Damoiseau 1980

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Le clash…

Voilà deux rhums qui prêtent à débat depuis leur sortie : tout deux de chez Damoiseau mais l’un a été embouteillé par l’italien Velier tandis que l’autre vient de Damoiseau lui même. Quelques mois de différences… mais s’agit-il des même rhums ? ou est-ce un coup marketing calculé ? En tout cas même année et même degré (60,3°), de quoi perturber l’amateur qui souhaite acquérir une des deux bouteilles… dégustation croisée de ces deux monstres de 1980.

 

prix : l’embouteillage de Damoiseau est sensiblement moins cher (145€) que celui de Velier (165€) pour une même contenance (70cl) et plus surprenant la même force de 60,3°.

âge : le Damoiseau affiche 18 ans, le Velier aussi avec la particularité d’afficher sur sa bouteille une mise en foudre au bout des 18 ans (en 1998) avant une mise en bouteille en juin 2002.

 

Pour la petite histoire c’est Luca Gragano (Velier) qui lors d’une visite chez Damoiseau décide d’acheter l’intégralité du stock de ce Damoiseau 1980 ; A l’époque ce rhum n’avait pas vraiment de place attitrée puisqu’il possédait une petite quantité de mélasse et ne rentrait pas dans les normes de l’INAO (institut national d’appellation d’origine). Une sorte de vilain petit canard pas si évident à placer sur le marché… Luca Gargano décide donc de le sortir sans le diluer au degré naturel de 60,3°, ouvrant par la même occasion la porte au rhum foolproof et le succès qu’on leur connait aujourd’hui.  Est-ce suite à ce succès ou non, en tout cas Damoiseau décide de sortir un rhum de la même année et au même degré. De quoi perdre le consommateur qui hésiterait entre les deux bouteilles…   Questionné sur le sujet l’année dernière, Hervé Damoiseau (PDG de Damoiseau) m’a déclaré que les deux embouteillages contiennent le même rhum, mais issu de différents chais. Il aurait en effet retrouvé ce rhum mis à vieillir dans un autre chais peu après le passage de Luca Gargano. Il y avait 3 chais de vieillissement à l’époque et des rhums pouvaient être mis en fut à des endroits différents et donc retrouvés au fur et à mesure des besoins…

 

L’aspect : math nul

La couleur et la robe des deux rhums sont identiques : un ambré profond, des jambes similaires, aucune différence notable entre les deux à ce niveau, mais déjà une forte impression d’être face à des rhums d’exception.

 

Le Nez : deux beaux profils

Le Damoiseau semble plus expressif à la première tentative, plus fruité (fruits secs) et vanillé, là où le rhum sorti par Velier met plus de temps à décoller et propose un nez beaucoup plus fondu et aérien. Après quelques minutes, la tendance s’inverse et ce dernier reprend le dessus et cela semble se répéter et évoluer au fur et à mesure de la dégustation. Un nez différent qui laisse déjà penser à cet instant que nous n’avons pas affaire au même rhum…

Les nez sont sensiblement différents, sur des notes semblables certes, mais dans des profils opposés : le Damoiseau est plus boisé et plus lourd, avec beaucoup plus de fruits secs ; il est plus charpenté dirons-nous, tandis que l’embouteillage proposé par Velier offre une palette aromatique plus douce et fondue, aérienne même avec plus de fruits confits, moins de boisé et plus d’agrumes que le Damoiseau. Le nez est beaucoup plus chaleureux sur le Velier, mieux équilibré et plus complexe. Et plus le temps passe et plus les profils semblent s’opposer, sans ambiguïté.

J’aime personnellement les rhums qui dégagent cette odeur lourde et concentrée du Damoiseau, beaucoup plus loquace, même si le Velier est beaucoup plus charmeur et travaillé. De quoi satisfaire tout le monde sur ce point, et des différences déjà marquantes entre les deux.

 

La Bouche/Final : gros avantage à Velier

La bouche de ces deux monstres de 60,3° finira de les départager et prouvera une nouvelle fois que malgré les similitudes sur les deux étiquettes nous avons bien là deux individus bien distincts.

L’un et l’autre proposent une bouche puissante et aromatique mais gros avantage à Velier dont l’attaque est plus moelleuse, et surtout plus complexe et concentrée. Le rhum évolue sans cesse en bouche sur les fruits confits, les fruits secs, sur les épices et la réglisse, avec un final du feu de dieu et un beau retour des agrumes sur la fin. Un très bel exemple d’équilibre, tout en puissance et avec une longueur époustouflante qui ne semble ne jamais vouloir se terminer.

Damoiseau n’est pas en reste et propose aussi une très belle puissance mais l’entrée en bouche est beaucoup plus marquée par les épices et les tanins, de la réglisse aussi et des agrumes mais plus sur l’amertume (zeste). Comme pour son nez, le Damoiseau propose un profil plus brut de décoffrage et forcément moins complexe et équilibré que le Velier. Pas mal de fruits secs aussi et un très beau final, mais moins long et surtout moins persistant que le rhum de chez Velier, avec une dominance du boisé.

 

 

Résultat du ‘clash’ ? Le Velier est beaucoup plus complexe en bouche et laisse une trace plus persistante de son passage, plus de saveurs et un goût qui dure. Le Damoiseau est moins complet et semble moins bien façonné, plus tannique et mesquin. Le même rhum ? Non, il y a des similitudes certes, mais le nez, et plus particulièrement la bouche ne trompe pas, nous avons deux produits différents, vendu sous le même nom, provenant de la même année, mais bel et bien différents.

L’embouteillage de Velier explose en bouche là où le Damoiseau peine à la comparaison. Deux bons rhums mais gros avantage au Velier, de quoi amplement justifier la différence de prix…

 

Alors comment expliquer autant de similitudes ?

Et bien sans vouloir rentrer dans des supputations il faut quand même rappeler qu’historiquement Velier a sorti sa version bien des années avant celle de Damoiseau, qui étrangement a cessé ses relations commerciales avec Velier quelques mois avant de sortir son propre Damoiseau 1980… Alors même que Velier avait acheté l’intégralité du stock, étrange non ?

Et sortir soi-disant le même rhum avec exactement le même degré alcoolique est une chose impossible. Alors effectivement on est à même de se sentir floué et une fois encore c’est l’amateur qui trinque. Il existerait donc un seul Damoiseau 1980, celui sorti par Velier.

Velier – note : 88

Damoiseau – note : 85

pour vous (et m’y) retrouver, concernant les notes:
90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

Comments
22 Responses to “Damoiseau 1980”
  1. Merci de répondre à mes questions avant même que je ne les pose 😉

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    • Ouki dit :

      J’étais resté dubitatif au moment de la boutique éphémère de Velier (et son stock de Damoiseau 80), mais cyril citait encore Luca, Daniele m’avait fait gouté le précieux …bref j’avais craqué.

      C’est vrai que même si la version Damoiseau reste un grand rhum, le Velier a quelque chose de plus.

      Donc, mister poussette, il ne faut plus traîner, maintenant que saint cyril vous ouvert la voie : la version Velier devient de plus en plus rare (mais trouvable).
      😉

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  2. Ouki dit :

    Episode 2:
    Damoiseau 1989: Velier vs Damoiseau ?
    😉

    Il faut croire que les relations commerciales entre Damoiseau et Velier existent toujours. Là aussi pour le 1989, on constate un degré proche (58% contre 58.4%) et une mise en bouteille différente (2010 contre 2006 … avec encore un passage en foudre pour Velier).

    … Et on trouve même un Damoiseau 1995 chez Velier (aussi embouteillé en 2006).

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    • cyril dit :

      Hehe je n’ai pas osé le rajouter pour éviter de jeter de l’huile sur le feu.. Merci Ouki! Mais Velier a en effet sorti des millésimes 89′ 91, 92 de Damoiseau, bizarrement imité par la suite… Et leur relation commerciale était toujours d’actualité à ce moment là mais est bien terminée aujourd’hui 😉

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      • Ouki dit :

        Ah…
        Voilà qui remet les choses en place.
        La Chronologie étant, si j’ai bien compris : édition par Damoiseau de différents millésimes (89, 91), puis sortie du fameux 80 (la pomme de la discorde) il y a quelques années.

        Et que valent ces millésimes Velier par rapport aux Damoiseau ? as-tu eu la chance de pouvoir comparer ? 😉

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        • cyril dit :

          Il y a du avoir quelque chose comme 5 années entre le velier 1980 et celui de Damoiseau…

          J’ai les 3 autres embouteillages mais je n’ai pas encore eu l’occasion de les ouvrir

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  3. Cyril dit :

    Salut cyril 😉
    Une dégustation qui, une nouvelle fois, donne envie. En ce qui me concerne, pour la version Velier…
    J’ai brièvement parcouru le net, sans succès….(sur les sites français). Demain je vais appeler les 2 de Paris pour voir…
    Sinon, dégusté un Savanna « Gran Arome Lontan » 2002 et agréablement surpris. Un mélasse de la Réunion, 46°, avec une fermentation particulière. Et vieilli en fût de cognac. Nous étions 3, nous y avons trouvé du bois de santal, de l’orange (le zeste), du camphre, voire de l’eucalyptus. Cela dit, lorsqu’on lit les notes de dégustation, ça ne correspond pas vraiment il me semble. Je te ferai donc grâce d’un article complet 😉 En tous les cas, un produit qui sort de l’ordinaire…on aurait presque cru ne pas avoir affaire à un rhum… Mais tout cela ne reste que nos humbles avis de Padawan… 😉
    Mais bon, cela m’a donné envie de découvrir d’autres produits de chez eux….
    En tous les cas, si tu as l’occasion…

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    • cyril dit :

      J’ai goûté de très bons brut de fût de chez Savanna durant le rhum fest et tes propos rejoignent ceux de nombreux amateurs… Il faudrait que je m’y penche sérieusement!

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  4. Cyril dit :

    Ca y est !!! J’ai chopé l’ultime dernière bouteille !!! Enfin il doit en rester, mais où…. Donc pour les amateurs, inutile d’appeler A’Rhum, ni Demontaguère, ni LMDW. Je l’ai vue sur un site internet Anglais mais à 200€ + 25 € de FP (ça commence à faire bcp….).
    Trouvé chez Juhles, toujours bon d’avoir ses coordonnées à celui-là ;-).
    Voilà, si ça peut aider…. 😉

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  5. Cyril dit :

    …et ensuite le boire !
    Pas facile tous les jours…. 😉
    Te donnerai mon avis en Août, une amie me le ramènera de Paris 🙂

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  6. Thib dit :

    Bonsoir Cyril et merci pour ces sujets toujours aussi intéressant , mais une question me vient vite : a quelle niveau Velier fait il la différence ? Le passage en foudre ? En quelle année damoiseau a embouteiller le sien ?

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    • cyril dit :

      Salut Thib
      Selon Damoiseau: « La différence d’appréciation de bouche viendrait d’une maturation plus longue avant embouteillage (maturation en foudre) »

      c’est une explication plus que plausible mais par contre comment expliquer le même degré alcoolique, là c’est un grand mystère. J’ai questionné Hervé Damoiseau sur le sujet mais pas de réponse à ce jour.

      Pour moi il n’y a pas 36 000 raisons, et ce ne sont que des suppositions, mais ont peut se demander si Damoiseau pour son embouteillage n’a pas:
      1: mis volontairement le degré à 60,3° (identique à la bouteille de Velier, peut être pour le ‘concurrencer’ vu son succès)
      ou 2: si Damoiseau n’avait pas garder (oublier?) des bouteilles commandés par l’embouteilleur Velier

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      • Thib dit :

        Damoiseau a oublié de « vendre » beaucoup de futs de ce millésimea Vélier ? Il est vrai que non seulement le degrés est le même , le contenant aussi .. Ca fait beaucoup de coïncidences tout de même.

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        • cyril dit :

          Ils ont retrouvé pas mal de fûts dans les chais oui. Pour ce qui est de la bouteille c’est la même car tout a été embouteillé sur place chez damoiseau, il n’y a que l’étiquette qui change.

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  7. Cyril dit :

    Ca y est ! Dégusté hier soir 😉 (la version velier)
    Une couleur incroyablement foncée ! De bon augure ! 🙂
    En bouche, très complexe, très puissant….et pourtant très rond. Un pur bonheur…
    Je ne me souviens pas avoir senti le retour d’agrume…..va falloir que je re-goûte ! 😉
    A bientôt

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  8. Le Glaude dit :

    Ce rhum est vraiment extraordinaire : outre une complexité aromatique et une rondeur phénoménales, il a une longueur en bouche proprement hallucinante !
    Pour l’instant dans mon top 3, avec le Rhum Rhum Libération 2012 et le Diamond 1981…mais qui sait ce que nous réservent les futures dégustations…

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