Session #3

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Session numéro 3 qui pourrait s’intituler « Le Cowboy et l’Indien » …
D’un côté le Rhum Buffalo, un rhum « Extra Supérieur Très Vieux » s’il vous plait… qui nous vient du Gard et à l’origine inconnue, et de l’autre un rhum au nom qui fera tourner plus d’une tête : le Big Chief Elan’s blend of the best west indies rums, soit le nom le plus long pour un rhum de négociant, ou encore « l’assemblage des meilleurs rhums des Antilles du grand chef élan ». Le tout proposé par Elan & Co, et oui ça ne s’invente pas… un négociant bordelais.



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Le cowboy…

buffalo2La mention sur l’étiquette laisse rêveur…et aussi perplexe : « Extra Supérieur Très Vieux », tout un programme pour le moins alléchant même si l’argument est sûrement plus proche du plan marketing que de l’authenticité…

« ce rhum d’une qualité vraiment supérieure se recommande par sa finesse, son arôme et son goût exquis. Il est le produit d’une distillation parfaite et vieilli dans des conditions exceptionnelles ».

Ce rhum provient d’une distillerie située dans le Gard (à St Ambroix) : la distillerie Aubrespy Frères qui produisait différents alcools dont l’Ambroisine, la Vivaraise, l’anis Vivar, l’amer Aubrespy, l’amer Lafricain, le goudron d’Aupy (Hygiénique et reconstituant!) et qui distribuait donc notre rhum Buffalo.

On sait aussi que cette distillerie a obtenu beaucoup de médailles dans diverses expositions (Montpellier 1885, Bordeaux 1885, Toulouse 1886, Paris 1886, … ), et qu’elle ferma ses portes dans les années 60. Avant ça la maison sera reprise par un certain Mr Tuech (Aubrespy Frères Tuech Fils). Le bouchon, en liège, nous laisse penser que la mignonnette daterait des années 1920/30.

Voici une robe acajou, rubis assez intense et huileuse à souhait ; au travail, on retrouve des jambes très imposantes. C’est un rhum de cowboy de toute manière, rien de très surprenant à cette exubérance.

buffalo_4Au nez, notre cowboy fleure bon les fruits noirs avec en tête du pruneau confit de chez confit, et des épices ; une note alcooleuse légèrement piquante, vanillée, un nez bien fondu dans son ensemble avec un boisé qui prend place progressivement, humide et légèrement piquant/astringent. Une odeur de vieux cuir de cowboy, usé jusqu’à la moelle.

Pas évident de goûter un rhum avec un niveau aussi bas en bouteille, surtout quand il s’agit d’une mignonnette ; l’oxydation peut jouer des tours, encore plus en bouche, le nez pouvant être quelque peu épargné, en tout cas durant quelques instants qu’il ne faut pas manquer de scruter.

Un nez chaud et humide donc, où les fruits confits réapparaissent avec le repos, bien vivant !
et des fruits rouges, une compotée de fraises écrasées, puis des fruits acidulés avec une odeur de cassis, et enfin on revient sur une tonalité plus chaude et plus suave de chocolat pour des arômes chauds qui reviennent aux narines.

Intriguant et surtout on se dit que le produit de base devait être assez remarquable.

buffalo_2L’attaque est épaisse, franche et concentrée, légèrement acidulée et sucrée ; on retrouve ces fruits rouges qui apportent une sucrosité assez intéressante, et une certaine fraicheur mentholée ; c’est aussi épicé mais juste ce qu’il faut, sans excès. le poivre apparait pour réchauffer la bouche d’une bien agréable manière.

Le final est moyennement long, dans le même esprit mais avec un peu plus de poivre et toujours ce goût mentholé, et les fruits rouges en quantité> une sucrosité qui reste en bouche et assèche légèrement le palais sur la fin. l’impression que quelque chose est resté accroché au palais (et plutôt en gorge même comme s’il n’était pas passé), c’est partout et légèrement poudreux.

Le rhum reste un long moment en bouche, gage d’une qualité certaine pour un rhum qui a un goût de trop peu! toujours ces fruits rouges qui restent, et un peu grenadine. On aimerait que ça dure , qu’il y ait une gorgée de plus, même une courte… bon dieu. Une pellicule colorée sur les parois est incrustée à même le verre.

voila une dégustation surprise tellement le faible niveau de la bouteille ne présageait rien de bon : que ce soit au nez et encore plus à la bouche ça n’aurait pas du apporter quelque chose de très bon, et bien bing, halte aux idées reçues et retour sur terre pour ce cas-ci. Le rhum original devait être différent certes, mais les années lui ont réussi, tout comme l’oxydation. Il y a t-il autre chose que du rhum dans ce rhum ? peut-être bien. Note : 80

 


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Le Chef Indien (ou pas)

elan1Sur l’étiquette, on retrouve le nom de l’imprimeur, Wetterwald, une maison qui existe depuis 1900, et qui était jadis installée dans d’anciens chais datant du 19e siècle à Bordeaux. Ce rhum pourrait être des années 30 ou 40, il nous vient de Bordeaux et était sûrement réservé à l’export étant donné les inscriptions en anglais sur l’étiquette :
« Big Chief Elan’s blend of The Best Wsest Indies Rums » / Elan & Co, Bordeaux

Notre chef élan est ambré, ébène pour une robe foncée mais brillante aux jambes épaisses qui avancent tranquillement, un chef quoi.

Le  nez est confit, boisé, et même légèrement brûlé, avec une prédominance de notes grillées, empyreumatiques où se mélangent fruits secs, tabac, et quelques fruits confits passés, avec un léger rancio ; côté douceur, car il y en aussi, avec un caramel vanillé et la fraicheur assumée du zeste de citron.

elan3L’attaque est douce et huileuse, sur des notes grillées une nouvelle fois et empyreumatiques toujours mais ce qui ressort c’est l’acidité de la mise en bouche, où on retrouve le zeste de citron qui mélangé à la réglisse saisit la bouche. des notes de tabac, de fruits confits, d’épices (poivre, gingembre) amènent un final plus poivré et assez long, avec toujours ce duo citron/réglisse qui marche bien, avec un avantage tout de même à la réglisse et aux épices, plus chaudes, qui laissent leurs empreintes et leurs saveurs en bouche. Les fruits sont déjà plus loin, bien derrière mais la vanille revient pour un dernier élan de douceur. Un peu de calme après la tempête.

Sans être parfait, ce blend assumé est plutôt intéressant et a plutôt bien traversé les âges. La balance sucré/brulé/acidulé est intéressante et procure une certaine satisfaction à la dégustation. De là à savoir ce qu’il y a dans cet assemblage, c’est une tout autre histoire. Disons qu’il est plus que raisonnable pour son époque. Note : 76

 

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

Comments
7 Responses to “Session #3”
  1. Quand tu parles des jambes imposantes du Buffalo, j’imagine des jambes larges et espacées, à l’image des jambes arquées d’un cowboy en large pantalon de cuir 🙂

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  2. Maxime dit :

    Ma question va peut-être sembler stupide, mais comment faites-vous pour trouver ces rhums ? Vous sont-ils envoyés par de généreux donateurs ? Sont-ils les fruits de relations privilégiées avec certains embouteilleurs/cavistes ? De recherches Internet pas nettes ? 😀

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    • cyril dit :

      Bonjour Maxime
      pas de généreux donateurs ni de cadeaux et encore moins de relations privilégiées, ce sont uniquement des rhums trouvés sur le net (petites annonces, enchères,…) et cumulés sur plusieurs années. Donc « recherches internet pas nettes » pour te répondre 😉

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  3. Ouki dit :

    Merci encore Cyril pour ce beau voyage.
    J’aurais été commme Laurent pour l’histoire des jambes 😉

    Et d’ailleurs toutes tes histoire m’ont monté à la tête.
    Je me suis surpris à chercher les détails d’inscriptions de vieilles marques en traînant dans les Chartrons (le quartier de bordeaux abritant nombre d’entrepôts à une époque).

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