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Il y a Lontan…
[ auteur : l’Amiral Ambic ]
Première note d’un rhum Savanna sur ce site et premier rhum de La Réunion, il était temps. Elle est signée d’un vieux loup de mer qui signe ici ses débuts : l’Admirable Amiral Ambic. Et quoi de mieux qu’un Grand Arôme pour commencer ? ce Savanna a longtemps fermenté (15 jours) pour un résultat concentré qui affiche une teneur en non alcool supérieure à 800g/HLAP (Hectolitre d’alcool pur), les fameux esters, là où les rhums agricoles sont souvent autour des 225g et les rhums vieux à 325g et plus.
prix : aux alentours de 50€ les 50cl en brut de fût (62°). Édition limitée à 844 bouteilles.
âge : millésime 2001 vieilli 7 ans en fût de Cognac ; mis en fût le 27/11/2001 et embouteillé le 02/04/2009.
Ils sont très rares les rhums Grand Arômes qui sont vieillis, qui plus est en fûts de Cognac et embouteillés au degré naturel… Ces rhums sont généralement utilisés dans la cuisine, pour la pâtisserie et pour couper les blend (assemblages) au vu de leur concentration aromatique ‘extrême’ (on parle alors d’esters ou de composés non alcool). Cette concentration est due à une longue fermentation d’un mélange composé de mélasse et de vinasse (‘dunder’ en anglais, soit les résidus de précédentes distillations) une fermentation qui peut même s’étaler sur 30 jours pour certains rhums jamaïcains, là où la plupart des rhums se ‘contentent’ de 24/48h. La Jamaïque est réputée depuis toujours pour ces rhums au profil lourd qui peuvent afficher un impressionnant taux de non alcool de 1500g (dans le cas de ces rhums, le dunder est en plus additionné d’éléments organiques que l’on a laissé macérer dans des fosses conçues à cet effet jusque 3 ans, souvent à l’extérieur de la distillerie). Certains Clairins peuvent aussi rivaliser en terme de concentration avec par exemple le Casimir et ses plus de 1000g. Mais place au rhum Savanna et à la prose de l’Amiral Ambic.
Observons ce liquide… Cette couleur intense, un caramel blond très profond, un miel de châtaignier léger. C’est beau. Sans compter l’odeur qui envahit littéralement la pièce. Après lui avoir fait lécher tranquillement les parois du verre, contemplons ses… Larmes ? Jambes ? Non… Ce sont des griffes plutôt, qui s’accrochent et glissent avec une lenteur angoissante. Je ne pourrai pas attendre qu’elle arrivent au fond du verre, c’est un fait : la patience n’est pas mon fort.
Mon nez se précipite au dessus de cet abîme de senteur. Trop tôt peut être ? Une bouffée d’alcool me brûle les sinus.
Quelle intensité, quelle gourmandise, quel monstre ! La pomme pourrie paralyse mes sens, l’impression de humer un très vieux calvados… A l’aération la pomme reste présente, confite à souhait, comme une tarte tatin dont les pommes auraient été flambées au rhum. C’est crémeux, c’est plein de beurre, et j’adore ça !
Au fur et à mesure que l’air se mélange au liquide, ma chère et tendre me signale l’arrivée de cette odeur d’artichaut cuit que beaucoup retrouvent dans les rhums grand arôme. Trêve de plaisanterie, ce n’est pas un parfum c’est du rhum bon dieu ! Pourtant on pourrait croire qu’il s’agit d’un parfum… Intense, exotique, puissant.
Tout de suite une saveur d’olive verte m’envahit la bouche, la rétro olfaction est brutale, immédiate, sans la moindre pitié pour mon organisme délicat. Je me dis que je ne pourrai rien boire derrière ça. Du citron confit, du bois, c’est incroyable, cette puissance… C’est magnifique c’est tout ce que je veux dans un rhum et que jusqu’alors seuls certains rhums agricoles bruts ou certains embouteillages Velier avaient pu m’offrir. Je prends une série de baffes et j’en redemande. Ce liquide divin érige mes papilles en un temple grec avant de les écrouler, les réduisant à des ruines mystiques. Je ne pourrai plus jamais rien boire, le traumatisme est trop important pour ma bouche. Comme si tout s’était effondré en moi. Je salive, mes papilles semblent se plonger aux tréfonds de ma gorge, jusque dans mon estomac. Ce rhum m’a envahi totalement, a asservi mes sens… Ma chair aura pour toujours le goût de ce nectar, c’est une certitude. L’expérience est trop intense pour être éphémère.
Pour cerner précisément les arômes développés par ce miracle liquide il faudrait le diluer légèrement. Non. Peu importe la précision aromatique, je veux profiter encore et encore de sa puissance, de la sensation d’écrasement total et de soumission imposée par cette brute. C’est peut être malsain de boire ça ? Certains iront peut être se confesser après avoir connu cette expérience, cet instant de transcendance pendant lequel on se dit « dieu et après ? Je suis au paradis, je suis touché par la grâce, et c’est ce rhum qui a fait ça ».
La finale est sèche, brute, clairement sur l’artichaut, cette fois pour moi aussi. Encore. Chaque gorgée est un renouvellement de l’expérience, la bouche ne s’habitue pas. C’est toujours aussi intense. Encore. Putain, mon verre est vide. Tant pis, tout ça est déjà allé trop loin. Je ne sens plus vraiment la finale. Déboussolé par ce verre vide, je ne pense à rien d’autre : heureusement qu’il m’en reste. Pourquoi ce verre est vide ? Heureusement qu’il m’en reste…
Bien sûr ce foutu verre vide est humé longuement. L’odeur de bagasse, de canne fermentée nous rappelle qu’à la base ce rhum était le Lontan blanc. Rhum blanc d’exception, unique, transcendé par des années d’un fût de qualité et par le respect de son titrage alcoolique originel.
Boire un rhum pareil, tout comme certains Velier, nous ramène à cette conclusion : Pourquoi endommager des produits d’une telle qualité en y ajoutant de l’eau ? Une telle concentration, une telle puissance, doivent être respectées. Le rhum devient religion, devient pénitence, devient transcendance lorsqu’il est empreint d’une telle maestria. Trouvez-le, buvez-le, respectez-le et regrettez-le, car s’est à coups de fouet et de bottes qu’il vous écrasera au fond de votre fauteuil, vous laissant penaud comme un enfant qui se fait taper sur la main, les yeux baignés de larmes mais les doigts couverts de confiture dans la bouche.
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Du mal à atteindre le bout de la dégustation, un soucis dans le style peut être, voir un manque de prosaïsme.
J’ai néanmoins compris que le rhum était bon, c’est déjà pas mal.
Wouaow quelle Dithyrambe !
Ça fait un moment que le Savanna m’intriguent, notamment le Lontan vieux,
sans avoir pu en goûter encore. J’ai failli en acheter mais il était réduit à 46,0%
et/ou plus jeune (5 ans je crois) mais 7 ans brut de fût, voilà qui commence
à être très intéressant !…
Le prix, bien que ce ne soit que pour 50 cl, semble raisonnable…
Et ce n’est pas la lecture de cette prose (peut-être un peu trop lyrique)
qui va m’en dissuader !
La concentration et la puissance est comparée à celle d’un Velier ?
Cela excite encore plus ma curiosité…
Il n’y a que l’artichaut qui semble moins romantique… Mais le bitûme,
le caoutchouc, le goudron, le lard ou la viande faisandée qu’on retrouve
dans les arômes de certains whiskies ou rhum, au premiers abords non plus…
Tant qu’on n’y a pas encore passé le nez aus dessus ni trempé ses lèvres…
Ensuite on comprend, on adhère, on y revient, on en reveut !
On ne peut plus s’en passer…
Alors… Il va vraiment falloir que je goûte ce Lontan !
Longtemps, longtemps, longtemps…
Ça se trouve où ?
Enfin !! Je vois que je ne suis pas le seul à apprécier ! 😉
Pour « l’Affreux Aigle », perso, j’ai acheté une version de ce « grand arôme lontan » directement auprès de la distillerie, par correspondance. Je te conseille de les appeler, ils font en gl une remise (au besoin, la demander ;-). Je leur ai pris 2 bouteilles différentes, histoire d’amortir des frais de port assez élevés. Au final, cela m’est revenu au même tarif que si je les avais achetées sur « Excellence Rhum »…sauf que mon grand arôme a vieilli 1 an de +…ce qui lui donne des arômes vraiment différents du 7 ans….que j’avais goûté et apprécié également. D’ailleurs, avoir en cave le 7 ans et le 8 ans se justifie totalement à mes yeux…
cyril, c’est ton tour d’y tremper tes lèvres ! 😉
@+
Entendons nous bien, pour l’instant je n’ai pas encore
eu l’occasion de goûter quelque Savanna que ce soit
mais déjà ces rhums m’intriguaient, surtout ce Lontan,
ce fameux rhum grand arôme, et ce compte rendu,
quoiqu’un peut trop romantique par moment,
m’en a encore plus donné l’envie !
—> Cyril :
Tu as donc pris un Lontan 8 ans Brut de fût
et puis quoi d’autre ?…
Un Intense (industriel), un Créol (agricole) un finish particulier ?
—> cyril (Durhum) et Amiral Ambic :
Cette notion de teneur en non alcool, exprimée en g/HLAP
c’est un peu nouveau pour moi…
Il faudrait que vous nous fassiez un topo sur ces esters
(autre part je crois avoir lu « congénères » ?)
et sur les différents types de fermentation…
Vaste programme n’est-ce pas ?… 😉
A+ !
Salut l’Affreux
congénères, esters, composants non-alcool, c’est ce qui est à l’origine des arômes, et la notion de teneur est un peu barbare… un rhum agricole et traditionnel est en général dans les 225g / Hecto Litre Alcool Pur (HLAP), les rhums vieux à + de 325g, et les grands arômes au dessus des 500, tout comme les rhums jamaïcains ou même les clairins qui sont en fait considérés comme des grands arômes.
J’y pense pour l’article sur la fermentation (et même sur la distillation), car c’est l’étape la plus importante dans la fabrication du rhum, et celle qui souvent n’est pas reconnue comme telle.
@L’Affreux Aigle
J’ai pris leur cuvée « Maison Blanche ». Par rapport à mon Lontan 8 ans, des saveurs plus « consensuelle », moins « rhum pour les hommes ! » (ceux qui sillonnaient les mers en quête de nouvelles découvertes ! (bon là, j’en rajoute un peu) 😉
Je pense que je vais en prendre d’autres chez eux parce que j’aime bcp ce qu’ils font….mais, mon prochain achat devrait d’abord être le Karukera DM testé par cyril….
@+
Pour info, ils viennent de sortir un Grand Arôme Lontan daté de 6 ans….mais en brut de fût 🙂 57C° / 45,80€ les 50cl
Je devrais recevoir la mienne d’ici qques semaines…. 🙂
Bonjour Cyril
Je viens de goûter le 8 ans en 46°. J’étais très excité à l’idée de découvrir un de ces rhums Grand Arôme mais je n’ai pas du tout aimé. Au nez comme en bouche le côté « colle et vernis cellulosique » m’a complètement refroidi… un peu comme avec certains jamaïcains d’ailleurs.
Avec un peu de repos c’est vrai que plein d’autres parfums sont apparus, ça n’était pas inintéressant, très aromatique – et très baba au rhum- mais visiblement pas pour moi.
Je ne sais pas si cet échantillon réduit à 46° a beaucoup de points communs avec ces buts de fûts 7 et 11 ans… il faudra que je réessaye avant de me faire une idée définitive mais là je suis un peu déçu ! Ça arrive… c’est pas grave .
à+
Salut Laurent, merci de ton retour de dégustation.
Si tu n’aimes pas ce 46 tu n’aimera sans doute pas le reste ; on est dans le même esprit, très lourd et très riche. C’est assez spécial, comme certains jamaïcains, et généralement on accroche ou on aime pas 🙂