Neisson 2007

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Il y a quelques mois, Neisson sortait le premier rhum Bio et AOC au monde en version réduite et brut de colonne (nous y reviendrons). Au même moment, la distillerie du Carbet proposait son nouveau Single Cask millésimé : un rhum de 2007, vieilli en fûts de Cognac de 350 litres (mis en fût à 60% jusque 2014) puis passé en fût de Bourbon de 190 litres avant d’être embouteillé cette année. A l’occasion de l’anniversaire de La Maison du Whisky, deux versions verront le jour, habillé par Tatanka : une première proposée à 58,9°, et une seconde à 59° sélectionnée en partenariat avec Velier. Une troisième version sortira d’ici la fin de l’année et directement en Martinique.

Si, à première vue, on peut se poser la question de l’intérêt même d’embouteiller deux fûts uniques du même millésime, la dégustation nous montrera toute l’ingéniosité  de la démarche, car force est de constater que le résultat est très différent d’un fût à un autre…


Neisson 2007 LMDW / 58,9°

Un fût unique (#3) sélectionné par LMDW et embouteillé au degré naturel après 9 ans de vieillissement. Jamais Neisson n’avait encore embouteillé un rhum à un degré aussi élevé.


La robe est ambrée et tire sur le cuivré, elle est solennelle et brillante et en impose visuellement : huileuse, les larmes semblent même ne pas vouloir s’oublier.

Au nez, la concentration ne fait aucun doute, et c’est un Neisson fidèle à son image que nous propose ce 2007, avec comme à son habitude une ode à la canne ; il n’y a que chez Neisson que l’on retrouve aussi bien cette présence, y compris (et surtout) chez leurs vieux.

Ce millésime est plus sombre qu’à l’accoutumé, plus mélancolique, mais élégant avec un boisé toujours aussi bien maîtrisé et raffiné ; on y trouve des notes capiteuses et torréfiées, empyreumatiques jusque dans un fruit joufflu et débordant, avec une compotée frémissante d’abricots. Ajoutez-y de l’amande, du clou de girofle et de la cannelle, de la vanille et toujours cette majestueuse canne… Le repos apporte de délicieuses notes de coco grillée, légères mais gourmandes. Un nez élégant qui sait conjuguer boisé travaillé, virilité prononcée (épices) et maturité vivifiante (canne), tout en gardant une part de gourmandise (tarte à ‘abricot, note pâtissière) et une animalité naissante.

En bouche, l’attaque est onctueuse et puissante, mordante et vibrante ; le degré parle dans un mélange fondu alliant fruits confits (abricot), un boisé plus âpre, des notes de cacao amer, de bâton de réglisse et une canne devenue fibreuse ; Arrivent les épices, poivrées, chaudes et pressantes (pimentées même) qui prolongent une bouche concentrée et droite, mais toujours avec élégance et maîtrise. La fin de bouche est très longue, très persistante et athlétique, sur un boisé épicé et vanillé, évoquant des notes de tabac et de chocolat.

De l’horlogerie Suisse, avec l’impression que Neisson peut nous mener partout et à n’importe quel moment, avec une maîtrise toujours aussi insolente. Un rhum plus mélancolique qu’à l’accoutumé. Note : 87

 

 


 

 

Neisson 2007 LMDW-Velier / 59°

Une version cette fois sélectionnée conjointement par Vélier et par La Maison du Whisky, toujours issu d’un fût unique (#1) et proposé à 59°. Tout est réuni pour avoir le même résultat, et pourtant…

 

Alors que la robe apparait similaire, le nez est très différent du premier, plus puissant, plus grillé et même plutôt cendré, avec un côté plus animal de viande séchée, de cuir fondu et épicé, et avec un boisé encore plus luxuriant. C’est impressionnant de sentir une telle différence avec seulement 0,1° de plus…

Un nez qui met plus l’accent sur la futaille et son essence, avec un boisé plus rougeoyant, plus robuste et plus sauvage, plus primitif qu’à l’accoutumé. Ne comptez pas voyager sous un paysage ensoleillé avec ce millésime, la scène tient plus du combat de gladiateur que du jeu de plage et sentira assurément plus la sueur que le sable chaud. Il y a, à côté de ça, un effet très rafraichissant à ce nez, comme si l’origine du bois tirait son essence beaucoup plus au nord et sous un paysage enneigé, avec un bon gros résineux dont on aurait brûlé l’écorce pour réchauffer des mains endolories au coin d’un feu de cheminé (copyright L’Ethanol). L’abricot a laissé place à l’orange (et les agrumes de manière générale) qui se mélange merveilleusement bien avec un petit air chocolaté, et la gourmandise prend maintenant place, toujours sous couvert d’un boisé chargé de nostalgie, et de cendre de feu de cheminé ; un rhum plus brumeux qui sait raviver des souvenirs avec une candeur rafraichissante. Le repos évoque un peu plus ces cendres et une viande séchée.

L’attaque est onctueuse et un poil moins puissante que le précédent rhum (moins alcooleux), mais parait plus concentrée encore, plus juste, plus exotique et moins boisée et amère ; plus fraîche aussi (menthol, eucalyptus) et réglissée avec toujours un lot d’épices fringant et poivré (du piment d’Espelette). Le rhum monte en puissance et en intensité, se développe jusqu’à dévoiler son côté charnel de viande séchée, tout en puissance et dans un ensemble hyper fondu et onctueux, voire crémeux. La fin de bouche est une nouvelle fois très longue et puissante, intimidante même, se terminant sur un boisé fondu et chocolaté, et sur une fraicheur très agréable et toujours au bon souvenir de la canne.

Un autre 2007, plus animal, intimidant mais bougrement intéressant, et d’une fraîcheur! Le nez et la bouche de celui-ci avec la finale du premier, c’est possible? Un Neisson résolument différent, plus animal, mais encore plus équilibré au final. Note: 91

 

 

Deux même millésimes n’auront jamais semblé aussi différents, ou alors est-ce de la complémentarité ? Rarement le degré n’aura été si élevé, et ça se sent fatalement en bouche, où la version Velier peut être qualifiée de monstrueuse. Monstrueusement bonne mais puissante, réservé aux initiés et aux palais aiguisés.

On a toujours cette impression d’avoir des rhums sculptés avec Neisson, de l’orfèvrerie, ou bien encore de l’horlogerie suisse où chaque minuscule pièce a son importance et participe à la mouvance générale d’un ensemble dans une justesse chirurgicale. Et comme tout travail d’orfèvre, il faut prendre son temps pour ne perdre aucun détail ; chercher la finesse, aussi bien dans les notes les plus radieuses que dans la mélancolie de notes plus ténébreuses, mais tellement brillantes, au fond.

 

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon
Comments
12 Responses to “Neisson 2007”
  1. Cyril dit :

    Salut cyril 😉
    Un rhum de chez Neisson ? En brut de fut ?! Avec Velier ??!! Ca commence à faire beaucoup !! Ca faisait longtemps que je n’avais pas craqué mais là…. Du coup, j’ai pris les 2 dernières bouteilles que j’ai, perso, trouvé en France… Ouf ! Sinon, j’ai vu (déjà) une annonce sur Ebay de Belgique à…530€ le lot de 2 bouteilles….
    @+ 😉
    PS : si certains sont intéressés par l’autre version, à ce jour, il y en avait 2 de dispo là où j’ai commandé les miennes, si ça intéresse…(195€ l’1)

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  2. Cyril dit :

    Bon à savoir…quand j’ai vu le mal que j’ai eu à en trouver ici, j’ai failli les appeler d’ailleurs, car ils vendent par correspondance….
    En tous les cas, ceux qui sont intéressés ont intérêt à ne pas trainer…un caviste que j’ai appelé me disait qu’il avait vendu tout son stock la veille (ça fait tjrs plaisir 😉 à qqu’un qui avait fait 300 kms exprès !!

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    • cyril dit :

      il doit en rester quand même un peu au vu du prix qui pourrait en refroidir certains ? enfin ça reste des petites séries au final donc rien de surprenant j’imagine 🙂

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  3. Bertrand dit :

    Salut Cyril,

    Superbe note de dégustation! J’ai pu gouter la version bus orange, c’est du costaud! Il me reste plus qu’a tester le rose…

    J’ai l’occasion d’acheter une bouteille de Neisson 1997 joint bottling Velier. Je me demandais si tu avais gouté cet embouteillage et si tu penses que ca vaut le coup au prix de sortie (environ 350 euros).

    Merci!

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    • cyril dit :

      Salut Bertrand et merci
      du costaud oui, mais ça lui réussi pas mal vu le 2007 version distillerie (un troisième 2007 cette fois à 48° et uniquement dispo à la distillerie) qui du coup manque de quelque chose après comparaison (au besoin n’hésites pas si tu veux tester les 3 en f2f2f).

      Le 97 est toujours dispo à 350 ? si oui c’est une affaire car il est excellent, très complexe et du niveau des meilleurs millésimes de la maison 🙂

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  4. Bertrand dit :

    Salut Cyril,

    J’ai suivi ton conseil, j’ai acheté le Neisson 1997 (environ 380 euros avec le change). Ils avaient une bouteille qui trainait à LMDW Singapour et aussi un bouteille de 21 mais c’était trop cher pour moi environ 1050 euros). J’ai l’impression que les gens n’achètent pas beaucoup de Rhum la bas donc ça reste plus longtemps en boutique.

    Ce serait cool de pouvoir tester les 3 Neisson 2007 en f2f2f. On peut faire un échange de samples si tu veux, meme si je ne suis pas sur d’avoir beaucoup de rhums en stock qui peuvent t’intéresser…

    Merci encore pour le conseil avisé!

    Bertrand

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    • cyril dit :

      le face à face est très instructif tu verra. ça marche pour le 3ème, je vais t’envoyer un mail. Le 21 ans à 1050? wow, il est nettement moins cher à la distillerie non?

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  5. Martin dit :

    Bonjour,
    J’ai goûté le 2007 single cask mais édition bus rose « zepol carree » de neisson a 48º, que j’ai trouvé top mais pas pu comparer avec les versions lmdw et velier, mais je le prefere carrément au blend extra vieux que jai pu gouter en parallèle. Je peux avoir une bouteille de 2007 single cask 48º pour 120Euros (en Martinique), est ce une bonne affaire selon vous ? Merci

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