La bien nommée
Voici une distillerie familiale qui fait pas mal parler d’elle en ce moment et qui vient de sortir quelques nouveautés très attendues. Je vous invite à découvrir La Favorite plus en détail en lisant le très bel article de Jean-Pierre Gitany sur son blog Persil et Oignon Pays.
Nous parlerons aujourd’hui de leur cuvée ‘Privilège’, un assemblage de rhums de « 30 et 36 ans » selon leur site internet, mais dont l’étiquette ne mentionne aucun compte d’âge.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à lire les articles qui traite de l’édulcoration avérée de cette cuvée.
prix : acheté 174€, le rhum se vend entre 195 et 210€ actuellement, mais sachez que s’il vous arrive de visiter la distillerie vous aurez alors le privilège de le trouver pour une petite centaine d’euros… 70cl et 40° pour cette bouteille entièrement embouteillée, étiquetée et cirée à la main. La production est limitée et numérotée à 2 000 bouteilles par an.
âge : assemblage de rhums de 30 et 36 ans? difficile à croire, et ce n’est pas l’étiquette qui nous en dira plus (aucune mention d’âge dessus); vieillis dans des fûts de Cognac de seconde main.
La robe de ce rhum est très impressionnante, lourde et d’un acajou sombre tirant sur le précieux rubis. très sombre… l’atmosphère est changeante au dessus du verre et l’impression irrémédiable et frissonnante d’être au dessus d’un nectar plutôt que d’un pur jus. Un réseau de larmes épaisses et tout aussi impressionnantes imprègne les parois de mon verre et semble vouloir attaquer la matière.
Le nez est ample et concentré mais d’une douceur impressionnante, et semble coller in situ à chaque nouvelle inspiration, chaleureux comme on peut l’imaginer, peut-être trop même. Du fruit noir à profusion (pruneau), secs (raisin, datte, figue), confits et rôtis, de la vanille qui semble flotter au dessus du verre et des épices si douces et fondues, et surtout chaleureuses, qu’à l’instant suivant vous êtes transporté dans votre enfance devant un pain d’épices fumant tout juste sorti du four. Tout le nez est guidé par ces doux et chauds souvenirs, comme une ligne conductrice qui ne change de cape à aucun moment, fidèle à son trait devant une copie quasi-parfaite. Apparaissent des notes torréfiées, des notes noires de réglisse mais toujours finement délivrées, fondues et tout en souplesse.
On s’en prendrait – à ce moment précis- à rêver de plus de force (et donc plus de 40°) pour voir éclater tous ces arômes. Cela donnerait à n’en point douter au rhum une tout autre dimension qu’à cet ultime instant je n’ose même pas imaginer…
Avec plus de repos on trouve de la cerise noire confite (celle de la forêt noire) qui donne au nez un côté fruité et sucré très agréable et rond. Le nez n’aurait pas été complet sans cette touche gourmande, tout comme les fins nuages de dentelle dans un ciel pur sont autant de rêverie supplémentaire à une journée bucolique. De la contemplation, ni plus, ni moins. Une sorte d’oasis dans le désert, un mirage à l’instant fatidique d’une marche finale.
En bouche, l’impression est d’une douceur inouïe et d’une souplesse impressionnante. Même le boisé, pourtant éprouvé durant soit disant une trentaine d’années, est flottant, souple et léger comme une plume. La bouche est légèrement tannique mais très sirupeuse, avec cette impression de boire un rhum arrangé (infusé?) plutôt qu’autre chose ; Tout est toujours aussi fondu et caramélisé, on reconnait aisément la vanille et les épices, toujours aussi douces, et de la réglisse qui donne une légère tenue.
Le vieillissement en fût de cognac doit être en parti responsable de toute cette rondeur et de ses traits fins, délicats et souples ; là encore, je ne peux m’empêcher de penser qu’un peu plus de puissance aurait été très favorable à cette cuvée. Mais le but recherché n’est clairement pas là: nous avons plus affaire ici à un spiritueux luxueux et sirupeux, réalisé sous le signe de la douceur, un parfait digestif pour qui peut se l’offrir, et aime les rhums sucrés.
Le petit 40° montre ses limites et la dégustation semble à ce moment comme suspendue. Comme si arrivé au moment de l’intrigue, on vous retirait un livre des mains, violemment et sans raison apparente…
Le final s’en retrouve forcément biaisé, moyennement long et toujours chaleureux et bienveillant avec un peu plus de réglisse et d’épices ; les tanins se font plus présents aussi mais toujours tout en retenu et bien accompagné par ce fruité toujours présent. Très belle persistance qui laisse un arrière gout fort agréable et plus fruité pour finir sur une très belle note.
Le rhum a l’air d’aller crescendo, se donnant corps et âme dès le départ et montrant quelques signes de fatigues sur la fin, un peu essoufflé par une course de fond. Là où l’attend le plus, pour un final tout en beauté, il est efficace et fait son boulot, mais il manque quelque chose pour marquer l’instant.
Une robe très concentrée, surprenante, un nez chaleureux et ample très fondu sur les arômes (épices, fruits, vanille) et qui rappelle un vieil ami rassurant et sympa, suivi d’une bouche hyper douce et toujours aussi chaleureuse et fondue mais qui laisse place à une sortie plutôt simple, même si il laisse une délicieuse trace de son passage. Le rhum est en tout cas très homogène du début à la fin.
Pour ma part j’aimerai ce petit truc en plus qui, sur la fin, fait pétiller les yeux, mais les 40° font vraiment mal, comme si le rhum y avait laissé quelque chose. C’est bon, je ne dirai pas le contraire, mais la dégustation va clairement crescendo et on termine un peu sur sa faim. Il est vrai que mes expectations étaient assez hautes pour ce rhum et cela a forcément joué dans mon jugement final…
Ou alors ça donne à rêver et imaginer un rhum qui soit plus fort et qui laisse parler d’avantage le fût, qui nous conte de manière plus authentique cette histoire si étroite et personnelle, entre son contenant et son contenu. Un jour peut-être ? Note: 80
pour aller plus loin, nous vous invitons à lire nos articles sur les rhums hors d’age de La Favorite (dans la rubrique du même nom) concernant l’ajout de sucre. Franck Dormoy, de la distillerie La Favorite, nous annonce que ce rhum est en fait…un rhum arrangé, fait à base d’une macération de fruits confits et d’épices…
Et dans une vidéo (cliquez ici pour visualiser) de 2010 présente sur la chaîne YouTube de Dugas (vers 2min), Paul Dormoy de la distillerie la Favorite affirme (concernant les cuvées Flibuste et Privilège) qu’ « il y a un mélange d’un petit peu de cognac et de beaucoup de rhum ».
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Merci pour cette dégustation qui encore donne envie !
Dans le rhums vraiment hors d’âge chez La Favorite il y a aussi la Cuvée Spéciale de la Flibuste qui paraît bien tentante : 30 ans, mais hélas aussi réduite à 40%…
A+ !
Oui La Flibuste aussi connaît du succès c’est vrai. La cuvée des cavistes est à 42,5 je crois.
Info de la distillerie concernant la cuvée Privilège :
Elle n’est pas diluée mais… « Disons un léger ajustement du degré (équilibre souhaité par le Maître de Chai) mais il sort à moins de 41 % d’alcool. »
Merci de citer mon blog et l’article sur la Favorite.
Je confirme La Flibuste est à 40% et son prix vient d’augmenter, dans les grandes surfaces en Martinique il est passé de 90 à 100€ en moyenne.
Merci pour cette information Jean-Pierre, La Favorite victime de son succès…
Des belles notes de dégustation en effet. Merci 🙂
Je me rappelle avoir pu le goûter chez A’Rhum et je partage tout à fait ton avis : un (très) bon rhum mais qui manque de puissance et d’explosivité à mon goût.
Merci pour cette nouvelle découverte 😉 Mais je résisterai cette fois-ci ! 😉
Et puis il est vrai que lorsque l’on a gouté à du brut de fût, on « v(b)oit » les autres rhums autrement….même si je continue, heureusement, à apprécier les autres ! Un peu dommage quand même pour ces vieux rhums…
Dommage aussi encore une fois de payer le contenant (bouteille soufflée bouche il me semble), même si je n’ai aucune idée d’à quel point cela peut impacter le prix final et même si ça fait partie du marketing…
La diversité du rhum a ça de magique qu’elle nous fait passer de l’un à l’autre avec un certain plaisir. Cela change et c’est tant mieux.
Aucune idée du prix du contenant… Mais moins de 200€ pour un rhum de plus de 30ans ne me semble pas excessif, même si cela reste une somme
Salut Cyril,
Je n’ai pas pris de notes précises lors de la dégustation de ce rhum pour essayer de laisser plus de place à la magie. J’en garde néanmoins un souvenir intact qui m’a fait voyager pendant un long moment. Un nez splendide tout en confiture et une bouche au diapason, comme toi, les tanins ne m’ont pas gêné.
Quant à la finale, je me suis fait la réflexion inverse : » pour 40%, pas mal… même très bien ! » les arômes sont si concentrés que j’y ai trouvé une certaine longueur à mon goût.
Un rhum qui m’a autant impressionné que Skeldon 73 ou Damoiseau 80 pour ne citer qu’eux. Comme quoi, le pourcentage d’alcool…
Je ne peux qu’inviter tous les amateurs de nectars concentrés à se laisser tenter par celui-ci qui est vraiment d’exception.
PS : pour avoir goûté également la cuvée Flibuste le comparatif est très intéressant. On sent bien la fratrie qui unit de ces deux cuvées. La Flibuste est moins exubérante peut-être, moins « confiturée » surement, mais plus douce et chaude au palais. Les deux sont complémentaires et indispensables !
Merci Francis pour ton retour, c’est très intéressant. Il y a en tout cas la de quoi satisfaire n’importe quel amateur de rhum, même le plus exigeant. Bravo La Favorite…
Je suis d’accord avec l’homme à la poussette. La flibuste et la privilège manque de puissance et ne m’ont guère convaincu. Cependant LA CUVEE DES CAVISTES reste selon moi le chef d’oeuvre de LA FAVORITE .Ce rhum est un modéle d’équilibre où la force et la douceur s’allient à la perfection pour déboucher sur une explosion épicées longue et renversante.Sur celui-là CYRIL pas d’essouflement!
Si c’est pas pousser à la consommation… 😉
La réserve du Château 2000 et surtout le 2012, vous ravira : les caractéristiques du Privilège avec la puissance que nous aimons en plus . Un pur délice qui a mon avis fera l’unanimité ! Actuellement à environ 78 € à la Martinique . Donc faudra compter le double en Métropole !!!
Bonjour à tous et merci Cyril pour ton site, qui permet de découvrir de nombreux rhums dont la grande distribution ne fait pas écho.
Concernant la cuvée Privilège, j’ai rarement eu l’occasion de voir un rhum aussi ébène et sirupeux, surtout dans les rhums agricoles. Cette cuvée est un délice!! D’ailleurs, je cherche une bouteille de Privilège datant de 2012. Si par hasard, l’un des nombreux lecteurs du site possède une bouteille (non entamée!!) cela m’intéresse vivement.
Encore merci pour ce site.
Bonne continuation.