rhum La Perle

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Nous l’avions dit dans un précédent article, les blancs à venir de cette micro-distillerie seront sans doute très intéressants à suivre (comme les vieux qui suivront), puisque produits sur place et synonymes de singularité et à l’identité propre. Le pari est aventureux et audacieux, ce qui manquait cruellement aux premières sorties puisqu’il s’agissait de rhums sélectionnés chez des confrères rhumiers et donc à l’intérêt moindre. Nous ne reviendrons pas en détail sur la communication hasardeuse et parfois étrangement fallacieuse (non l’utilisation d’un alambic de type charentais n’est pas une première en Martinique et non ce n’est pas non plus le premier rhum bio, comme cela a pu être -malheureusement- entendu tout dernièrement au Rhum Fest), A1710 allant même, après coup, jusqu’à donner la définition du mot Extraordinaire pour ‘mieux’ se faire comprendre, en donnant par la même une leçon de français à qui aurait maladroitement compris leurs propos. Dont acte.

Citons tout de même quelques synonymes, pour le plaisir, et complexité de la langue française (et du marketing?) oblige: surnaturel, fantastique, excentrique, extravagant, qui dépasse beaucoup le niveau moyen, qui est au-dessus. Au théâtre enfin, « on joue à l’extraordinaire » : on double, par dérogation, le prix des places. Toute ressemblance avec un rhum existant et son prix serait purement fortuit.

 

Niveau process, en attendant peut-être d’apprendre de nouvelles choses, c’est excessivement intéressant sur le papier:

Fermentation lente, utilisation de levures « singulières » (on va éviter de vous donner la définition) et une distillation en alambic hybride de type charentais (couplé d’une colonne en cuivre à 7 plateaux). Rien de nouveau sous le soleil mais un cahier des charges qui au mieux donnera l’eau à la bouche à n’importe quel amateur. Le premier blanc à sortir se nomme La Perle et titre 54,5°. Un autre blanc cette fois nommé ‘Renaissance‘ se fait attendre (prévu à la base en décembre 2016) et sera normalement proposé dans la carafe en forme de perle (levures de fermentation et réductions annoncés différentes). Mais place aujourd’hui au premier blanc, La Perle, rhum blanc paysan extraordinaire à 1 étoile.

 

 

 


 

A1710 La Perle / 54,5°

Bouteille #23 (from Baba), rhum blanc La Perle 2016 batch 1 à 54,5° (mesuré à 55,35°).

Ce premier millésime est constitué de ‘Canne Roseau’ et de ‘Canne Bleue’ cultivées à proximité de la distillerie et coupées à la main. La fermentation s’échelonnera sur 5 jours avec un mélange de levures indigènes (naturellement présentes sur la canne) et boulangères ; le vin de canne titre aux alentours de 6% et passera dans leur alambic pour sortir aux alentours de 68%. Après une réduction d’un peu plus de 2 mois pour ramener le distillat à 54,5%, le rhum est embouteillé sans filtration.



La robe, cristalline et charnue, laisse s’échapper une couronne de perles régulières dans un lent et savoureux ballet.

Le nez est puissant et propose une belle richesse sans aucun feu et à l’alcool assez bien intégré. La canne est gourmande et follement fraîche, rappelant une sorte de velouté de canne, murie à point et dans lequel on aurait mélangé des fonds d’artichaut et des asperges ; une touche florale apporte au rhum un côté séducteur et les réminiscences d’un verger de pommiers lui donne même des allures de diva ; après quelques minutes arrivent des arômes plus lourds et végétaux, où le roseau, les légumes vapeur et la fibre remplacent le jus et le sucre, dans un chassé croisé changeant, capricieux et brouillonnant jusqu’à se minéraliser dans un nez plus franc et presque froid, métallique et acide/aigre (la pomme est depuis longtemps mûre et passée au stade supérieur, prenant toute la place).

Le repos apporte encore du changement avec un côté plus terreux, presque fermier aux envolées étranges et parfois dérangeantes, comme si l’oxydation venait littéralement briser l’ambiance séductrice naissante, en transformant un début gracieux en final ombrageux. Plus saumâtre et même iodée, toujours dans une ambiance oxydée, le nez oscille bien trop pour installer le tant attendu équilibre ; le profil se rapproche même un peu plus d’une eau-de-vie de fruit (poire, pomme granny). Dans une ambiance fofolle, le nez commence fort bien mais ne trouve pas de stabilité et semble s’éteindre au fur et à mesure de l’attente, du repos et de l’oxydation, fatale, renvoyant l’imaginaire du champ de canne assez loin pour complétement l’oublier. Il passe ainsi en quelques minutes d’une douce odeur de jus de canne pressée à même le champ, à des odeurs de criée ; la proximité de la mer, sans doute..

En bouche, l’attaque est saisissante, puissante et relativement dure : la minéralité emporte tout et l’alcool est très présent. Autant cet alcool était bien fondu au nez, autant il est entier en bouche et brûle ici et là, dans une bouche déséquilibrée. Herbe fraiche (et amère), minéralité, arômes métalliques (inox, aluminium?) et acides (oxydation?) ; dans ce paysage, pas simple pour autre chose de se démarquer, surtout pas les fruits, même si une légère sucrosité arrondit tout de même un peu les angles. Contrariant et monolithique, le rhum brûle au palais, très loin des débuts prometteurs et de la séduction qui prenait place en tout début de dégustation. Erreur de distillation, ou alors l’envie de se démarquer de la concurrence ? On sent du potentiel mais la bouche apparait bien trop alcoolique et oxydée, et la finale n’améliorera malheureusement rien, principalement sur l’acidité et l’alcool, résolument sèche et amère, laissant un goût métallique très présent en bouche et qui restera longtemps.

 

Il y a sûrement un énorme potentiel avec une canne aussi fraîche et un tel arsenal de distillation et nous attendrons avec impatience (certes en berne) le batch 2, mais ce premier coup d’essai est très décevant. Dans la même idée d’une fermentation lente et d’une distillation discontinue, on ne saurait que vous conseiller Rhum Rhum (Marie-Galante) ou encore Issan ou Chalong Bay qui proposent des produits beaucoup  plus complets et équilibrés (et proches de la canne à sucre).

Et au final, on aimerait plus de simplicité, d’humilité, et surtout de la qualité, car avec de tels qualificatifs et une stratégie marketing survitaminée (et un prix moyen très élevé) on s’attend minimum à quelque chose d’équilibré. Et on est en droit de l’attendre. Alors vivement la suite, même si le facteur prix pourra clairement refroidir les ardeurs du prochain… En tout cas, les gens qui aiment seront ravis d’apprendre à nouveau que je ne suis ni distillateur ni professionnel, mais ce rhum a pour moi plus de défauts que de qualité, la balance prix/qualité étant clairement (et outrageusement) déséquilibrée, et même complétement décalée. Note: 76

Et pour ne pas rester sur un à-priori négatif, nous vous invitons chaudement à lire les retours de Damien Sagnier sur le site du Rhum Club Francophone, et celui de Cyrille Mald sur RumPorter (qui aura été beaucoup plus patient en laissant 6 semaines au rhum, et c’est tout à son honneur).

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon
Comments
3 Responses to “rhum La Perle”
  1. Nico dit :

    Ils sont où les commentaires,??!! y’a que la vérité qui blesse.le rhum quand c’est pas bon… déjà à boire , mais alors à vomir.,!!!

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    • cyril dit :

      Bonjour Nico
      des commentaires il y en a + sur la page FB du site (via ce lien), c’est généralement l’endroit propice aux échanges. Et au final peu de retour enthousiasmes, même si biensur le mieux reste encore (et toujours) de gouter pour se faire sa propre opinion 😉

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  2. tonmial dit :

    bonjour
    Trois avis différents,qui permettent à chacun d’en savoir plus sur un même produit,toutefois je crains encore la hausse des prix depuis un an la barre des 10 euros a été franchi jusqu’à 16 euros pour un rhum blanc à la Martinique.Plus il y aura de commentaire démesuré de la part de certains plus les prix seront à la hausse.

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