HSE 2007

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La Confrérie du Rhum est un groupe facebook qui ne vous est sûrement pas inconnu, et qui sera passé en quelques années d’un lieu de taille humaine favorisant un échange serein, les rencontres et le savoir, à une tête de gondole d’hypermarché. Force ou contrainte du nombre grandissant d’avatars, le réseau social le plus puissant au monde est aussi le plus chaotique et le plus impersonnel, transformant le moindre groupe à succès en vitrine alléchante, privilégiant insidieusement la forme au fond, la quantité à la qualité, et déshumanisant fatalement les rangs. Il en découlera cependant une foule d’autres groupes généralistes ou plus spécialisés, et aussi plus désintéressés (la communauté du rhum agricole, rhum collector, et de nombreux Rhum Clubs régionaux et même nationaux : Rhum Club Martinique, Guadeloupe, Belgium Rhum Club,..).

Le nombre aura pourtant permis à la CDR de sortir de son carcan virtuel de bien belle manière (et en tout cas intelligemment) en proposant depuis 2015 des embouteillages en quantité assez limitée ; et alors que les premiers essais (on se souvient d’un rhum de la Barbade et de Guadeloupe) étaient quelconques et impersonnels (car sélectionnés comme tout le monde chez le même fournisseur), les dernières sorties sont le fruit de partenariats privilégiés entre les gérants de la CDR d’un côté, et des distilleries agricoles de l’autre (citons Longueteau, La Favorite et HSE). Des productions uniques donc, et qui sortent largement du consortium habituel et bien trop assommant qui voit la grande majorité des embouteilleurs indépendants sortir exactement les mêmes produits (où seul le degré change d’un iota pour la forme). L’occasion de s’intéresser aux deux derniers en date en provenance de la distillerie du Simon et plus particulièrement de la marque HSE.


HSE 2007 / 52,2°

Sélectionné en partenariat avec la CDR, il s’agit du premier « brut de fût » sorti par HSE : le rhum blanc entonné au départ a subi une légère réduction (autour de 60°) avant une mise en vieillissement en juillet 2007 ; il sera embouteillé (et donc non réduit après sortie de fût) le 5 février 2016, soit après un peu moins de 9 ans en fûts de chêne français à 52,2%. 800 exemplaire de 50cl sont sortis la même année.

 

Belle robe cuivrée aux reflets bronzes, très huileuse et laissant apparaitre de belles jambes gourmandes, gracieuses et suspendues. Un disque en surface lui donne même  une certaine assurance.
Au nez, le rhum délivre un beau profil empyreumatique: des notes grillées assez sèches et boisées, vanillées, mais aussi exotiques, avec du fruit cuit et confit, de l’abricot, de l’orangette et du raisin sec. Classe et élégant, avec une belle personnalité et une belle présence. Un rhum qui réconforte et qui met en confiance.

Le repos lui apporte des notes de tabac et de café dans une ambiance chaleureuse et puissante, presque vernis avec un alcool présent et incisif, et un côté rugueux (qui accroche), à tendance acidulée (fruit rouge, groseille). Attendre plus longtemps n’aura pas franchement tendance à réduire l’alcool, bloquant un peu le nez, et transformant les notes frugales et exotiques en pâte de fruit.

En bouche l’attaque est douce, légèrement huileuse, franche et acidulée: le rhum se fait tannique, sec et puissant, avec des notes légèrement amères et boisées qui se mélangent aux agrumes confits et aux petits fruits acidulés, poivrées ; ça évolue de manière assez foutraque et désordonnée mais ça fait son effet, sans franchir la ligne rouge, mais en flirtant avec. On retrouve le côté ‘accrochant’ et tannique avec une belle présence sur le palais.

Au delà, on trouve du tabac, dans une bouche qui semble assez jeune et vive au final, fofolle, mais aussi comme animale et iodée, mais sans la sagesse et la richesse (disons la complexité et surtout l’équilibre) que l’on attend d’un brut de fût ayant vieilli autant d’années (qui plus est en Martinique). Cela donne l’impression de manquer de profondeur, de maîtrise, au détriment de notes acides et d’amertume plutôt bien maitrisée mais lassante. La fin de bouche est moyennement longue, sèche, boisée et acide, et fait écho à la bouche, punchy et vivante, excitée et vibrante, rappelant une poignée de groseilles acidulées croquées en pleine été. Le verre vide rappelle une gelée de groseilles.

Un rhum plein de promesses sur le papier, et avec un nez tout aussi prometteur, mais la bouche ne donne pas réellement l’impression d’un rhum aussi âgé et brut de fût, ou alors est ce une question de dilution avant mise en vieillissement? Sympathique mais manque d’équilibre et de justesse. Note : 83

 

 


 

HSE 2007 / 51,9°

2ème essai et toujours un millésime 2007, cette fois mis en vieillissement le 27 Février 2007 en fût de chêne français non chauffé. La dégustation se fera indépendamment du premier batch n’ayant plus suffisamment de rhum pour faire un comparatif direct.

 

La robe est éclatante, d’un ambré oranger comme si le soleil se reflétait dans le verre ; les jambes sont gourmandes et bronzées.
Au nez l’odeur est exquise et très chic, raffinée, panachant des agrumes juteux et ensoleillés (abricot en compotée, orange) drapé d’une fine pellicule de cuir, parfumée de fruits caramélisés (banane) et d’effluves de pâtisseries. C’est très délicat, ensorcelant avec une pointe de fraicheur et de la spontanéité exotique (ananas).

L’alcool apparait vif et piquant à l’occasion et assèche le nez, jusqu’à ce que le repos fasse vaciller le rhum vers un profil plus sérieux, plus monolithe avec un boisé sec (clou de girofle, cannelle), laissant de côté la délicatesse au profit de notes aigres avec un boisé rappelant une cire pour meuble ; cette odeur semble prendre le dessus cassant la magie du début malgré la présence consolante d’un exotisme mature et de tabac, de chocolat. On passe ainsi d’un premier nez très flatteur à plus de mollesse avec du repos (trop?), et on rêverait à plus de profondeur et de longueur.

En bouche l’attaque est moelleuse et concentrée, chaleureuse, et le rhum ne tarde pas à s’approprier le palais et à exhaler ses arômes dans une très belle profusion, tout en générosité : réglisse, cuir, tabac, sans oublier des herbes fraiches et un fruité comme fumé mais sucré (une compotée braisée). Côté épices on retrouve le clou de girofle et du poivre qui montent tout deux en puissance jusqu’à prendre toute la place en bouche et qui l’assèchent un peu plus dans un alcool toujours présent. La fin de bouche est moyennement longue et assez sèche, sur des notes torréfiées (tabac, chocolat), des agrumes et un boisé humide, sur des vapeurs d’alcool. Le verre vide revient sur des notes beaucoup plus agréables d’épices et de tabac, et on est de nouveau bien.

Une sélection nettement meilleure que la précédente avec cette rondeur en bouche qui manquait au premier opus ; ça fait une nette différence et cette fois le nez est en osmose avec la bouche. Elle mériterait cependant plus de longueur et de maitrise sur la fin car il semble s’éteindre trop rapidement (au nez avec le repos et en fin de bouche). Note: 86

 

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon
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