Session #5

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Vian & Vieil

Négociant de Marseille, Vian & Vieil est une maison fondée en 1865 qui sortira de nombreux rhums sous son propre nom, dont les trois goûtés aujourd’hui : deux rhums ‘Gibelin’ et un rhum surnommé Baïta. D’autres marques seront distribuées par la même maison, dont le rhum Bourbon (47°), et le rhum Ramona. Comme d’habitude, très peu d’information sur ces rhums d’une autre époque…

 


Rhum Baïta

Chose plutôt rare en ces temps là, l’étiquette mentionne clairement qu’il s’agit d’un rhum « pur jus de canne à sucre »… 40°, la mention D comme il était coutume à une certaine époque (D pour Digestif), puis le nom de la maison avec la mention « sélectionné, importé et foudré par » pour montrer une certaine implication du négociant, qui aura pour effet direct de rassurer le consommateur de l’époque. Cela veut peut être aussi dire que le rhum a été vieilli en France avant d’être embouteillé, car « foudré » par Vian & Vieil.

La photo trouvée sur le net d’une bouteille d’un litre portant le nom de SLAUR (un des principaux fabricants français de boissons alcoolisées et de sirops) nous renseigne sur une époque: en effet, la maison Vian & Vieil a été rachetée (comme beaucoup d’autres) par cette société créée en 1972. La mignonnette ouverte ici est plus vieille (plutôt des années 60/70), car les embouteillages suivants portaient la mention « les successeurs de Vian & Vieil ».

Ce rhum Baïta est d’une couleur acajou foncée, tirant sur la café ; un rhum sûrement coloré comme les standards de l’époque l’exigeaient (enfin, surtout les négociants qui pensaient, à tort, qu’un bon rhum devait être foncé). Et rappelons qu’il s’agirait ici de rhum agricole. La robe apparait assez limpide et « éclatée »: au travail, se forment des traces foutraques sur le verre, comme de l’eau (rhum coupé?), qui laissent place à quelques larmes très larges. Au nez, on est sur la macération de fruits secs (du raisin surtout, et du pruneau dans une moindre mesure) ; ça rappelle un jus de raisin noir, sans trop évoquer le rhum, et encore moins l’agricole. Et derrière ce raisin, on imagine sans mal du zan pour un nez au final chaleureux mais plutôt -très- simple. En bouche c’est sans saveur, et on est plus proche de l’eau que du rhum, ou même du jus de raisin… Il n’y a pas 40°, il n’y a sûrement pas beaucoup de rhum non plus, et encore moins de goût. Le temps ou les standards d’une autre époque?

Un nez simple mais bien là, contrairement à la bouche qui n’existe même pas. Note: aucune

 



Rhum Gibelin

Autre rhum du négociant Vian & Vieil, il existe au moins deux versions de celui-ci, preuve qu’il aura traversé le temps, contrairement à d’autres marques qui ne feront qu’un très court passage sur les étales.

Ce premier rhum Gibelin, c’est son nom, est plus ancien (bouchon en liège et étiquette jaunie). L’étiquette nous apprend qu’il a été « importé des colonies françaises », mention qui disparaitra au fur et à mesure. Cette étiquette mentionne aussi l’imprimeur : « Imprimerie Mouillot, Marseille », aussi à l’origine de certaines étiquettes du rhum St Esprit ou Black Head, qui officiaient dans les années 1900.

Dans le verre, un liquide couleur acajou, reflets bronze ; Et des jambes qui ressemblent à du rhum (alléluia), épaisses et nonchalantes. Au nez, nous avons des fruits confits, de la cerise à profusion, de la banane, de la pêche, c’est compotée, ample et sur un registre gourmand. De la cannelle pour les épices, et au final un rhum qui apparait bien équilibré et complexe. En bouche c’est doux, légèrement huileux ; d’abord fruité (fruits secs) et rapidement épicé, puis boisé (et beaucoup de réglisse). Bien équilibrée, douce et soutenue, la fin de bouche est sèche, sur les épices et le bois, avec un côté fumé qui fait son petit effet. Plutôt long en bouche, les fruits secs reviennent sur la fin.

Le plus vieux, et étrangement le mieux conservé des trois. Nous mettrons ça sur le compte de l’absence de capsule métallique (et donc une évaporation moindre) et sur la présence -toujours efficace- du bouchon en liège. Note: 85

 



Gibelin bis

L’étiquette a pris un coup de jeune (exit la mention sur les colonies françaises), la capsule est métallique, et nous avons surement là la suite du rhum Gibelin goûté plus haut. L’occasion de voir un éventuel changement.

Encore une couleur acajou très soutenue, tirant un peu plus sur le café, avec cette robe qui au repos ressemble aussi à de l’eau (pas de couronne caractéristique et de jambes ou de larme, c’est très…fluide). Au nez, macération de raisins, de pruneaux, avec de l’amande : on est sur de la crème d’amande, c’est mi-fruité mi-médicinal. Au repos on a de la réglisse et du moka/expresso qui rejoignent l’amande. En bouche, nouvelle déception…de l’eau, pas d’alcool pas d’arômes, pas de goût!…

Le nez était pourtant bien sympa mais comme quoi, le rhum a du soit beaucoup perdre avec le temps, ou alors la mode de l’époque était au rhum coupé. Comme nous l’a montré l’histoire, quelques négociants peu respectueux ont, à un moment donné (en temps de pénurie), voulu continuer à proposer du rhum coûte que coûte,  quitte à sortir des choses comme celle-ci… Note: 53

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

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