Insolente jeunesse
Dégustation du rhum Liberation 2010 avant de retrouver prochainement la deuxieme partie de notre entretien avec Luca Gargano…
Une belle aventure est à l’origine de ce rhum : en 2004 Luca Gargano (Velier) et Gianni Capovilla (reconnu dans le monde entier comme l’un des meilleurs distillateurs) décident d’unir leur passion commune pour produire à Marie-Galante un rhum agricole d’une manière peu commune, pour ne pas dire unique au monde…
prix : entre 50 et 60€ pour 70cl, à 45°. Un prix qui m’a toujours paru excessif, mais ça c’était avant de le gouter…
âge : ce rhum est en fait la version vieillie du Rhum Rhum Blanc de la même marque. Vieilli entre 2 et 3 ans en fûts ayant contenu de grands vins blancs français. Le Rhum a été « libéré » des fûts en 2010, d’où l’année reprise sur la bouteille.
Nous avons donc ici un rhum pour le moins surprenant : il s’agit en effet du seul rhum où le pur jus de canne à sucre fermente sans ajout d’eau. Seul le pur jus est distillé, puis s’en suit une longue fermentation de 10 jours durant lesquels la température est contrôlée. En fait, ici, le rhum est distillé comme on distillerait une poire ou une pomme, à l’aide de deux petits alambics en cuivre à bain marie et avec une double distillation…
L’apparence de ce rhum est déconcertante… j’ai beau regarder sa robe, ses jambes, rien ne me laisse penser que le rhum n’a « que » 2 ou 3 ans. Si je ne connaissais pas la provenance ni le sérieux des deux personnes à l’origine de ce rhum, j’aurai été tenté de râler et de forcément parler d’ajout de caramel. Mais là ne doute n’est pas permis, et je reste bluffé par le résultat de cette longue fermentation… Car on ne le rappellera jamais assez mais c’est l’étape clé dans la fabrication du rhum.
Alors même qu’elle est très souvent et de plus en plus brève (pour des raisons certaines de coût, et donc de revient). Alors que tout ce joue ici, sur quelques heures/jours de plus, sur la levure utilisée (naturelle, indigène, ou… chimique).
Le liquide est légèrement flou et de couleur presque acajou, aux reflets orangés. On note à la surface la présence de ce disque verdâtre caractéristique du vieillissement du rhum. Les jambes sont lourdes et épaisses.
Le nez est d’une finesse inouïe, fruité et épicé avec quelques envolées florales. Tout est délicatesse et les 45° sont si bien intégrés que l’on n’éprouve aucune difficulté à plonger son nez dans ce délicieux nectar. En surface on note la présence d’une douce et très légère odeur de caramel mou au beurre salé. Pour le fruité c’est sans conteste sur l’exotisme que nous nous trouvons : ananas et goyave, mais aussi de la marmelade d’orange qui fait son petit effet.
De la cannelle et du clou de girofle donnent un côté plus chaud à l’ensemble, qui fait aussi preuve par intermittence d’une certaine fraicheur. Dans l’ensemble Un nez hyper délicat au fruité envoutant, sur lequel on peut rêver durant un long moment…
Mais il faut bien se sacrifier aux durs lois de la dégustation, et ne pas faire que sentir, même si cette partie est toujours extrêmement intéressante et plaisante!
L’attaque de ce Libération 2010 est aussi douce que ses arômes, mais assez ferme en même temps. Car oui n’oublions pas que ce rhum est jeune, même si jusqu’à présent il nous l’a fait oublier d’une bien belle manière. Nous retrouvons donc la fougue du jeune rhum bien droit dans ses bottes : la marmelade d’orange est toujours là, joliment imprégnée d’épices et de canne à sucre ; puis ce fruité qui se fait un peu plus exotique au bon souvenir du nez, et les épices un peu plus présentes donnent une bonne tenue à l’ensemble.
Le final… on est ici de retour sur l’extrême délicatesse du début, c’est long en bouche et bon ! c’est toujours fruité, mais plus légérement, par voile, comme ci le fruit avait rajeuni au point de redevenir fleur et volatile. Les épices réchauffent juste comme il faut pour laisser une belle empreinte et un bon souvenir. Le verre vide, comme très souvent pour les grands rhums, continue de parler et de se raconter aux plus curieux d’entre nous.
Pour être honnête j’ai mis un certain temps à me pencher sur ce rhum, rapport à son jeune âge et à un prix qui m’a paru au début excessif (60€). Et bien c’était là une belle erreur…bien regrettable au vu de la qualité hors norme d’une telle bouteille.
Aujourd’hui ce rhum apparait naturellement comme un cas d’école : faites le déguster à l’aveugle à n’importe qui et je pense sincèrement que personne ne doutera ne serait ce que de son âge. Rien qu’à sa robe on est déjà bluffé. Là où la plupart des rhums ‘commerciaux’ ajoutent du caramel pour avoir une telle texture, ce rhum là est naturel, artisanal et sans aucun artifice. Pensez-y en le dégustant, cela nous montre combien la fermentation est une étape extrêmement importante dans l’élaboration du rhum. Bien sûr le suivi, la distillation et la qualité même de la canne à sucre rentrent aussi en compte, y compris le sérieux des maîtres distillateurs, mais goûtez et vous verrez 🙂
Et je tremble déjà à l’idée de voire débarquer un Liberation 2012 vieilli pendant 5 années…. Note : 87
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D’abord bravo pour votre site que je découvre tout récemment.
Propre, personnel et novateur. Très belle initiative !
Oui, je trouve aussi ce Libération d’une précision et d’une finesse déconcertante pour un si jeune âge. Je pense que l’on peut affirmer qu’il existe désormais un « style » Velier.
Luca Gargano à compris qu’il était temps de créer des rhums pour les amateurs de whisky et je m’en réjouis.
On attend la suite avec impatience…
Bonjour Francis et merci beaucoup.
Luca Gargano participe en effet activement à la ‘promotion’ du rhum dans sa forme la plus pure, poussé par tous les amateurs de whisky, et c’est une très bonne chose 🙂
Vivement le nouveau Liberation (5ans) pour voir son développement, la dégustation des deux doit etre très enrichissante
Bonjour Cyril,
Je me permets de rebondir sur ce sujet « malternative » comme dirait Monsieur S.V. pour vous faire part d’une dégustation récente : Albion 1994 full proof. Avez-vous testé ?
Pour ma part, je trouve ce Demerara d’une concentration extrême, à l’image des meilleurs Karuizawa ou plutôt Kawasaki pour ceux qui ont eu la chance d’en goûter. Passé les notes d’acétone qui pourraient faire fuir certains, ce rhum est d’une qualité et d’une complexité de très haut vol. Avis aux amateurs de full proof et de sensations fortes. Je ne me lasse pas de cette version.
le Albion 1994 fait parti des rares embouteillages de Velier que je n’ai pas encore gouté, préférant ces derniers temps mettre la main sur de plus vieilles bouteilles. Mais il me met l’eau à la bouche depuis un certain temps et ce n’est pas vos propos qui vont arranger les choses 😉
merci donc pour vos impressions.
Pour le moment je n’ai été déçu par aucun Albion, et le 1983 reste pour moi un des meilleurs rhums que j’ai pu gouter cette année (et depuis toujours même)
Malheureusement pour moi ces vieilles bouteilles sont désormais presque introuvables. J’ai eu la chance de posséder en autre un Caroni 1983 qui était tellement à mon goût qu’il n’est plus.
Mais revenons au travail de Velier à proprement parler. Vous allez peut-être pouvoir m’éclairer.
J’ai dégusté et je déguste encore un « MG 9 ans » de 2003 à 49% mis en bouteille en 2102. Bien que très différent du Liberation 2010 je le trouve tout autant exceptionnel : médicinal, mentholé, réglissé et sec comme un silex (ce qui n’est pas pour me déplaire) pour faire bref. Cet embouteillage est issu des 6000 litres que Velier à acheté à Bielle en 2003 et mis en élevage en fût de bourbon sous les tropiques pour comprendre au mieux les effets de la maturation avant de lancer son magnifique Liberation.
Cependant, il semblerait qu’il existe une autre édition limitée issue du même lot qui aurait été embouteillée en 2010 ou 2011 à 52% portant le nom de « MG 2003 ». Je n’ai jamais vu cette bouteille. En savez-vous davantage ?
Pour conclure, cette version « MG 9 ans » est bien plus claire que le Liberation. Avez-vous des informations sur le type de fût utilisé pour Liberation ? je reste très intrigué par le fait que seule une longue fermentation puisse donner cette couleur si intense, une couleur que l’on peut attendre d’un rhum de 10 ou 15 ans d’âge non ?
Je n’ai vu et gouté que les 2 rhums : le 7 et le 9 ans, à 49° chacun. Je n’ai pas connaissance d’une version à 52° mais je demanderai. Après il est plus que possible qu’il y est des versions parallèles, souvent utilisées pour des masterclass et autres dégustations.
Pour le Liberation les fûts utilisés ont contenus de ‘grands vins blanc français, il faut que je retrouve lesquels 🙂 La couleur est très impressionnante c’est vrai, une couleur qui fait plus penser à un rhum beaucoup plus âgé (c’est le cas le plus souvent), même si le travail dans les fûts peut donner à l’occasion de grandes surprises.
J’ai posté des photos du nouveau Liberation la page facebook :
http://www.facebook.com/pages/durhumcom/129913580524232?ref=tn_tnmn
j’ignorai qu’il y avait un 7 ans et qu’il fut enmbouteillé sous l’appellation MG 2003. Est-il encore disponible et de l’avis des spécialistes laquelle des 2 versions est la plus aboutie?. Dans ce cas je suppose qu’il est difficile de meilleur. Après quelques recherches je confirme le propos du sieur Francis sur l »existence d’un 52%. Pour preuve, le calendrier LMDW 2012
http://www.whisky.fr/media/cms/b2c_catalogues/catalogue-2012-spirits.pdf.
PAGE 5 PHOTOS ET P 78 Note DE dégustation
merci Stéphane pour le lien, il est en effet indiqué 52° sur la bouteille, étonnant d’avoir deux embouteillages avec une si ‘petite’ différence de degré (49 contre 52).
pour la différence entre les deux versions voici un lien d’une dégustation très intéressante :
http://barrel-aged-thoughts.blogspot.fr/2013/06/marie-galante-vielier-rhum-vieux-bielle.html
(Google Traduction peut aider pour la traduc)
le couleur depende de l’utilisation de futs ex-vins…
le futs ex-bourbon,quelque fois tres vieux,donne pas beaucoup de couleur…
pour l’histoire des fûts : il s’agit de fûts de sauternes : Chateau d’Yquem, Domaine de LeFlaive.voila pour la précision Francis
Salut Cyril,
Merci pour la précision sur le type de fût utilisé pour le Liberation. Dans la description « fût de vins nobles français » je pensais bien à un sauternes mais j’hésitais également avec un chenin…pour une prochaine mise peut-être.
Ok pour le lien sur les deux versions MG2003. Il faut que je trouve le 7 ans pour me faire ma propre opinion.
J’ai entendu dire qu’il y aurait une très petite quantité de Liberation 2012 disponible en brut de fût. Peux-tu confirmer cette info ou est-ce confidentiel pour le moment ?
je n’ai pas idée du nombre de bouteilles proposées et aucune information en ce sens ne figure sur la bouteille. Je vais demander et te tiens au courant
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