La Favorite 2016

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De la nouveauté chez La Favorite avec, effet de mode oblige, un mono variétal et quelques vieux millésimés, ainsi qu’un retour sur la cuvée sortie il y a plusieurs mois conjointement avec La Confrérie du Rhum (groupe Facebook). Côté blanc, La Favorite a depuis longtemps fait ses preuves avec l’Authentique et Coeur de Canne, deux classiques très complémentaires et très aromatiques ; l’arrivée d’un blanc plus travaillé est donc pleine de promesse, et espérons-le, prémices de nouveaux classiques en devenir.

(photo : excellence rhum)

 


 

La Favorite Bel Air / 53°

Le « premier » mono variétal/mono parcellaire de La Favorite, du nom de la rivière qui passe à la distillerie et qui donne son nom à une parcelle de cannes rouges (B64.277). Côté production, ce rhum bénéficie d’un protocole de fermentation spécifique (3 jours) puis d’une distillation (à 74%) en juillet 2016 et une réduction lente de 3 mois pour atteindre les 53° avant embouteillage. 8500 bouteilles de ce rhum blanc ont été produites.

Proposé à 53°, ce rhum a été mesuré à 51,75° révélant soit un degré alcoolique erroné (tolérance légale acceptée de + ou – 0,3°) soit une édulcoration (en savoir plus). Interrogé sur ce résultat, la distillerie a effectuée sa propre mesure et confirmée un problème d’affichage du pourcentage d’alcool sur ses étiquettes.  La perte d’alcool serait liée, je cite « du fait que nous ayons beaucoup brassé, 8000 L de rhum dans une cuve de 90 000 L de capacité ». La distillerie s’est engagée à corriger le problème d’affichage.

 

La robe est cristalline et une couronne se dessine rapidement sur la paroi du verre de laquelle une armée de larmes se soulèvent avant de retomber lourdement.

Le nez de ce blanc est tout de suite très végétal et met merveilleusement la canne en valeur, mature et gourmande, et semble se fondre avec une corbeille d’agrumes évoquant un paysage ensoleillé et rafraichissant, délicatement anisé et entouré d’un jardin de lys dont on aurait paillé le sol de zestes séchés de citron. Pas certain que l’acidité serve au développement de la fleur mais elle participe sérieusement à l’épanouissement du nez, qui se trouve être bien équilibré. L’alcool est ici bien intégré, et le repos donne un peu plus d’espace à une fleur citronnée très odorante et entêtante (fleur de citronnier), enivrante, de gardénia libérant un parfum suave et exaltant qui marque l’esprit, et tout en conservant une belle fraîcheur. Un nez qui se garde sûrement plus longtemps qu’un bouquet de fleurs, avis aux amoureux ; on connaissait Brel et sa boite de bonbons (« parce que les fleurs c’est périssable »), on a maintenant un Bel Air enivrant et odorant, parce que les bonbons ça fait grossir (on s’adapte comme on peut, vous pensez bien).

En bouche, l’attaque est moelleuse et sucrée sur une canne gorgée de sucre et arrivée à maturité accomplie, verte et même sobrement acidulée, à laquelle se mélangent des notes de poivre blanc cristallisé et toujours et encore un exotisme opulent, ainsi que de l’anis frais. Encore une fois, le degré passe très bien et cette fraîcheur (menthe glaciale?) transforme la bouche en lui donnant une belle puissance aromatique très bien maîtrisée et à l’équilibre flatteur et épicé. La maîtrise est bien là, la prise de risque reste certes minime, on attendrait quand même plus de complexité en bouche.

La finale est longue, très fraîche une nouvelle fois sur un mentholé cristallisant la canne pour une dernière valse, une énième parfumée qui semble se répandre lascivement et très justement, justement épicée, mais que l’on souhaiterait bien plus longue et complexe pour prolonger encore plus le plaisir.

Un blanc d’une belle maîtrise, sauf peut être sur la finale qui n’est pas à la hauteur du reste (mais qui ne démérite pas pour autant) ;  le côté frais/mentholé vaut à lui seul le détour et sert à merveille l’ensemble. Certains aimeront leur blanc ‘de bouche’ plus puissant et charpenté, plus cérébral aussi et poussé, mais force est de constater que ce Bel Air à 53° vaut les détours, et il est toujours plus agréable de voyager confortablement dans une vieille voiture que les fesses en compote dans une voiture de sport ; avis aux amateurs. Note: 86

 

 


 

 

La Favorite 2008

Un Single Cask (fût unique) de 2008 embouteillé en 2016, et donc âgé de 8 ans. Plusieurs fûts ont été embouteillés, donnant « à peu près 250 bouteilles » à chaque fois, pour un total sur les 3 premiers fûts de 750 bouteilles (le fût n° 2 est  à 44,7°, le 8 à 41,6% et le fût 9 est proposé à 43,5%). Après renseignement, le fût 2 aurait donné 146 bouteilles, le #8 152 bouteilles et le #9, 184.

 

Ce 2008 (fût #8) propose une robe ambrée soutenue, tirant sur le cuivre, grasse et laissant apparaitre de longues jambes dodues et appétissantes.

Au nez, le rhum apparait  très parfumé, très séduisant de prime abord sur un fruité très mûr et compoté savamment mélangé à des notes de vieux bois noble et classieux ; de la pomme gourmande, sucrée et juteuse, de la cannelle, de l’anone flétrie mélangée à des notes de tabac qui donnent du sérieux et qui habillent le rhum en costume 3 pièces : fruit, bois et tabac, dans un style empyreumatique des plus chaleureux et gourmands, très délicatement caramélisé. On retrouve même des agrumes arrivés à bout de souffle, qui apportent de la sagesse, de l’assurance acidulé. Et plus on lui laisse du temps et plus il prend de l’assurance et devient élégant en proposant des notes plus grillées et classieuses, et le fruit qui part sur une cerise griotte, rouge et sucrée, légèrement acidulée. Bel équilibre et complexité de ce rhum de 8 ans dans lequel on retrouve toutes les facettes d’un rhum complet, complexe et mature, une réussite.

En bouche, l’attaque est douce et chaleureuse, se fait chaudement huileuse et propose du confit (pruneau) fondu avec un boisé fin et toujours classieux, des notes de tabac et d’épices grillées, et quelques agrumes qui donnent un peu d’acidité, d’iode et font saliver de plaisir. Belle concentration aromatique où le rhum apparait riche et généreux, toujours dans un style feutré et ancien, avec un tabac qui deviendrait un peu trop présent (légère amertume en bouche). La fin de bouche est moyennement longue mais très persistante sur ces notes de tabac et de confit, qui resteront un long moment en bouche avant d’appeler fatalement un nouveau verre, toujours dans une ambiance luxueuse et cosy.

Rarement un rhum vieux de La Favorite n’aura proposé autant de classe ; le rhum vieux de base est déjà très bon comparé à d’autres, les blancs sont excellents eux aussi et ont déjà fait leurs preuves, alors que les plus vieux ‘rhum’ sont bien trop gourmands et disons le écœurants  (et édulcorés), alors qu’ici on trouve un rhum de 8 ans très bien ficelé, équilibré, classieux et exquis, de haut niveau et présageant de beaux jours. Note: 87

Après différents retours, il semblerait que les fûts ne soient pas très homogènes en terme de qualité, et des différences sont assez notables. Il conviendra bien entendu de goûter avant. Vous pouvez par exemple trouver l’avis de Benoit sur son blog RhumRonRon.

Le rhum dégusté ici provient d’un sample acheté sur un site internet, évoquant le fût #8 à 46° ;   problème d’affichage, le fût 8 est annoncé par La Favorite à 41,6%. Autre problème, mon sample a été mesuré à 42,8°…soit plus proche du fût #9 (43°). Je suis donc bien incapable de vous dire d’où vient vraiment le rhum testé vu que les différentes informations ne coïncident pas entres elles.

 

 


 

La Favorite Privilège 1999 / 43°

Assemblage de rhums hors d’âge vieillis 17 ans et mis en fûts (ex-Cognac) en 1999, sorti en hommage à André Dormoy qui a mis fin à sa carrière en 1999. 3500 bouteilles numérotées sont issues de ce millésime.

 

La robe est ambré soutenu, propose des jambes assez grasses et nombreuses et évoque la gourmandise.

Au nez se dégage une odeur chaude et sucrée de fruits au sirop, d’ananas avec une odeur légère et timide qui laisse déjà imaginer une bouche dans le même registre. Arrivent des odeurs de miel, de pruneau et de la cerise au sirop avec du repos et quelques notes de tabac (blond) et de poivre qui chatouillent les narines. Au final, le nez de ce millésime est assez simple et léger et manque cruellement de profondeur ; ça restera malheureusement plat malgré les longues minutes d’attente.

Nous sommes ici à des années lumières du 2008 malgré l’âge plus avancé de ce rhum, à se demander ce qui s’est passé avec cette cuvée Privilège qui manque franchement de personnalité ; espérons que la bouche rattrapera vite le niveau.

En bouche justement, le rhum est d’abord mielleux, moelleux, sur du fruit compoté et sucré mais rapidement rattrapé par des notes acides et amères, avec des tanins agressifs et des épices piquantes (et un boisé humide amer, en plus de réglisse). Cela pourrait sûrement valoir le détour dans d’autres circonstances, mais ça ne donne rien de très agréable au final et le boisé prédomine dans une bouche déséquilibrée. La fin de bouche est courte, sèche, sucrée, sur des notes d’alcool qui s’évaporent en bouche et du bois mouillé.

Qu’il est difficile d’enchainer ce rhum après le millésime 2008, et le blanc mono-variétal… On pense partir sur une dégustation de plus en plus agréable et on finit par une déception totale avec l’impression de s’éloigner de ce qui fait tout la force de La Favorite, à savoir un produit de base excellent. Note: 72

 

 


 

La Favorite  1995 / 44,1°

Un rhum millésimé (1995) issu du fût #42 et âgé de 20 ans, embouteillé en 2015 et sorti en partenariat avec La Confrérie du Rhum. Plusieurs fûts sortiront, celui-ci étant le dernier « en date ».

 

Robe caramel, acajou bronze, brillante, assez grasse et des barreaux en lieu et place de fines jambes. Du solide et du gourmand.

Au nez, c’est très doux sur des fruits caramélisés pour un profil très gourmand avec les fameux pruneaux qui ressortent nettement, de la cerise noire, de la vanille et du sucre, pour une atmosphère au final très…sucrée (comme pesante) mais quand même efficace (et entêtante). Il y a une belle odeur de tabac qui flotte, un léger fumé qui flatte les sens, mais le nez reste très focalisé sur le caramel et la gourmandise, chocolaté.

Le repos apporte un peu de contrariété à toute cette bienséance:  l’équilibre semble contrarié avec d’un coté des tanins assez secs et piquants (un boisé humide) et du tabac, et de l’autre le fruit gourmand, mais sans jamais se mettre en accord, comme s’il manquait le liant dans une recette culinaire.

Le degré alcoolique passe très bien et ne contrarie nullement la dégustation, et ça manque même de puissance, de canne, de rhum ; mais c’est doux, et au final pas très complexe. Mais comme avec une Flibuste, on se laisser aller à la rêverie et à imaginer un tas de pâtisserie (mais sans la lourdeur excessive des ron sur-vitaminés). Un peu plus de repos aura tendance à assécher le nez et même à lui extirper quelques gourmandises et on évitera de lui infliger quelques gouttes d’eau, la dilution paraissant déjà très suffisante.

La bouche est très douce, mielleuse et toute de suite assez sucrée et tannique (amère):  elle évolue sur un profil plus fruité et confit (pruneau, cerise griotte), caramélisé et annonce rapidement le retour des épices et du chêne, du tabac, de cuir. Les tanins et l’amertume semblent diriger la bouche de manière un peu trop excessive,  la polissonne de quelques fruits rapidement endormies par des épices poivrées qui se font même piquantes. La bouche offre une belle concentration et du corps à la dégustation malgré une amertume assez pesante qui déséquilibre l’ensemble. La fin de bouche est sèche et boisée, écourtée, sucrée. Le tabac et la réglisse persistent de belle manière, apportant cette fois une amertume plus agréable et même appréciable. Le rhum ne s’éternisera pas mais laissera quelques traces agréables de pruneau sur la toute fin,  à la manière d’une Flibuste, procurant un souvenir agréable et tenace de confit.

Il ne s’agit pas des premiers fûts embouteillés mais du dernier sorti, et à croire (et à en lire) les différents avis, il existerait pas mal de disparités entre les différentes sorties. Une comparaison avec un sample du fût 25 (45,2°) montrera en effet un rhum beaucoup plus abouti, fruité et équilibré, même si au final ni le nez ni la bouche ne laissent penser à un rhum aussi vieux dans les faits. Les amateurs de La Flibuste ou de la Cuvée des Cavistes y trouveront leur compte, gourmandise et douceur assurée. Note: 82 (car quand même plus « rhum » que La Privilège, et moins « saucé »)

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon
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