jouent, les mêmes histoires se trament et avant comme maintenant, nous sommes faibles et tombons dans ces pièges ancestraux et si…prévisibles.

Le verre vide se referme sur une reliure en cuir poussiéreuse et une légère amertume semble maintenant résonner jusque dans mon esprit. L’odeur partira assez rapidement, laissant le verre sans vie mais avec l’envie de déjà remettre ça, au bon souvenir d’un passé pas si lointain.


Le nez est aussi romantique qu’un coucher de soleil en bord de mer et aussi chaleureux qu’un baiser appuyé sous fond de feu de cheminée. C’est stimulant et pourtant si émouvant. Le baiser à peine plus poussé nous montre une autre facette du rhum qui devient plus dominateur et percutant en bouche, et qui se prolonge sur la fin avec ferveur et tanins.  

Vous voyez venir la question, est-ce que ce rhum mérite un tel prix (700€) ? Si vous les avez et souhaitez les dépenser, pourquoi pas. Le mieux est encore de goûter avant car la déception peut s’avérer salée. Cette note de dégustation est comme les autres, elle reflète une opinion personnelle et ne saurait être un jugement de valeur, donc la suite en est de même.

Nous ne savons pas grand chose de ce rhum (et avant que HSE ne se décide à révéler quelques informations nous ne savions même rien excepté cette date de 1960), nous ne connaissons pas son âge et les suppositions sont nombreuses. Que c’est étrange de voir autant de flou autour d’un produit vendu aussi cher ; surtout qu’avec un budget moindre il est toujours possible actuellement de trouver des rhums comme le Clément 1952, de vieux Bally et St james des années, 40, 50 et 60 pour ne citer que quelques exemples. Certains diront qu’il n’est pas évident de dater de vieux millésimes, mais ce n’est pourtant pas impossible, alors à moins de ne pas vouloir, pourquoi ne pas chercher?

On me disait dernièrement que les gens qui achètent ce genre de produit -pour ne pas les citer les riches, l’élite- se foutent pas mal du contenu car un prix élevé vaut forcément qualité : la valeur pécuniaire faisant la valeur qualitative du produit… ; et de citer encore ce merveilleux exemple « Quand tu achètes une eau de toilette à 145€ les 50ml, tu ne te poses pas autant de question ! » Il n’en fallut pas moins pour me gâcher la soirée. Rien de nouveau vous me direz, le monde du rhum gagnerait à plus de clarté, d’honnêteté, et il ne faut pas croire que le rhum agricole est épargné, peut-être tout juste sauvegardé, pauvres de nous. Si vous saviez… Note : 88

 

«Un siècle de belles paroles flotte autour de la distillerie Saint-Étienne… Des secrets flottent aussi. Une boule de secrets qui raccordent 1893 au jour d’aujourd’hui. Les anciens travailleurs vont sembler les connaître, mais je suis le seul en vérité à les compter dans ma mémoirePatrick Chamoiseau

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon1
Comments
6 Responses to “HSE 1960”
  1. Ruminsky Van Drunkenberg dit :

    This rum looks absolutely spectacular, from your description. Almost makes me want to spend more money 🙂

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  2. tonmial dit :

    bonjour,
    suite à la lecture de votre article sur le HSE 1960, votre phrase : »Le monde du rhum gagnerait à plus de clarté,d’honnêteté, et il ne faut pas croire que le rhum agricole est épargné, peut être tout juste sauvegardé, pauvres de nous ».Sachez que cette phrase me rassure sur mon état de santé mental,compte tenu des bizarreries que je vois et plus particulièrement le comportement des gens qui travaille dans ce petit monde fermé du rhum martiniquais,tout compte fait je n’ai pas si mauvais esprit que cela!
    Merci!

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    • cyril dit :

      Bonjour et merci pour votre message. Il y aurait en effet beaucoup à dire

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      • MASI dit :

        Bonsoir Cyril,
        Dans la famille des bizarreries, je possède une bouteille de Hse millésime 1959, non débouchée mais que j’ai du mal à retrouver sur internet.
        Connaissez vous ce millésime ?

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        • cyril dit :

          Bonsoir Masi
          De vu uniquement malheureusement…

          Le millésime 1960 n’est pas le premier du genre , c’est juste celui que l’équipe actuelle a retrouvé en rachetant les murs. Il en existe bien d’autres, dont ce 1959, mais très peu d’info :/

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