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Composer avec le passé
La distillerie Séverin est assez récente puisqu’elle a été fondée en 1928 par la famille Marsolle ; Et même si le domaine porte toujours le nom d’un ancien propriétaire du XIXe siècle, un certain Monsieur Séverin, elle a été au fil de l’histoire gérée par plusieurs générations de Marsolle. Ce millésime de 1984, comme beaucoup de vieux millésimes, a été élaboré dans des conditions bien différentes d’aujourd’hui, mais nous y reviendrons plus bas.
prix : autour de 200€ actuellement, 70cl et 45° au compteur. Il est toujours possible de tomber sur une bouteille en cherchant bien.
âge : au moins 6 ans. Seul le millésime est connu avec exactitude mais le rhum vieux était communément vieilli au moins 6 ans (et jusque 8 ans) d’après certaines sources (Edward Hamilton dans son livre Rums of the Eastern Caribbean, 1995). Il existe aussi chez Séverin des millésime de 1976, 1982, 1986, 1989, 1996,1998 (et surement d’autres).
On a souvent coutume de dire que le rhum était meilleur avant, certes, mais sans forcément s’intéresser aux raisons d’une telle affirmation (qui pourra d’ailleurs paraitre infondée pour les vendeurs d’aujourd’hui…) : bien sur les outils de production n’étaient pas aussi évolués qu’aujourd’hui et les quantités produites bien moindres. Et il n’est sûrement pas absurde d’affirmer que la terre était surement mieux respectée (moins salie) et la notion de terroir d’autant plus plus justifiée (et méritée). Pour être politiquement correct nous pourrions dire que le rhum n’était pas forcément meilleur avant, mais simplement différent… Dans le cas du Domaine de Séverin -comme pour d’autres distilleries d’ailleurs- on peut justifier le changement de qualité par son outil de distillation :
En effet si aujourd’hui le rhum est distillé via une petite colonne créole principalement en acier inoxydable (avec quelques plateaux de concentration en cuivre), la distillerie utilisait à l’époque une colonne entièrement en cuivre, remplacée à cause du coût important des réparations. Et bien avant ça, un alambic traditionnel (qui sera transformé en colonne en 1966). C’est aussi l’ancienne roue à aubes qui alimentait alors les moulins de broyages, grâce à l’eau captée de la grande rivière à Goyaves (aujourd’hui remplacée par un moteur hydraulique). Autant de grandes -et de plus petites- choses qui en plus d’ajouter du charme à la dégustation, justifieront la chasse aux vieux millésimes ; Car oui, même si différent, le rhum était quand même bien meilleur, élaboré dans une démarche qualitative plus que quantitative…et donc obsolète. Retour vers un passé pas si vieux que ça.
Ce rhum a une allure hyper classieuse, ambré clair, légèrement grisée voir verdâtre, et limpide. C’est sûrement l’une des plus belles couleurs, une des plus belles robes qu’il m’ait été donné d’admirer. Jamais je n’ai autant ressenti la noblesse d’un rhum qu’avec ce Séverin. On dirait une sorte de métal précieux fondu, qui glisse dans le verre avec classe et fierté.
Une fine couronne se forme, un long fil mince bientôt ponctué de gouttelettes qui gagne en volume avant de finalement se détacher de son support, comme inerte, pour se laisser tomber vers le vide.
Le nez est gourmand et gonflé, prêt à éclater, végétal rappelant la canne encore gorgée de sucre, et la banane… un fruit d’abord jeune et immature (vert) puis dans son jus (cuit), qui devient même passé, pressé grossièrement à la fourchette pour fouler la bouche d’un nourrisson encore vierge de tout élément solide, à la découverte de la vie et de ses saveurs. Un nez régressif qui rend humble et qui vous plonge dans un autre temps, une autre époque. Une simplicité sublimée, une beauté pure et sans maquillage comme on aimerait en croiser plus souvent, mais que l’on sait à jamais disparu.
Puis viennent le pruneau, la cerise noire confite, dans une ambiance miellée et vanillée, puis de la pâte d’amande et avec l’aération un caramel classieux, sans excès et doux, pour un nez réellement charmeur. Plus le temps passe, plus on réchauffe le verre, et plus le rhum devient minéral, lourd et résineux, non sans rappeler certaines similitudes avec les rhums de Bellevue déjà goutés ici.
L’attaque est moelleuse et franche, sur le fruité (exotique), les agrumes, le caramel puis rapidement sur les épices et le boisé pour devenir légèrement poivrée et puissante ; mais toujours avec ce petit quelque chose vanillé qui rend la bouche certes puissante mais légère et très agréable. Les fruits exotiques reviennent entre deux épices et apportent une belle gourmandise à la bouche, légèrement sucrés, et acidulés (zestes d’agrumes).
Le final est sur la même note, sèche et longue, mais encore tout en rondeur et très harmonieux ; le passage du rhum vous réchauffe avec ce qu’il faut d’épices tout en appelant au prochain verre, vous laissant en bouche un goût de fruits exotiques, sucrés et vanillés à souhait, et une légère amertume (thé vert). Le verre vide confirme un rhum particulièrement parfumé et aromatique, et nous propose de la vanille et de la noix de muscade fraichement râpée.
Certains rhums plus récents de Séverin ne m’avaient guère emballé mais celui-ci est plutôt complexe et harmonieux, riche et très agréable de bout en bout. Et complet à juger par ses arômes tantôt végétaux, minéraux et fruités ; Une très belle découverte qui donne l’envie subite de découvrir les autres rhums millésimés de la marque, pour prolonger l’aventure et pourquoi pas déceler une certaine évolution. Note : 87
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Merci pour cette note de dégustation Cyril !
Il y a aussi un 1996 de 10 ans d’age, le connais-tu ?
Salut Aurélien,
j’ai n effet oublié le 96, merci 😉
nous avons donc des millésimes de 1976, 1984, 1986, 1996 et 1998
Toujours aussi plaisant de lire et relire ces dégustations.
Merci Cyril de nous faire voyager.
merci Stéphane
Salut cyril….et bonne année ! 😉 On fête cette nouvelle année avec quel rhum ??? 😉
Bref…merci pour cette nouvelle découverte…
Comme je t’en avais parlé, j’ai reçu (et gouté) le Savanna Grand Arome Lontan Brut de fût (le 6 ans)…ouha ! Quel régal ! Les mêmes saveurs que le Grand Arome Lontan 8 ans, notamment ce goût de tabac à rouler (perso, je prenais parfois du Drum)dont on vient d’ouvrir le paquet et qui est donc encore bien humide, bien souple…mais en plus doux, plus léger, que le 8 ans….ça a du goût mais aucun tanin, pas d’agressivité. Peut-être un peu de cuir aussi… bon, tu goûtes qd pour nous dire ce que tu en penses ???!!! 🙂 Nul doute que tu sauras être plus précis que moi…
Bonne santé 🙂
Merci pour ton retour sur le Lontan, j’espère y goûter bientôt, et la cuvée millenium aussi