Savanna Lontan 12 ans
> |
Distillerie Savanna | côté Grand ArômeNous avons déjà évoqué les rhums de Savanna et plus généralement la distillerie, la seule au monde à produire à la fois du rhum agricole, du rhum de sucrerie et du grand arôme (auquel on pourrait même rajouter du rhum dit léger). L’occasion aujourd’hui de s’attarder sur leur dernier grand arôme cette fois âgé de 12 ans, et embouteillé au degré naturel de 64,2°. Il était prévu une note commune de plusieurs Lontan dans un même article, des blancs jusqu’au vieux en passant par le HERR (un autre grand arôme qui se veut plus proche du profil jamaïcain et produit différemment), mais la dégustation du Lontan 12 ans m’a convaincu qu’il n’était pas possible de tout condenser sur la même page sous peine d’être très (très) long ; Nous nous « contenterons » donc du Savanna Lontan 12 ans, avant de revenir prochainement sur le HERR (10 ans) et les blancs qui mériteront sûrement un article à part. Rhum Grand Arôme | côté productionUn Grand Arôme c’est quoi ? C’est un rhum issu d’une très longue fermentation (5 à 10 jours et plus) d’un mélange de vinasse et de mélasse qui sous l’action de levure spécifique va favoriser le développement de bactéries, et ainsi donner au rhum des arômes très développés et beaucoup plus puissants. Un type de rhum essentiellement utilisé dans l’industrie agroalimentaire, voire dans la parfumerie, ou encore comme bonnificateur pour certains rhums plus légers. Savanna produit du rhum banc Grand Arôme depuis la fin des années 90, alors même que la marque n’existait pas encore : Les premières productions sont ainsi proposées à la vente (au grand public) en bouteille sous la marque Varangue, alors que le reste est essentiellement vendu en vrac à l’industrie agroalimentaire. Il faudra attendre les années 2000 pour voir arriver le premier Grand Arôme vieilli estampillé Savanna (le nom Lontan n’existe pas encore mais s’imposera rapidement sur les étiquettes). C’est L. Broc qui lancera la production chez Savanna avec l’idée forte de mettre en avant un savoir faire et un travail plus poussé au niveau de la fermentation et de la distillation. Suivant la réglementation, la distillerie réunionnaise produit du Grand Arôme en respectant les taux de 800g/HAP (hectolitre d’alcool pur) de non alcool dont 500g/HAP en esters (réglementation franco-française). Des rhums qui sortent à 75% (tout comme les rhums pur jus/agricole de chez Savanna, là où les rhums de sucrerie sortent à 89%). Il est ainsi fait la distinction entre le Grand Arôme proposé en vrac et le Lontan, le Grand Arôme de la marque Savanna. Est venu s’ajouter cette année un HERR (littéralement High Esters Rum Réunion) sorti à l’occasion du 60ème anniversaire de LMDW, et qui est encore différend du Lontan : la base de la fermentation a beau être la même, le HERR bénéficie d’un travail bactérien différent et supplémentaire qui se veut plus proche des caractéristiques d’un rhum Jamaïcain, avec une plus grande richesse aromatique que le Lontan, notamment en esters (plus riche qualitativement et quantitativement). Et alors que le Lontan est distillé via la colonne traditionnelle Savalle de Savanna, le HERR est lui distillé (préférentiellement) de manière discontinue via un alambic classique en inox, permettant une extraction maximale (absence de colonne) des arômes fermentaires ainsi qu’un temps de séjour du vin plus long à de hautes températures favorisant les réactions chimiques à l’origine d’une flaveur atypique.
Savanna Lontan 12 ans / 64,2°Le dernier Lontan de chez Savanna, et le plus vieux (et toujours l’unique au monde) Grand Arôme. Millésimé 2004 (mise en fût le 06/05) il a été embouteillé durant l’été 2016 à 721 exemplaires. Comme à son habitude, le rhum a vieilli en ex-fût de Cognac. La dernière rencontre avec un Lontan (le millésime 2003 de 11 ans), s’était terminée ainsi : « Imaginer le prochain Lontan donne le vertige, et surtout l’envie de se jeter sciemment dans le vide, attaché au fil du temps et de l’histoire, pour un énième voyage vers l’authenticité ». C’était en août 2015 et le plaisir de la découverte est le même, et donc aussi l’expectation du toujours mieux…
La robe de ce Lontan est acajou tirant sur un bronze obscur et oranger, majestueuse et précieuse (et brillante) d’où se forme un véritable collier de perles qui se multiplient à vue d’œil, avant de commencer leur lent chemin de procession vers les abysses. Quelle paresse et quelle impudeur, un vrai ballet funèbre qui dévoile la richesse et l’apparente consistance d’un rhum impétueux. Le nez demandera la plus grande attention, car avec 64,2 degrés au compteur, la diplomatie est de mise et ceci malgré l’apparente facilité du début. L’odeur qui se dégage est épaisse, résineuse et excessivement riche, se permettant même le luxe d’exploser dans un ensemble déjà très équilibré et de vous coller les sinus : de la résine qui se rapprocherait même d’une glu légèrement fruitée, dans laquelle on aurait laissé macérer des pruneaux et du raisin (avec cet aspect vineux qui accroche), en plus de carrés de chocolat noir et de cuir tanné. C’est lourd et très rond et beaucoup plus « gourmand » que le 11 ans qui mis face à face laisse échapper plus de notes saumâtres et acides (olive, agrume passé). L’année de plus apporte plus de tout et le face à face laisserait même le petit frère passer pour une mauviette (question de maturité). Plus le temps passe et plus le rhum semble s’arrondir et devenir de plus en plus agréable, beurré et faisant la part belle aux fruits et à de chaudes épices (cannelle), légèrement caramélisés et laissant s’échapper de petits fruits rouges acides ; le zeste d’un citron jaune apporte un brun de fraîcheur et même le cuir semble se fondre en caoutchouc puis en un voile de tabac, et encore ce chocolat… Un rhum qui évolue et avec lequel on ne s’ennuie pas, enivrant et pénétrant. En bouche on s’attend à une autre explosion, beaucoup plus violente au vu du titrage ; et c’est exactement ce qui se passe mais sans cette violence attendue, dans une onctuosité prononcée avec ce côté résineux qui polarise tous les arômes, en mettant sur le devant de la scène ces notes de cuir, de tabac, de chêne brûlé mais tout en subtilité, sans accroc ni excès (à part la puissance), mélangé aux fruits confits et sucrés. L’alcool (très élevé rappelons-le) est bien intégré pour 64° mais ça fait tout de même son effet, et le rhum vous englobe la bouche entière comme rarement, avec ce côté vineux qui attache mais qui ne mord pas, de la saumure, de l’acidité (olive, agrume) et des épices plus sombres qui vont crescendo (poivre gris, piment) et qui participent à la maestria. Bien sûr il s’agit d’un Lontan et il conviendra d’être préparé, et celui qui ne connait pas le grand arôme vieux de Savanna sera secoué à plus d’un égard, puissance aromatique et degré élevé oblige. A cet instant on se dit qu’un trait d’eau serait utile, mais qu’il est difficile de sacrifier les quelques centilitres restants… Pourtant, un trait d’eau apporte plus d’agrumes, d’opulence exotique (ananas) et donc de facilité au rhum ; et il pourrait sans doute être dilué à 40° qu’il serait encore bien expressif, c’est pour dire. Agrume, exotisme, léger caramel, fruit et fraîcheur au nez. En bouche, et toujours avec de l’eau, le rhum est merveilleusement bien équilibré (et pas du tout négativement impacté), toujours concentré et onctueux, vineux, rappelant à peu de chose prêt la bouche sans dilution mais avec une facilité déconcertante qui plaira au plus grand nombre. L’ajout d’eau est en ça conseillée, et même recommandée à celui qui y goûtera. La fin de bouche est longue et persistante sur des notes fumées et iodées du plus bel effet, et même exotique dans une parfaite continuité et toujours dans une concentration exemplaire et un équilibre qui force le respect. Ne comptez pas sur un verre d’eau pour écourter l’expérience, elle ira bien au delà malgré la répétition. Nous sommes encore un cran au-dessus du 11 ans. La robe est merveilleuse, le nez beaucoup plus mature et accessible même, tout comme la bouche ; ce n’est pas tant que le Lontan 11 ans ou ses plus jeunes frères sont moins bons, mais le 12 ans est encore plus concentré et mature, plus abouti, moins sur les notes saumâtres et acides, et plus sur le confit et la gourmandise, la rondeur. Ce rhum fait assurément partie des rhums fullproof qui n’ont rien à envier à de vieux Demerara ou Jamaïcains vieillis sous les tropiques, avec une puissance aromatique sans égale, grand arôme oblige. Note: 90 |
90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
|
Salut cyril 😉
Moi qui suis fan depuis longtemps des Lontan, l’année commence sous de bons auspices avec cette dernière livrée qui m’a l’air d’apporter encore quelque chose de nouveau 🙂
J’ai hâte de lire ton avis sur le HERR !
(De toute façon, pour rentabiliser les frais de port, il faut commander 2 bouteilles chez Savanna 😉
En attendant, je te souhaite donc une bonne nouvelle année ! 😉
@+
PS : J’attends de regoûter le Neisson 2007 avant de te donner mon sentiment, je n’étais pas assez concentrée (contrairement au Neisson !) lors de la 1ère dégustation 😉
salut Cyril et très bonne année à toi aussi
Le HERR est un autre gros morceau 🙂 mais pas dispo à la vente auprès de la distillerie (uniquement via LMDW et son réseau, d’où son prix d’ailleurs…). Tu ne sera pas déçu du 12 ans en tout cas.
Mince ! Sont pénibles avec ces stratégies marketing ! Dommage, car même avec les frais de port, souvent + intéressant de commander en direct chez eux….
« L’homme à la poussette » (que tu dois forcément connaître) n’a pas eu l’air de trop accrocher…j’attends avec impatience ton avis (tu sens le message subliminal histoire de te mettre un peu la pression ? ;-p )
oui et la le prix s’en ressent largement… le HERR on aime ou on déteste, et pas simple d’avoir un avis mitigé sur ce genre de rhum
Très belle Article et je suis entièrement d’accord avec tout ce que tu as dit!!!
Salut Michael et merci.
Bonjour Cyril,
en relisant ton article, j’ai buté sur un point et j’aurais donc besoin de ton aide. Tu écris:
« le HERR est lui distillé (préférentiellement) de manière discontinue via un alambic classique (et non à repasse) »
A quoi ressemble cet alambic? J’avais cru comprendre que Savanna possédait un pot still, mais ne parle-t-on pas alors de repasse?
Merci pour ton aide!
Salut Diego,
il s’agit en effet d’un alambic à repasse, merci pour la boulette 🙂
j’ai bien essayé de demander des photos de la bête, mais l’alambic (en inox) n’est à priori « pas très photogénique »