Les racines du rhum

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Tout amateur de rhum -et même de spiritueux de manière plus large- est amené un jour à se tourner vers le passé à la recherche des origines, à la découverte de ce que pouvait alors proposer le rhum. Tel un généalogiste à la recherche de ses ancêtres la quête est longue mais valorisante, et même si parfois décevante elle reste indispensable pour mieux comprendre le rhum d’aujourd’hui.

Au delà de l’aspect financier qui calmerait n’importe quelle ardeur, il est tout de même possible de déguster de (très) vieilles bouteilles sans forcément se ruiner, et les exemples ne manquent pas : partager une bouteille à plusieurs , chiner sur les brocantes et autres vide-greniers ou encore collecter quelques mignonnettes via des sites de ventes aux enchères. Autant d’idées à la portée de tous et qui ont permis à votre hôte de dénicher quelques trésors, parfois pour une bouchée de pain, béni.

 

Free The Spirit

Bien sûr, on pourrait très bien vouloir garder pour soi de telles bouteilles ou encore commencer une collection de ces belles mignonnettes et devenir buticulamicrophile. L’objet est souvent beau et empreint d’une histoire, d’un vécu qui remonte aux années 1900, une longue litanie que la pellicule de poussière déposée sur le verre résume le plus souvent à elle seule. Et au fur et à mesure que ma liste de mignonnettes s’agrandissait, cette idée m’a traversée l’esprit… Il peut paraitre fou d’ouvrir de telles bouteilles, aussi petites soient-elles, sacrilège.

Mais quid de l’histoire justement ? Le spiritueux est partage, partage de l’eau de vie et partage des sensations. Une bouteille n’est belle que si elle est partagée. Alors oui la déception peut être au rendez-vous, mais comment le savoir si personne n’y trempe ses lèvres ? Je suis pour libérer ces vieux alcools de leur prison de verre et leur redonner la parole, free the spirit…

 

charlestonEn 1755 Marie Brizard commence à produire une anisette qui devient rapidement célèbre, puis sortira un rhum qui aura lui aussi un grand succès: le rhum Charleston. La recette de l’assemblage changera au cours de son histoire et ce rhum d’abord réputé finira finalement par devenir un simple rhum de pâtisserie et de biscuiterie (très aromatique grâce
à l’adjonction de quelque 20% de « grand arôme Galion » de la Martinique ou de rhum de la Jamaïque).

Petits rappels historiques

Même si le rhum était connu aux Antilles depuis le XVIIe siècle, il sera longtemps boycotté par la France qui en avait interdit son importation pour ne pas concurrencer les alcools métropolitains. Cela n’empêchera pas les Antilles françaises de passer en contrebande leur guildive à l’étranger et notamment en Nouvelle-Angleterre. Et en France aussi puisque les écrits nous montrent que l’on en consommait déjà dans certains cafés parisiens dans les années 1790, on buvait alors du « ponche au rome », boisson à la mode.

Avec la révolution vient son lot de changements dans l’économie du sucre (et donc du rhum): l’esclavage disparait provisoirement, Haïti devient indépendant et le sucre de betterave apparaît en Europe. Ainsi en 1819 la Martinique exporte 7 fois moins de rhum qu’avant la révolution… (3700 hectolitres). Et il faudra attendre la seconde moitié du XIXe siècle, après 1850, pour voir débarquer dans les ports un nombre de plus en plus inquiétant de fûts en provenance des colonies françaises.

Mais pourquoi un tel revirement ? pourquoi autoriser aujourd’hui ce que l’on refusait hier ?

On a tendance à penser que les différentes crises traversées par les vignobles français ont eu une conséquence directe sur l’arrivée du rhum, puisqu’il fallait éponger la soif de nos compatriotes ; c’est en effet une des raisons, même le Phylloxéra n’est arrivé qu’autour de 1863, et n’a vraiment bousculé les habitudes de consommations que vers 1876, quand la production d’alcool a brusquement chuté. Une autre raison évoquée est la politique de stockage des négociants en eau-de-vie de la région de Cognac qui mirent en réserve pour le vieillissement des centaines de milliers d’hectolitres de Fine Champagne de 1850 à 1876.

Mais d’autres raisons expliquent encore l’ascension des importations de rhum:

A commencer par le libéralisme économique qui leva la prohibition et supprima les droits de douane sur les alcools étrangers et coloniaux par le décret du 26 juin 1854. L’accroissement de la consommation d’alcool aussi, surtout dans les classes populaires: en 1820 elle était de 1,12 litres par an et par habitant ; elle passe à plus de 4 litres en 1880. Et enfin il ne faut pas négliger la situation des Antilles qui traversent alors une importante crise du sucre de canne (ces mêmes crises qui seront à l’origine des premiers rhums agricoles), concurrencé par celui de la betterave, et qui poussa les producteurs antillais vers la fabrication du rhum, jugée plus rentable.

Le rhum, produit d’un ailleurs ensoleillé, pénètre les ports

Des milliers de fûts contenant un alcool alors inconnu de la population locale, un alcool tropical qui réchauffera les gosiers et les cœurs des plus réticents personnages, certes malgré un début difficile. Comment faire confiance à un alcool aussi lointain et bien loin des cépages, des vignes, des châteaux voisins et de leurs terroirs.

Ces rhums viennent principalement de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion, des rhums de qualités différentes (rhum de vesou, rhum grand arôme, de mélasse,..). Ils sont transportés par bateaux vers les ports français et titraient en général de 60 à 65°, leur degré étant abaissé pour la consommation jusqu’à 38, 40 ou 45°. Ce rhum arrivait dans les 3 principaux ports français (Bordeaux, Le Havre et Marseille, et citons Nantes en outsider) et était directement stocké dans les chais de négociants avant commercialisation (il existait aussi des chais à Paris). Ces négociants pouvaient alors vendre le produit à des grossistes soit le conserver dans leurs chais pour procéder aux coupages ou encore y laisser vieillir une partie des stocks. Ce sont encore eux qui se chargeaient de la coloration, de la mise en bouteilles, du conditionnement et de l’expédition.

Il est à noter que le rhum n’était pas vraiment traité différemment du vin puisqu’à l’époque les négociants pouvaient élever du vin 2 à 3 ans avant de l’embouteiller. Au départ transporté en sur les bateaux en fûts de 240 et 280 litres, le rhum voyagera plus tard (après la seconde guerre mondiale) dans des citernes puis dans des conteneurs, les uns de 24 hectolitres, les autres, les « tanktainers », de 210 hectolitres. Fini le temps des fûts où le rhum pouvait encore travailler durant les longs voyages en mer et même continuer dans les ports de la métropole.

Ce rhum était donc généralement coloré au caramel pour satisfaire le goût de la clientèle métropolitaine, mais de plus petites quantités de rhums étaient aussi expédiées en bouteilles: des rhums vieillis dans des fûts de chêne américain, non « caramélisés », et qui devaient leur teinte naturelle et ambrée à leur long séjour au contact du bois. La mise en bouteille se faisait le plus souvent sur place et ces rhums de qualité, encore rares à l’époque (6 à 8%), sont les précurseurs des grands rhums agricoles qui se vendront après la seconde guerre mondiale, et qui se vendent toujours aujourd’hui.

 

Des marques en pagaille

A l’époque, le nombre de marques est considérable et atteint plusieurs centaines.
Les négociants en vin ajoutaient alors systématiquement le rhum à leur catalogue, grossissant le rang des bouteilles disponibles.

A ses débuts, le rhum devait être de Jamaïque, en tout cas au moins de nom car il était vendeur et il était considéré comme le meilleur qui soit. Il n’est donc pas étonnant que les premières marques déposées -vers 1859- portent comme noms « Rhum de la Jamaïque » ou encore « Rhum Chino-Jamaïco ». Le terme Martinique n’arrivera qu’en 1884 alors même que l’île exporte à elle seule plus de la moitié du rhum du marché français… En 1896 apparait le premier rhum estampillé des Ilets de Guadeloupe, et La Réunion attendra l’année 1901 pour figurer sur une étiquette (Rhum Bourbon- Saint-Louis-Réunion).

En témoigne le site de Dominique Jullien, magnifique exemple de la diversité des rhums de l’époque : http://etiquettesderhum.free.fr/

Les maisons les plus importantes et les plus fameuses raisonnent encore aujourd’hui: Marie-Brizard et son rhum Charleston, Cazanove et son rhum Black Head, Lambert et le rhum Saint-James, le rhum Mangoustan de la maison Barbet et Fournier, citons encore le rhum Maroni du négociant Coutou et le Old Manada de Meynadier,… et le Négrita de la maison Bardinet, cette même maison qui rachètera nombre de ces maisons par la suite, et qui possédera deux rhumeries agricoles aux Antilles, Dillon et Depaz qui produit le rhum Old Nick.

portBdxXVIIILe port de Bordeaux au XVIIIe siècle

 

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Bordeaux, capitale du Rhum

Principal port des relations avec les Antilles, Bordeaux reçoit en particulier le sucre qu’il raffine avant de le ré-expédier dans le reste du pays (En 1840 Bordeaux possède jusque 35 raffineries de sucre). C’est au cours du XIXème que les entreprises commencent vraiment à s’intéresser au rhum (Droz en 1837, Jourde en 1857, Lillet en 1872 ou encore Cazanove en 1878) , et il existe alors des négociants spécialisés qui à la fin du siècle manipulent des quantités considérables de rhum. De 1900 à 1950 la carte du négoce du rhum se confond même avec celle des vins et des spiritueux, chacune ayant ajouté le rhum à son catalogue.

Les principaux fabricants de rhum, groupés par syndicat, étaient alors au nombre de 27 : Bardinet, Fournié Frères, Marie-Brizard et Roger, Cazanove, Duquesne, Teissedre, Gangneux et Tanet, Coutou, Lasserre Terrier, Saint-Cizi-Sastan, Marchand, Chailloux, Turpin, Bourdié Frères, Barbet et Fournié, Veyret Latour, Nevers, Galibet et Varon, Carrasset, Colin et Cie, Dabadie, Bouchez et Guigon, Tourneau, Georget, Laurent Monpole, Saint-James.

Beaucoup sont en fait des entreprises de modeste importance et certaines s’occupaient aussi du négoce du vin. La plupart vont ensuite disparaitre et il n’en restait plus qu’une dizaine en 1965 et une demi-douzaine au début des années 1980. La disparition progressive des rhumeries entraîne celle des courtiers et commissionnaires. Les ports importateurs et centres de négoce (Bordeaux, Le Havre, Marseille, Paris) avaient chacun leur « syndicat du rhum » ; une telle dispersion constituait un handicap: les 4 syndicats se regroupèrent pour constituer le Syndicat français du Rhum, dont le siège fut installé à Paris.

En 1981 seules quatre maisons distribuent du rhum (et des cocktails à base de rhum) : Marie-Brizard et Roger avec le rhum Charleston (au fil des ans la part du rhum dans ses activités a tendance à se restreindre ; les ventes du Charleston ambré diminuent et finalement la marque est réservée à un volume assez modeste de rhum de pâtisserie et de biscuiterie, rhum très aromatique grâce
à l’adjonction de quelque 20% de « grand arôme Galion » de la Martinique ou de rhum de la Jamaïque.), le groupe Cointreau avec le rhum Saint-James, et deux maisons plus spécialisées : Clément qui distille et produit à la Martinique et distribue ses produits depuis Bordeaux, et Bardinet qui distille peu (distillerie Dillon à la Martinique) mais surtout négocie d’énormes quantités de rhum de toutes sortes sous des formes très diversifiées : assemblage de rhums destinés plutôt à la cuisine (Negrita), rhum vieux de dégustation (Dillon), rhum agricole pour le punch, rhum léger pour les cocktails, cocktails à base de rhum et de fruits.

Le rhum connut ses heures de gloire, fut popularisé par les fantassins de la guerre de Crimée (1854-1855), profita des désastres des vignes et du phylloxéra, puis de la première guerre mondiale et de la seconde dans une moindre mesure. Il connut aussi des moments de doutes, l’éruption de la Montagne Pelée, le retour des alcools de vins et les contingentements handicapants, les crises en tout genre; des évolutions (de consommation, des habitudes) qui ont peu à peu modifié son paysage, laissant derrière lui de nombreux négociants en faillite ou rachetés par de plus gros. Mais revenons à notre rhum de négoce, ancêtre du rhum actuel…

 

La Fabrication du rhum (bordelais) de négoce

Les rhums (de Martinique, Guadeloupe, Réunion) une fois arrivés au port sont mélangés et vieillis suivant des procédés propres à chaque maison, garantissant aux consommateurs un produit toujours constant. Cette transformation se passe dans de nombreuses fabriques, plus ou moins modernes ou familiales selon l’importance des négociants. Leur but commun -et disons ultime- est de fabriquer un rhum commercial qui soit au goût des consommateurs et qui corresponde à ses attentes : en France le rhum doit être coloré et être fruité.

Certaines sources (récentes) mentionnent que le rhum est coloré directement par les négociants, et certaines autres (plus anciennes et remontant aux années 50) stipulent que tous les rhums antillais arrivaient colorés avec du caramel, à la demande expresse des négociants métropolitains. Une chose est sûre, c’est que cette idée vient des négociants qui ont là imposé un standard trompeur aux consommateurs : la clientèle européenne dans son ensemble est encore peu habituée à consommer le rhum blanc et pense à tort que le véritable rhum doit être toujours coloré. Seuls les rhums de Réunion arrivent non teintés mais dans le but de rentrer dans les coupages…

Cette fabrication consiste à mélanger des rhums de différentes origines mais aussi de qualités différentes. Déjà à l’époque les rhums Martiniquais sont les plus côtés mais présentent des variations considérables dans leur composition et dans leur bouquet (en fonction des matières premières utilisées et aux procédés de fabrication).

La Martinique exporte 4 grandes catégories de rhum : le rhum de vesou ou agricole, le rhum de sirop qui provient de la distillation du jus de canne préalablement concentré par cuisson, le rhum de mélasse et le rhum grand arôme (corsé et recherché pour les coupages). Là ou la Guadeloupe n’exporte que des rhums d’usine ou de mélasse.

 

Vers l’évolution des meurs, et des lois..

A l’époque, le consommateur des colonies productrices pouvait, s’il le souhaitait, connaitre sans mal la composition de son alcool et sa provenance puisque le rhum provenait soit d’une distillerie agricole soit d’une usine sucrière (mélasse). c’est beaucoup moins simple pour le consommateur métropolitain comme nous l’avons vu plus haut, qui ne peut que compter -ou espérer- sur le talent et l’honnêteté toute relative des négociants.

Ainsi certains négociants n’ayant aucune limite dans leurs « fabrications » pouvaient couper à outrance leur rhum avec de l’alcool neutre. C’est pourquoi dès 1905 le législateur de l’époque définit le rhum en ces termes : « la dénomination de rhum ou tafia est réservée au produit exclusif de la fermentation alcoolique et de la distillation, soit du jus de la canne à sucre, soit des mélasses ou sirops provenant de la fabrication du sucre de canne »

Il n’en faut pas plus pour voir l’arrivée du « rhum fantaisie », procédé habile pour contourner la loi et continuer à proposer des mélanges de rhum et d’alcool neutre, quand les négociants ne sont pas encore plus scrupuleux et mentent sur la réelle composition de leurs produits (le lecteur avisé notera que c’est toujours le cas actuellement…).

Heureusement les années suivantes verront la réglementation se durcir pour le plus grand plaisir des consommateurs. La loi du 6 mai 1919 oblige la mention de l’origine du rhum, celle du 31 décembre 1922 renforce un peu plus la réglementation et interdit de « désigner, d’exposer, de mettre en vente ou de vendre, d’importer ou d’exporter, sous le nom de rhum ou de tafia, avec ou sans qualificatif, ou sous une dénomination contenant les mots rhum, tafias ou leur dérivés, tout alcool ne provenant pas exclusivement de la distillation soit du jus de canne à sucre, soit des mélasses ou sirops provenant de la fabrication du sucre de canne ».

le 31 décembre 1924 les négociants ont l’obligation de n’utiliser pour les mélanges que des rhums d’appellation contrôlée, garantissant au consommateur que la bouteille qu’il achète ne contient que de l’alcool de canne à sucre (et non plus de l’alcool neutre). En outre le législateur définit l’appellation « rhum »: ne peut s’appeler rhum que le produit renfermant plus de 286 grammes d' »impuretés » (les composants non alcool) par hectolitre d’alcool pur. Au-dessous le produit se rapproche de l’alcool neutre et n’a plus le bouquet du rhum. Pour exemple les rhums grand arôme, avec un coefficient de composants non alcool de 400 à 1000 grammes par hectolitre sont très puissants et servent à relever des rhums trop neutres et à parfaire les mélanges (coupages) des négociants.

Trois transformations sont alors licites pour le négociant : le coupage des rhums entre eux, la réduction du taux d’alcool avec de l’eau distillée et la coloration avec du caramel.

La loi garantit donc -progressivement- la qualité du rhum, même si l’administration est plus occupée à percevoir les taxes qu’à vérifier la qualité et l’authenticité des produits… 1 seule puis 2 personnes sont nommées pour inspecter les rhums, et ceci pour tout le pays.. de quoi laisser place à quelques libertés…  Et il faut attendre la loi du 16 avril 1930 pour que les flux de rhum fassent enfin l’objet d’une comptabilité séparée des autres alcools pour les négociants (tout était avant ça mélangé : rhum, vin et autres spiritueux, d’où le champ libre aux pratiques malhonnêtes).

Mais bien sûr, cela ne marquera pas la fin des combines des négociants vendeurs, preuve s’il en est une, l’occupation allemande sous la seconde guerre mondiale qui provoqua l’interruption des relations entre les Antilles et les ports : en l’absence de quantité suffisante de rhum, les négociants n’hésiteront pas à proposer à leur clientèle une eau-de-vie dite « rhumée », ersatz de rhum destiné à ne pas faire oublier le goût du rhum en attendant des jours meilleurs. La conclusion est la même qu’à notre époque et la dégustation reste la seule valeur sûre.

 

negritaEn 1857 la maison Bardinet ouvre, manifestation éclatante de l’essor du rhum. Elle sortira le célèbre rhum Negrita qui connait un énorme succès (d’abord enregistré sous le nom de La Négrita en 1886 la marque se transformera en Négrita)

saintesprit« Teissèdre dont le rhum Saint Esprit était réputé (…) » citation de Alain HUETZ DE LEMPS dans son  livre l’Histoire de Rhum.

Dater l’impossible ?

Rien d’évident -malheureusement- à dater ces vieux rhums de négoces. Il suffit de faire un tour sur internet pour remarquer les centaines de références et autres étiquettes aux noms -et dessins- souvent évocateur d’exotisme: d’abord des représentations de scènes quotidiennes: coupeurs de canne, scènes de labeur et de travaux physiques sur fond de flotte maritime ou d’île paradisiaque ; puis beaucoup de silhouettes de femmes quasiment toutes affublées d’un prénom se terminant par ‘a’ (mamita, pepita, negrita,…), et quelques annotations qui renforcent la qualité du produit (rhum « naturel », « supérieur », faisant généralement référence à l’origine agricole du rhum).

De quoi se perdre donc, surtout que la très grande majorité de ces étiquettes ne fait mention d’aucune date, ni même du degré de l’alcool ou encore quelques fois de la provenance même du rhum. Elles sont le fruit d’anonymes illustrateurs, employés par les imprimeurs, et qui ne signaient jamais leurs dessins… pourtant si important dans l’imaginaire collectif, si décisif dans les ventes, de vrais travailleurs de l’ombre au talent trop peu reconnu.

L’histoire nous montrera que leur anonymat ira de pair avec celui de nombres de marques et de négociants, tant les rhums se succédaient à leurs catalogues. Citons quelques exceptions tout de même: Bardinet et son Négrita, Saint-James, Duquesne, Cazanove ou encore Marie Brizard & Roger et son rhum Charleston (dont l’étiquette est signée Jean D’Ylen), quelques noms qui continueront à se faire écho dans un monde souvent impitoyable.

Comment, alors, dater un rhum aussi ancien, dans l’immense et riche foison de bouteilles ? Pour les plus habitués il sera tout de même possible de dater une bouteille ou une mignonnette par rapport au bouchon ou à la capsule, à la forme, la matière ou encore la couleur du verre utilisé et son épaisseur,… ou en déchiffrant le minuscule nom de l’imprimeur en bas des étiquettes, soit autant d’indices qui peuvent aider car ne comptez pas sur internet pour trouver des infos sur ces rhums, c’est peine perdue… Les évolutions des différentes matières utilisées pour le bouchon peuvent donner une appréciation assez précise de l’âge: d’abord en liège, le bouchon se transforme ensuite en plomb, en étain, en aluminium (ou en bakélite), et enfin en bouchon à vis.

On peut aussi observer l’évolution et situer l’âge d’une bouteille en observant son étiquette: au fil du temps, elles ont dû afficher des mentions légales comme la contenance, le pourcentage d’alcool.

Et quand on sait qu’une seul marque peut avoir sorti des dizaines de contenants différents, on a tout de suite un certain mal de tête…en témoignent les quelques photos publiées sur cette page.

 

Alors redonnons vie à l’histoire, mettons-là au goût du jour en passant allégrement des années 1900 aux années 2000, traversant des décennies entières pour laisser une petite trace de vestiges parfois en mauvais état, alors ne perdons plus de temps! tous sur le pont…

 

ChauvetAutre mastodonte de l’époque, Chauvet est une marque créée en 1880. Il s’agit d’un rhum d’assemblage de différentes sucreries des Antilles (tout comme l’est Négrita). Bardinet rachètera plus tard Chauvet (ainsi que nombres d’autres marques dans leur ascension).

blackHeadle rhum le plus emblématique du négociant Cazanove : le ‘Black Head Rum’ ou encore ‘Rhum Black’. Au fil des années on note les légers changements graphiques. Cazanocve sera racheté par Bardinet dans les années 60.

foxlandFox-Land, rhum d’un négociant niçois, un autre rhum réputé.

Alors eau rhumée, rhum coupé ou diamant brut des Antilles ? C’est un peu -voire beaucoup selon l’époque- une sorte de roulette russe, mais l’histoire permet de toujours y voir plus clair, de déductions en déductions…et la dégustation ne trompe que rarement.

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ci-dessous une galerie de mignonnettes toutes achetées quelques euros, n’hésitez pas à poster un message si vous avez plus d’information sur le contenu, l’année ou encore l’histoire de ces rhums.

 

 

 

Comments
17 Responses to “Les racines du rhum”
  1. Ruminsky dit :

    Wonderful, informative article, Cyril. Are all those rums in the pictures yours?

  2. Francesco dit :

    Vu et lu tout à l’heure.
    Bon travail vraiment.
    Certains de ces « vieilles » bouteilles je l’amener à Rome

    Francesco

  3. Francesco dit :

    Vous verrez à Rome
    Il y aura alléchante !!

  4. hassen dit :

    bonjour je voudrai avoir la cote d’une bouteille de rhum que j’ai acquis , c’est la bouteille de « old manada rum » de 1 litres je sais qu’il est rare et vieux je peux vous envier des photos si besoin . Merci de votre réponse .
    Cdlt .

    • cyril dit :

      bonjour Hassen
      comme déjà dit sur FB, pour moi ça ne vaut pas plus de 200€ ; cela reste un rhum de négociant. Après, il y aura toujours des gens pour mettre beaucoup plus, et des vendeurs pour en demander encore plus.

  5. Archambeaud dit :

    Bonjour,
    je suis à la recherche de mini-bouteille de rhum de la marque Archambeaud ou Archambeaud Frères.
    Auriez-vous ça dans votre collection ?
    Est-ce qu’on peut trouver une bouteille de 1 litre ou 75 cl ?
    PA

    • cyril dit :

      Bonjour Patrick
      Avez-vous une liste des rhums embouteillés par Archambeaud ? Jockey-Club en fait parti je crois bien, j’en ai quelques unes en mignonnettes, mais vides (à vérifier tout de même).

  6. Un bel articolo molto interessante

  7. Jean Marie Le Caignec dit :

    Bonjour, article tres interressant et bien fait. Et pour une période ou la communication était volontairement floue et ou peu d’infos subsistent.
    Cependant en ce qui concernant les rhums Chauvet qui appartenait à la Compagnie des Antilles, sont la propriété de la SLAUR, societé crée en 1963. La SLAUR passera sous le giron de La Martiniquaise en 1992. La SLAUR (Slaur -Sardet actuellement) et BARDINET sont toutes deux des filiales de La Martiniquaise. Je n’ai pas d’infos sur le fait que Bardinet est racheté les Rhums Chauvet. Si tu as cette infos, je suis preneur.
    Merci.
    Ps: ton site est trés bien.

    • cyril dit :

      Bonjour Jean-Marie et merci pour le message. Merci pour les précisions, il en effet assez difficile de raconter certaines histoires ou même encore connaître le contenu de nombreuses bouteilles… 🙂

  8. GROSSETTI dit :

    Bonjour et merci pour votre article.
    Je cherche à dater et attibuer une bouteille en grès émaillé cacheté à la cire.
    Je n’ai rien trouvé sur le net de ce genre.
    Pourriez-vous m’aider ?
    Cordialement
    JD GROSSETTI

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