improbable mélasse

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C’est toujours l’été, on prend plus de risques (car on a plus de temps), et on se ré-essaye à une session de blancs..de mélasse (1er épisode ici). Et là c’est souvent rien, parfois tout ; c’est toujours intéressant, à l’occasion très étrange, mais c’est aussi le moment de faire le ménage dans ses samples et de faire de la place pour les prochains. Les échantillons ci-dessous ont longtemps été boudés, mis à l’écart et même volontairement oubliés. Cet espace leur est dédié, qu’ils reposent en paix…

Il y en aura 8, de divers horizons, pas toujours très blancs ni très rhums entre alcool neutre (alcool de canne) et eau-de-vie de mélasse et avec toujours ce même et sempiternel sentiment d’inachevé: pourquoi les plus grandes maisons sortent-elles des rhums blancs vieillis puis décolorés, pourquoi montrer autant de mépris envers le rhum blanc? A quand un Foursquare blanc, un vrai ? un Appleton ou un El Dorado non vieilli ? un jour peut-être… Messieurs les ambassadeurs et autres gardiens du rhum, il est temps de passer la seconde sur la route de la nouvelle classification, profiter de l’éveil des consciences pour assoir un peu plus ce noble combat… Bonne lecture, et bon courage.

 

 

 

 

Porfidio Triple Distilled Plata Rum

/ 45°

D’une distillerie mexicaine (basée à Jalisco) plutôt branchée Agave mais qui s’est un jour essayé au rhum avec la même recette : une triple distillation. La distillerie serait fermée depuis 10 ans maintenant et personne n’a l’air de vraiment savoir d’où viennent tequila et rhum…

 

D’apparence très gras, notre Plata propose des arômes de vanille et de fruits passés : pomme (cidre), poire, âcres et acidulés ; du végétal (herbe et je ne sais quoi) et du cornichon (profil saumâtre). Le mix est plutôt étrange, un peu terreux, et pas très (pas du tout) rhum au final. Et plat. Et étrange.

En bouche, c’est une nouvelle fois assez étrange (décidément), pas rhum du tout (toujours pas), végétal et boueux, acide et sucré… mais qu’est-ce que ça peut bien être ? J’ai beau chercher, je ne trouve pas. Le cornichon est toujours là, comme sucré. Pas de finale, juste de l’alcool. De l’alcool de cornichon?

 

Pas que ce soit désagréable, mais ce n’est pas du rhum, ou alors la triple distillation s’est faite sur une autre planète avec une mélasse génétiquement modifiée. Honnêtement, je ne vois pas, ou alors c’est un distillat de cornichon. Note: 20

 

 


 

 

DeSilver White Rum / 40°

On ne recule devant rien et voici maintenant un rhum blanc épicé. Mais pas n’importe lequel, attention: un rhum blanc avec des « épices secrètes » dedans ; des épices de St. Barth plus exactement et donc peut-être des épices de luxe, allez savoir. On vous épargne l’histoire de pirate qui accompagne l’histoire déjà très floue de cette bouteille.

Oh puis non, on ne résiste pas! C’est l’histoire d’un pirate du nom de DeSilver qui durant le 17ème siècle fabriquait un rhum un peu comme celui-ci pour se donner force et vitalité. Une sorte d’ancêtre de Popeye en quelque sorte.

 

La robe de ce pirate est bien épaisse et lui collerait même à la peau, c’est très gras.
Au nez, on se dit de suite que l’on a peut-être découvert une des épices secrètes, eh ouais… du sirop sport Citror! comment ça ce n’est pas une épice? On tenterait bien la citronnelle, mais ça ressemble tellement à du sirop au citron que « sirop sport » ça parle beaucoup plus, surtout que « si t’es fort, t’es sirop sport… » ; et ça colle plutôt bien avec la comm’ autour du pirate De Silver non? Au delà d’un diabolo citron, on a aussi pas mal de menthe mais toujours dans cette ambiance sirop voire liqueur et avec son lot d’alcool. Une liqueur citron/menthe.

En bouche, c’est doux et sucré, mielleux, alcooleux et astringent comme si on avait laissé macérer des écorces de citron trop longtemps avec le sirop (et beaucoup d’alcool) ; très amer et épicé (cannelle, muscade). Pas franchement rhum encore une fois, pas franchement bon non plus. Finale sèche et citronnée, sur l’alcool (on tousse presque), beaucoup d’alcool.

DeSilver se retournerait sûrement dans sa tombe s’il en avait une, et s’il avait exister un jour. Et même si Jacky n’aurait sans doute pas fait le même effet, ça aurait sans doute eu plus de gueule… Note: 20
Mesuré au Anton Paar, ça fait bien les 40° annoncés.

 

 


 

 

Soldiers Bay Silver Rum / 40°

Lancé en novembre 2013, il s’agit d’un rhum qui vient de chez Antigua Distillery (maison du rhum English Harbour). La distillation se passe dans une colonne en cuivre traditionnelle et le rhum est filtré puis dilué avant d’être embouteillé à 40°. Un vrai blanc donc, non vieilli.

 

La robe est très grasse, les jambes énormes et les larmes qui précédent excessivement lentes.
Au nez, le rhum est très exotique, sur une banane très mûre, la pâte à gâteau, le flan coco, puis beaucoup de vanille, du beurre, du caramel, de la crème pâtissière. Très gourmand et assez lourd, sur l’écœurement et avec quelques notes de foin mouillé.

La bouche est facile et crémeuse, sur la vanille, le caramel, la coco et de l’écorce séchée de citron. Pas mal d’amertume aussi et d’épices chaudes qui ne réussissent pas à cacher la présence d’alcool qui domine et qui assèche considérablement la bouche. Ça se terminera d’ailleurs sur ces notes sèches d’alcool et d’un peu de coco.

Il est toujours aussi surprenant de trouver des notes aussi marquées sur des bancs de mélasse ; un rhum gourmand mais nullement trop excessif en bouche, loin des sirops. Mais un blanc dont il faudra trouver usage, mais sans doute pas à déguster pur. Note: 70

 

 


 

 

Glorious Revolution Rum / 40°

Un blanc sorti en 2014 et qui nous vient d’Angleterre (Spirit Masters Ltd), fait à partir de mélasse en provenance d’Afrique et des Amériques. Une distillation artisanale dans un alambic de cuivre d’une capacité de 200 litres et fabriqué au Portugal (100% pot still, Pure Single Rum) ; la fermentation est excessivement longue (14 jours). Lancé en 2014 en bouteilles de 50cl, et sans news depuis, il s’agit d’un vrai rhum blanc de mélasse.


La robe est cristalline est très grasse, large disque et jambes XXL.
Au nez, le rhum apparait lourd et chargé, crémeux et sucré : sucre candy, fruits exotiques avec de la banane, de la mangue et de la coco séchée. Il y a des rhums bonbons, celui-ci serait plutôt un rhum gâteau où un tas d’autres fruits exotiques séchés semblent sortir du verre (ces petits cubes dans les sachets apéro). De l’herbe (menthe) aussi et un profil âcre, plutôt riche, du zeste de citron et un peu d’olive. La longue fermentation et la distillation en pot still n’y sont sûrement pas pour rien.

La bouche est différente, loin d’être grasse ou encore mielleuse: elle est assez douce et sèche avec un côté végétal assumé, plus présent qu’au nez. Très étonnant ce changement, déstabilisant même. Du fruit d’abord, de la canne ensuite, des épices, de la mélasse, de l’herbe, de l’olive, ça sort de l’ordinaire et ça change des blancs de mélasse vieillis et insipides, avec des signes de longue fermentation (olive, légume fermenté, odeur lourde et végétale). La fin de bouche est plutôt longue, sèche et toute végétale. Le verre vide tire sur l’artichaut vapeur.

Il y a du potentiel dans ce rhum qui aura sans doute beaucoup de mal à passer auprès du consommateur lambda, anglais qui plus est. Belle prise de risque, mais à priori sans suite…dommage. Note: 76

 

 


 

 

Iceberg Silver Rum / 40°

« La seule distillerie au Canada qui fabrique du rhum avec de l’eau âgée de 12 000 années », « the world’s purest silver rum ». Il y a aussi une Iceberg Vodka si ça peut jouer dans la balance? D’après le fabricant, ce rhum est fait à 100% à partir de rhum Demerara « vieilli au Guyana« , et donc pas vraiment de rhum blanc ?

 

La robe est très grasse et la glace fond à la vitesse du réchauffement climatique de la Bretagne.
Un vieux ‘blanc’ Demerara dilué avec de l’eau de iceberg, ça donne quoi? Au départ c’est très alcooleux, sec et pas très causant. Ça fait pas très vieilli et surtout très neutre. Avec plusieurs minutes de repos on retrouve du sucre brun, de la coco grillée et un petit quelque chose du El Dorado blanc (lui-même vieilli puis décoloré). Pas folichon mais ça passe.

En bouche, c’est mielleux et sucré, sur le sucre brun avec toujours cette coco grillée, plus d’agrumes, de la vanille et de la réglisse, des notes de cannelle. C’est assez riche en bouche et nettement plus intéressant qu’au nez, et ça ressemble dorénavant à un rhum vieilli comme c’est le cas. La fin de bouche est assez courte, chaleureuse et toujours sur ce profil sucré/grillé avec le retour de la coco.

Un rhum vieilli décoloré qui se rapproche du El Dorado blanc, mais ici avec quelques degrés de plus que l’original ; cela lui apporte plus d’intérêt et ça passe plutôt bien même si ce n’est pas un blanc. Note: 68

 

 


 

 

Black Stripe White Rum / 40°

Encore un rhum « premium » blanc qui n’en est pas un : celui-ci est vendu comme un « rhum à mélanger fait à partir de rhums canadiens et importés vieillis brièvement avant filtration pour le décolorer« .

 

Une robe toujours grasse aux allures de vieux, et même plus grasse que beaucoup de vieux (allez comprendre).
Au nez, on trouve encore un profil très (trop?) gourmand qui mise tout sur la pâte à gâteau (décidément) : banane écrasée, lait de coco, sucre vanillé, levure chimique, mélasse, tout y est. C’est lourd, pas désagréable mais atypique et quand même ennuyeux au final (avec un air de ‘déjà vu’), et avec cette impression de retrouver sans cesse les mêmes marqueurs mais plus ou moins lourd. Pâtissier, beurré.

En bouche, c’est mielleux, crémeux, avec un mélange de mélasse, de réglisse noire et de fruits exotiques. Chaleureux et sucré, poivré avec du répondant, et une réglisse noire qui s’installe progressivement jusqu’à la fin de bouche, sèche et sucrée, mais aussi épicée.

Un rhum réglissé et proposant une belle richesse malgré un côté assez sucré et écœurant qui s’installe en bouche. Mais toujours pas un rhum blanc, la quête continue… Note: 67

 

 

 


 

 

L’Amitié White Rum /37,5°

Voici un rhum blanc (un vrai cette fois> non vieilli) qui nous vient de la distillerie Grays (New Grove), distillé via une triple colonne. Un rhum qui parait-il ferait de « formidables Mojitos« .

 

Le rhum blanc de L’Amitié est lourd, à l’humeur assez grasse et collante.
Au nez, il est totalement inexistant, et j’ose espérer au-dessus de ce verre que ce n’est pas là une vision de l’amitié qui nous est partagée, sinon ce serait bien triste et on serait à un doigt du tragique, voire à moins. L’attente ne donnera rien, ni espoir ni peut-être. Et j’ai beau secouer le verre dans tous les sens et me resservir, ça ne changera malheureusement rien. Et à 37,5° ça ne sent même pas l’alcool… Le genre de pote imaginaire, invisible quoi. « Superior Grade » comme indique la bouteille ? Une source internet parle d’un nez de « hints of stinky sulphur and bad eggs obscure creamy mashed potato« . no comment.

En bouche, on se prend à entendre notre ami imaginaire, et oui il parle! Mélasse bien lourde et sucrée, vanille, caramel, réglisse. Ah non, il chuchotait, mais c’est déjà ça. Du sucre brun et de la vanille dans un ensemble mielleux et caramélisé, et une fin de bouche dans la même tonalité, très courte et sèche, sur l’alcool.

Un nez imperceptible et une bouche plus causante mais assez écœurante et sucrée. Toujours pas un rhum de dégustation, ni même à mélanger. Note: 56

 

 


 

 

Chairman’s Reserve White Label / 40°

Dans la gamme Chairman’s Reserve, voici le blanc, en fait vieilli dans des fûts de chêne américain (assemblage de rhums de 2 à 4 ans distillés en colonne Coffey et potstill) et filtré, encore un. Mais rassurez-vous, selon la marque, le filtrage retire la couleur mais pas les arômes, ouf on a eu chaud! Avec l’habituel « making it perfect for cocktails ».

 

Passé une robe grassouillette et digne des plus vieux rhums, le rhum dégage une odeur d’exotisme (fruits à chair blanche: banane mais aussi pomme, poire) sucrée et rafraichissante (zeste de citron). C’est plus riche que la moyenne, moins ennuyant aussi mais toujours pas transcendant j’en ai bien peur. Un peu de colle aussi et d’alcool.

La bouche est huileuse et assez riche ; sur la banane, le caramel et la vanille (bis repetita) ; mais elle est aussi rafraichissante (citron) et semble donc moins écœurante qu’à l’accoutumé. Mais toujours sucrée et sèche. Quelques notes tanniques et une fin de bouche fraîche, propre, et désinfectée (alcool).

Le reste de la gamme (les vrais vieux) est bon mais ce blanc dénote. En espérant voir un jour un vrai blanc, car avec l’arsenal de distillation dont dispose la distillerie il y a forcément moyen de sortir quelque chose de très intéressant, et de bon. Note: 67

 

 

 

Nous clôturons cette session de blancs de mélasse avec beaucoup de déception et toujours son lot d’incompréhension. Mais gardons l’espoir (il en faut bien) qu’un jour, certains producteurs (pour ne pas souhaiter tous) sortent enfin de vrais rhums blancs ! Surtout ceux qui se vantent tellement de faire de la distillation traditionnelle…. En attendant, haro sur l’agricole pour une remise en forme imminente et nécessaire.

 

 

 

 

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon
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