Réserve Spéciale

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Barbancourt…Toujours

Qui ne connait pas Barbancourt ? rhum emblématique d’Haïti, distribué un peu partout dans le monde depuis plus d’un siècle et demi. Il aura traversé le temps, et l’histoire, non sans embûches : l’embargo au début des années 90, le séisme dévastateur de 2010, mais aussi les différents changements de mains et les querelles familiales, n’auront jamais mis à mal son image.

Depuis 1862 et jusqu’à aujourd’hui, le rhum aux étoiles brille encore, d’une intensité certes moindre, et surtout depuis le début des années 90 : la distillerie abandonne alors son traditionnel alambic, pour un système plus moderne de colonne continue (double colonne), plus productif, mais moins qualitatif. Fini le système de double distillation, qui avait pour principal intérêt de donner un rhum plus aromatique, et rond ; Le distillat sortira, depuis cette date, à plus de 90%, pour une production qui dépasse aujourd’hui les 3 millions de bouteilles par an. Seul lien qui perdure encore avec la tradition charentaise, Barbancourt continue d’utiliser des fûts en chêne du Limousin.

Un rhum dans l’air du temps, et du progrès ; et l’occasion, s’il en fallait une, deretourner en arrière, le temps d’une dégustation de leur Réserve Spéciale.

( note: depuis ses débuts, et jusqu’à aujourd’hui, Barbancourt a su rester fidèle à sa gamme de rhums : d’abord le 3 étoiles (âgé de 4 ans) et sa Réserve Spéciale 5 étoiles, âgée de 8 ans. Et au milieu des années 1960, la Réserve du Domaine, âgée de 15 ans et traditionnellement réservée à la famille, vient enrichir le catalogue de la marque.)

 


Barbancourt Réserve Spéciale 5* (circa 70)

Voici un embouteillage qui remonte aux années 70, âgé de 8 ans (les 5 étoiles sur l’étiquette) et titrant 43°. Même le degré n’a jamais bougé au fil de l’histoire…

 

Couleur dorée, brillante et limpide. Une robe huileuse et d’épaisses jambes se forment.

Au nez, on est sur un rhum léger et fin, comme tous les Barbancourt qui ont suivi à vrai dire: sans luxuriance, mais avec une maîtrise toujours appréciée, sur des notes légères de chêne, de banane/ananas, et beaucoup de vanille. Avec l’impression d’une pâte à gâteau vanillée encore crue, à laquelle on aurait rajouté des morceaux de chênes légèrement brûlés. Les tanins sont classieux, on y trouve aussi des zestes d’agrumes (orange/citron), et un petite quelque chose de métallique, de cuivré.

La bouche est douce et huileuse, voir onctueuse (beurrée), tout en douceur : fruits murs et sucrés (banane), chêne léger, mélangé à du miel et à de la vanille. C’est chaleureux et doux en bouche, très agréable. Du citron, du poivre gris (et cannelle), de l’anis, avec un effet crème brûlée (pâtissier). La fin de bouche est moyennement longue mais persistante, sèche, épicée (poivrée) et mordante, mais toujours avec cette vanille, ce chêne (vraiment léger) et du caramel qui rendent la dégustation homogène, lisse, et surtout bien équilibrée.

Un rhum consistant du début à la fin, sophistiqué diront certains, tout en finesse et en légèreté, plaisant et fondu. Le genre de rhum vers lequel on revient, non pas qu’il soit fantastique, car il est plutôt très simple d’ailleurs, mais il a le mérite d’avoir le goût du rhum, ce qui tend à se perdre ces dernières années. Note: 82

 

 


Réserve Spéciale 5* (circa 40/50)

Changement d’époque avec cette bouteille, que l’on peut dater avec précision grâce à son bouchon à vis assez étroit, qui a été utilisé jusqu’à la fin des années 50. Ces bouteilles représentent à elles-seules tout un pan d’histoire : le pur jus de canne était alors mis à fermenter durant 3 jours, à l’aide de levures indigènes, avant d’être distillé dans un alambic à repasse de type charentais pour la fameuse double distillation. Changement d’époque rime t-il avec changement de goût?


Couleur acajou, reflets orangers pour une robe brillante et classieuse, accompagnée de nombreuses larmes, fines et nonchalantes. Il y a déjà une réelle différence avec d’autres Réserve Spéciale, plus récente.

Au nez, on est là aussi très loin du Barbancourt d’aujourd’hui aux arômes si légers, et on voyage très loin dans le temps. Le rhum est d’une richesse insoupçonnée, sur un rancio enivrant, des notes de tabac, de café ; et un végétal frais qui rappelle le chou-fleur, dans une sorte de bouillon, où se rejoignent passionnellement des fruits macérés, et des fruits à coque (dont la noix surtout). Un nez très plaisant et évolutif, ou apparaissent des fruits secs grillés et caramélisés, mais aussi d’exquises touches de curry, et toujours ce café, mais cette fois-ci sous forme de grains fraîchement moulus. Ça vous chatouille le nez, dans une grande justesse, de celle qui force le respect et qui font regretter le passé. Avec encore plus de repos, et de patience (et qu’est ce qu’on y prend plaisir ici), il y a bien des fruits, du verger, de la pêche et de l’abricot, mais réprimés par de graves notes noires et empyreumatiques.

La bouche est épaisse et vous caresse le palais dès les premières gouttes, balsamique, sur la mélasse bien noire, le bonbon à la réglisse et le café, la noix, et toujours dans un ensemble épais, un bouillon aromatique, chaleureux et délicieusement épais en bouche. Une sorte de macération de notes noires et grillées, dans un très bel équilibre, avec des fruits secs, et relevé par la bonne et parfaite dose d’épices (toujours ce curry, et de la muscade). On n’est pas sur une grande complexité, mais qu’est ce que c’est bon, et c’est encore plus appréciable quand on le compare à ce qui se fait aujourd’hui, quel gâchis… Non pas que Barbancourt soit mauvais aujourd’hui, oh que non, mais ça n’a rien à voir, c’est un fait.

La fin de bouche est moyennement longue et toujours aussi chaleureuse, et surtout persistante. On retrouve la réglisse, le café, les fruits secs et à coque dans une mort lente et toujours très agréable ; chaque arôme délivrant la juste dose, bien dosé.

De l’excellent Barbancourt comme on en fait plus, et quel dommage! si vous croisez une bouteille, ne la laissez surtout pas filer…Note: 89

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

Comments
4 Responses to “Réserve Spéciale”
  1. Francesco dit :

    Qu’est-ce que nous allions trouver une bouteille de leur rhum spécial. Cela a apporté en 2013 pour célébrer le 150e anniversaire de la distillerie.
    Voir:
    http://www.uncommoncaribbean.com/2015/05/08/showy-and-sweet-rhum-barbancourt-cuvee-150-ans/

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  2. Quentin Nédeau dit :

    Bonjour,

    Je cherche à dater un peu plus précisément de veilles Barbancourt.
    Je me sert, en plus de la taille du bouchon, des noms mentionnés sur les étiquettes (nom du directeur de Barbancourt) :
    – Paul Gardère (Avant 1946)
    – Jean Gardère (1946 – 1990)
    – Thierry Gardère (1990 – 2017)

    Je me pose alors deux questions :
    – les dates d’embouteillage correspondent t’elles précisément au directeur mentionné sur l’étiquette
    – sur certaines étiquettes est mentionné « J.P. Gardere ». À quelle époque cela correspondrait t’il ? Période de transition entre Paul Gardere et son fils Jean ?

    J’espère que vous pourrez m’éclairer.
    Merci pour tous ces articles !

    Quentin

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