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Voici le début d’une longue série de dégustations qui visent à gouter presque tout Appleton, du plus jeune aux plus anciens et vieux rhums. Mes excuses pour les longueurs, inévitables, car il vous faudra sans doute beaucoup de temps et de persévérance pour arriver au bout de ce premier jet. A l’origine, il y a l’accumulation quasi maladive de samples, de bouteilles et la création récente du groupe Rumaniacs. Mais aussi l’accumulation d’informations et de photos pour rendre l’article le plus complet et fidèle possible. Bonne lecture
Appleton | côté historique
Appleton est LA distillerie emblématique de Jamaïque (ambassadrice du rhum jamaïcain dans le monde) et étonnamment celle qui représente le moins ce style lourd de ‘rhum puant’ si apprécié de certains amateurs. Propriété de J. Wray & Nephew Limited (plus vieille compagnie de Jamaïque), Appleton est située au cœur de la vallée de Nassau, où ses usines sucrières, sa distillerie et ses entrepôts officient depuis 1749 (la production est assurée intégralement sur place). Alors que le domaine est bien plus ancien (1655), on y produit tout de même du rhum depuis plus de 250 ans. Plus de 4000 hectares sont réservés à la culture de la canne à sucre, auxquels il faut ajouter Holland State et New Yarmouth à Clarendon, pour un total estimé à 8 600 hectares (Appleton détenant des licences pour le compte de nombreuses multinationales).
Au cour de son histoire, la distillerie a pu bénéficier d’investissements énormes qui ont permis de moderniser les installations jusqu’à remplacer les vieux coffey still d’époque contre une colonne gigantesque (construite par le canadien Vickers) à la production plus efficace. Historiquement, le rhum est filtré sur charbon puis coloré au caramel (importé d’Angleterre), comme la plupart des rhums jamaïcains principalement réservés au négoce (la loi jamaïcaine autorise uniquement l’ajout d’eau au rhum pour la réduction et le caramel pour la coloration). Appleton est la première distillerie de l’île à vendre un rhum sous sa propre marque (d’ailleurs plus célèbre à l’export que sur le marché local), et elle peut même se vanter d’avoir les stocks de rhums les plus importants au monde: on parle de plus de 240 000 fûts, stockés à différents endroits en Jamaïque (la plupart proches de Kingston) pour éviter une catastrophe dans un seul chais et les pertes éventuelles. Il n’y aurait ainsi que très peu de ces fûts à la distillerie même.
Un cas extrêmement rare car il n’existe que très peu de rhum vieilli en Jamaïque, tout étant vendu en vrac à l’export, et le rhum ambré étant surtout réservé aux classes aisées et aux touristes. La part des anges est chez Appleton d’environ 6% et le vieillissement s’effectue en fût de chêne américain (200 litres).
Appleton | côté production
Appleton propose des rhums Single Blended, soit un assemblage de rhums plus puissants distillés de manière discontinue (via alambic/potstill) et des rhums plus légers distillés de manière continue (via une triple colonne), issus de la même distillerie. La proportion des deux méthodes a sûrement évoluée avec le temps, mettant un peu plus en valeur le rhum de colonne, plus simple et plus rapide à produire. L’utilisation de colonnes remonte à la fin des années 50, marquant un tournant au niveau de la production avec l’apparition de rhums plus légers.
Le style Appleton tiendrait aussi selon ses propriétaires des différentes souches de levure qui proviennent -et appartiennent- à la distillerie, ainsi que l’eau utilisée provenant d’une source très pure attelant la distillerie. La fermentation durerait entre 30 et 72 heures (d’après Dave Broom et son livre RUM), et plus habituellement 48 heures (selon Edward Hamilton dans son Guide To Rum sorti en 1997).
(photos du blog Cocktail Wonk faisant suite à un voyage chez Appleton, à lire sans modération)
les rhums Appleton | la gamme ‘classique’
Appleton White: d’abord proposé à 43° puis à un classique 40°, il impressionnera un court moment avec un 151 overproof à 75,5° avant se démocratiser à 37,5, répondant ainsi aux sirènes des cocktails et à la mode des rhums plus légers. D’abord vraiment ‘blanc’, il est aujourd’hui vieilli avant d’être décoloré et n’est plus proposé qu’en version à 37,5 et 40°. Le 151 overproof sera remplacé par un overproof de chez Wray & Nephew à 63.
Appleton Special: un rhum ambré et premier rhum vieilli de chez Appleton, avec différentes versions et contenances (de 70 à 175cl) selon les marchés et les époques, qui s’appelait originellement Appleton Gold.
Appleton Dark: un rhum dark comme son nom l’indique, proposé à 40°, dont il a aussi existé une version Appleton 151 Dark Rum (75,5°). Plus ancien encore, et qui se veut l’avant du Dark : le Appleton Punch (voir la bouteille ici), qui sera sorti à différents degrés d’embouteillage : 75° proof (37,5°) , 90 (45°) et 97° proof (48,5°) dans les années 70 ; on imagine que le terme Dark sera plus vendeur que celui de Punch.
les rhums Appleton | la gamme ‘Estate’
Il s’agit des expressions haut de gamme de la maison, principalement des rhums vieillis et vendus sous le nom Appleton Estate, pour insister sur le fait qu’il s’agisse principalement -et uniquement- de rhum de domaine.
En 2015, Appleton a décidé de revoir sa gamme de produit pour « permettre aux consommateurs de mieux s’y retrouver », en lançant une nouvelle classification qui se veut plus « cohérente et consistante », ou encore pour « célébrer l’art de l’assemblage ». Mais qu’est-ce-qui peut être plus cohérent et consistant qu’un âge ? Les changements annoncés ne trompent pas, et introduisent la notion de NAS (No Age Satement) dans le monde du rhum :
Le Appleton V/X (pour Very eXceptional) d’origine affichait un compte d’âge précis d’au moins 5 ans (entre 5 et 10 ans même), alors que depuis la refonte de la gamme il a été remplacé par un rhum nommé Signature Blend : plus de mention d’âge sur la bouteille, mais la ‘promesse’ d’un assemblage de 15 rhums de 4 ans de moyenne d’âge (promesse publiée sur leur site internet). Sous couvert d’un changement de classification, Appleton a quasiment diminué de moitié le compte d’âge de son rhum (et doublé son bénéfice?), abandonnant par la même occasion la terminologie pourtant très claire de son ancien habillage.
Sur cette même idée, le Appleton Estate 8yo Reserve qui annonçait clairement son âge s’est transformé en Appleton Reserve Blend : on passe alors d’un rhum de 8 ans d’âge clairement identifié, à un assemblage de 20 rhums pour d’une moyenne d’âge de 6 ans.
Le Appleton 12 ans aura été proposé sous différentes formes comme nous le verrons plus bas dans les dégustations, de la carafe en grès dans les années 70 (Old Reserve 12) à la bouteille haute dans les années 80 (12 Rare Old), puis le classique Appleton Extra des années 80/90 dont le nom changera en Appleton Extra 12 pour s’appeler dorénavant Rare Blend 12 (depuis 2005). C’est le seul (avec le 21 ans) à avoir gardé un âge précis dans la nouvelle gamme.
Le Appleton 20 ans, sorti une unique fois sous forme d’une jarre en céramique dans les années 70,
Le Appleton 21 ans lancé dans les années 90 (blue box), et qui changera à l’aube des années 2000 de forme avec une bouteille plus imposante et luxueuse. Il fait partie avec les V/X, 8 et 12 ans des rhums vieux classiques de chez Appleton.
Le Appleton 30 ans et ses 45%, en édition limitée (1440 bouteilles) composée d’un assemblage de rhums d’au moins 8 ans ré-assemblés et vieillis 22 ans supplémentaires
Et enfin des rhums commémoratifs:
Appleton Estate Master Blenders Legacy Rum, un embouteillage lancé pour célébrer le travail de trois générations de master blender, et créé par la dernière en date, Joy Spence, en utilisant « les rhums les plus rares jusque 30 ans ».
Un Appleton 250th anniversary Edition sortie en 1999 pour commémorer le 250ème anniversaire de Appleton,
un Appleton Exclusive proposé uniquement à la distillerie en 2009 dans un coffret luxueux pour célébrer le terroir de Nassau,
jusqu’à la Jamaica Independance Reserve 50 ans, un assemblage très spécial de rhums de 50 ans sorti à 800 exemplaires.
En 2017 devrait sortir un nouvel embouteillage célébrant cette fois la 20ème année de Joy Spencer aux services de Appleton en tant que Master Blender: un assemblage de rhum de 25 ans et plus.
Vous trouverez ci-dessous des notes de dégustations de différents rhums de la gamme, d’hier à aujourd’hui, avec pour commencer des rhums blancs, les VX, 8 et 12 ans. Nous reviendrons prochainement sur la suite en montant dans la gamme jusqu’au 50 ans d’âge.
Le but ici est de faire une comparaison des mêmes rhums à travers l’histoire de la distillerie pour y déceler des différences, des préférences, bref des changements minimes ou notables afin de faire sérieusement, et le plus précisément possible, le tour du propriétaire. Direction Kingston pour un voyage qui retrace pas moins d’un demi-siècle d’histoire du rhum…
Appleton côté Blanc
Historiquement la distillerie aura sorti pas mal de variations, allant d’un rhum ultra léger à 37,5° jusqu’au fameux 151 proof (75,5°) des années 60 en passant par du plus classique à 40°. Aujourd’hui il en reste deux (à 40 et 37,5) principalement destinés aux cocktails, alors que le rhum overproof est aujourd’hui vendu sous le nom Wray & Nephew avec une version à 63°, véritable institution en Jamaïque. Voici une vue d’ensemble des différents blancs, d’hier à aujourd’hui…
Appleton White 80’s / 40°
Goûté via une vieille mignonnette qui date vraisemblablement des années 50 ou 60, avec une version que l’on imagine à 40° (mais qui ne mentionne aucun degré sur l’étiquette). Le rhum affiche un « light dry continuous still rum ».
A l’ouverture, passé la robe cristalline de circonstance pour un blanc, le rhum apparait très huileux. Au nez, c’est très aromatique et c’est même une très bonne surprise pour un blanc de mélasse, qui généralement n’est jamais vraiment ‘blanc’ car vieilli et décoloré (et souvent très pauvre au nez). On peut ici faire facilement la parenté avec la canne qui se montre plutôt fraîche, des agrumes (orange, citron) et de la banane, puis de l’anis. Avec du repos de la réglisse. L’attaque est très douce et ‘facile’ (très peu alcooleuse), sur les fruits exotiques (banane), de l’anis et de la réglisse, et tout en conservant une belle fraîcheur mentholée. La fin de bouche n’est pas excessivement longue mais le rhum fait un beau retour sur les épices et toujours un brun de fraîcheur, puis s’assombrit sur la réglisse. Belle surprise malgré la perte d’alcool due à une longue conservation. Il y a de belles promesses chez ce rhum blanc qui devraient être confirmées via une bouteille en meilleure conservation (Note: 80).
Appleton Classic White / 37,5 et 40°
Des « blancs » plus récents et destinés (sur le papier) aux cocktails, avec d’un côté une version proposée à 37,5° et une seconde à 40. A noter qu’il s’agit ici d’un assemblage de rhum de mélasse (distillé via pot tsill et colonne) préalablement vieilli (sic) jusque 2 ans avant d’être filtré et décoloré, et donc techniquement pas de rhum blanc.
La première propose une robe nettement plus grasse (disque) que l’ancienne version goûtée plus haut et propose un nez encore plus exotique : on a ici l’impression d’être le nez au-dessus d’une purée de banane fraîchement écrasée ; c’est très fort en banane, avec de la coco râpée. On y trouve aussi un côté terreux (champignon), de mousse (sous bois), et de la vanille. Un rhum blanc très gourmand au final (et sucré), et plutôt expressif (surtout à 37,5°) avec tout de même un peu de fraîcheur (citron) et de l’alcool. En bouche, ce blanc est assez huileux et sucré, on retrouve ces deux fruits et surtout la banane, de l’orange et de la réglisse ; toujours gourmand même si l’alcool est assez présent et assèche la bouche ; la finale est sèche, épicée (poivre blanc) et citronnée (confite et sucrée). Que dire si ce n’est que c’est un rhum ambré décoloré assez sympa et facile. Pas mal d’alcool aussi, et ce rhum de 37,5° sera même mesuré à 40,1°… (note: 73).
Le second, qui affiche 40° (et qui lui a bien été mesuré à 40) est aussi huileux, mais moins exotique au nez et plus fermé: la banane est plus verte, les agrumes plus prononcés (peau d’orange), le rhum se fait plus sage mais toujours aromatique comparé à la moyenne des « blancs » de mélasse. Le repos apporte de l’assurance à la banane qui rivalise maintenant avec l’orange. En bouche, l’attaque est huileuse, plus franche, assez forte sur l’orange, l’alcool et des herbes mentholées ; c’est frais, épicé et vivant, et même plutôt mature. La fin de bouche est sèche, une nouvelle fois sur l’alcool, mais aussi l’orange décidément bien présente. Moins sucré et huileux que la version à 37,5°, plus agréable en dégustation pure aussi, il apparait plus naturel (Note: 77).
Au final, le plus ancien reste le meilleur, et peut-être le seul réel blanc du lot (comprenez le seul non vieilli, une aberration pour un rhum blanc). Les sorties actuelles sont plus consensuelles.
Appleton V/X circa 80/90 / 40°
Un assemblage de rhums d’au moins 5 ans d’âge. Une bouteille des années 80/90.
La robe est ambrée dorée, huileuse.
Au nez, le rhum est sec et fait ressortir des tanins en plus d’une odeur métallique, comme cuivrée qui se mélange à la mélasse. Cela tend à donner un léger piquant au nez qui partira avec un peu de repos, et auquel vient s’ajouter de la peau d’orange, de la banane et même un coté marmelade ; et des épices, avec un côté terreux. Le repos assombrit le nez avec un côté goudronneux/olive très léger donnant à ce rhum un côté sérieux et relativement brut.
En bouche, l’attaque est huileuse et légèrement beurrée, sur une mélasse mêlant la marmelade d’orange, de la réglisse et un boisé épicé (poivre noir) mais aussi vanillé ; plus le rhum reste en bouche et plus il développe ce côté onctueux et presque sirupeux, sur la réglisse, des fruits à coque et des fruits secs (raisin). La fin de bouche est assez longue, sur des notes sèches de chêne et de poivre, de raisin sec et de réglisse noire sur la toute fin.
Un rhum d’entrée de gamme qui propose déjà des caractéristiques de Appleton mais qui sera sans doute plus efficace mélangé qu’en dégustation pure. Un rhum droit et naturel, sur la réglisse. Note: 76
Appleton V/X circa 90 / 40°
Le même assemblage mais cette fois plus récent dans l’histoire, des années 90.
La robe est un peu plus palotte et le nez est encore plus beurré et même pâtissé sur des fruits exotiques très gourmands (banane bien plus que l’orange) ; moins piquant que la version précédente qui contenait peut-être plus de rhum de pot still? les contours sont ici plus adoucis, c’est très poli, trop lisse peut-être. En tout cas, c’est beaucoup moins complexe et plus consensuel que le précédent rhum, plus beurré, mielleux et cela répond sûrement au goût déjà assumé pour les rhums plus doux.
La bouche est aussi très différente, encore plus huileuse, même mielleuse et plus douce, chaude et facile/sucrée. Du sucre brun, du sirop, de la banane et de l’orange sanguine et un peu de zeste, et pas mal de réglisse pour une fin de bouche moyenne, sèche (sur l’alcool) et plus sucrée (réglisse), presque écœurante à la longue.
Une version plus consensuelle plus douce et mielleuse que le rhum précédent, qui répond sûrement aux demandes grandissantes pour un rhum plus doux. On perd déjà de l’authenticité et de la complexité par rapport au rhum précédent. Et c’est dommage car il ressemble plus à la masse, et déjà un peu moins au style Appleton. Note: 74
Appleton Signature Blend / 40°
La nouvelle version du rhum ci-dessus mais cette fois sans mention d’âge, et c’est bien dommage dans ce monde déjà dérégulé. Ce rhum est sorti en 2015 en même temps que la nouvelle gamme de vieux.
La robe est plus huileuse et légèrement plus dorée ; le nez est très agréable et très facile, sur une mélasse riche, de la vanille, du gingembre et de l’orange, de l’abricot. Le nez est fondu, fondant, beurré et gourmand. De quoi plaire au plus grand nombre, c’est certain, mais bien loin (très loin) des premiers V/X.
En bouche, c’est très sucré et fruité, doucereux et avec une certaine fraicheur (agrume, citron): il y a de l’orange, de la pêche, de l’abricot ; c’est très doux, encore plus rond que la version précédente, moins épicée aussi et avec de la réglisse. La fin de bouche est moyenne, persistante sur les notes sucrées de fruits et de réglisse. Ce nouveau V/X est peut-être plus jeune, mais il est encore plus simple (et impersonnel).
Un assemblage de 15 rhums avec une moyenne de 4 ans d’âge, on est donc bien en deçà des premiers V/X de la distillerie, et le ton est clairement donné : il faut proposer un rhum facile et très doux, et c’est en ça réussi, mais à quel prix? On a franchement pas envie de connaitre la suite si Appleton décide encore de changer de ‘recette’/d’assemblage au point de perdre tout intérêt, et identité. Note: 74
Conclusion sur le V/X
Alors que le premier propose un nez brut et authentique, le second est déjà beaucoup plus mielleux et sirupeux, comme devenu impersonnel et trop consensuel. Le 3eme (sous le nouveau nom) redonne un peu de complexité mais toujours dans un registre hyper rond et sucré, et montre clairement le positionnement actuel de Appleton, plus résolu à répondre à la demande de rhum ‘facile’ qu’à proposer plus d’identité et de complexité.
Alors est-ce que c’était meilleur avant ? pas forcément, mais c’était déjà très différent. La vérité est peut-être ailleurs ? (dans les rhums plus vieux de la gamme). Nous allons voir ça…
Appleton Reserve 8 / 43°
Assemblage de rhums âgé à minima de 8 ans d’âge. Un autre classique de chez Appleton, toujours réalisé à partir de rhum de pot still et de colonne. On parle ici de 20 rhums différents dont le plus jeune est âgé de 8 ans, avec vieillissement dans des ex-fûts de Jack Daniels.
La robe est ambrée, soutenue, tirant sur le cuivre et dessine de très larges jambes. Un rhum très brillant.
Au nez, c’est doux et sucré: sur le sucre caramélisé, du miel, de la cannelle ; assez épicé, le boisé est légèrement fumé (cuir) avec des zeste d’agrumes (orange) qui apportent un peu de tenue et qui tranche dans toute cette mélasse. Mais aussi des notes de coco et de chocolat pour un nez à la fois caustique et zestueux, mais au final assez simple et surtout caramélisé. Ce n’est toujours pas très complexe mais ça reste très agréable.
En bouche, l’attaque est huileuse et concentrée, sur un boisé épicé (cannelle, girofle et curry), légèrement astringente avec des zestes de citron et d’orange, puis du sucre brûlé. Les fruits sont de la partie (banane, raisin sec), mais ce sont les épices qui dominent avec cette fois du poivre pour une belle tenue, pour une fin de bouche assez sèche et moyennement longue, avec des notes de cuir sucré et le retour de nos chères épices, tout en douceur, et de réglisse.
Un rhum très doux, sans heurt, qui propose une bouche huileuse et épicée simple et facile du début à la fin. On retrouve notre peau d’orange dans un rhum qui ressemble à peu de chose au V/X, en plus vivant. Note: 80
Appleton Reserve Blend / 40°
Le Reserve 8 ans passe au Reserve Blend et perd au passage son âge pour un peu moins de transparence (NAS again), en perdant aussi au passage 3°, passant de 43 à 40°.
Robe ambrée tirant sur le cuivre, huileuse aux jambes dodues.
Au nez, c’est moins concentré et riche que le 8 ans: on est sur la banane caramélisée, un nez beurré et pâtissier (crème pâtissière), de la cannelle et du chocolat, pour une version plus ‘gourmande’ que le Reserve 8 ans. Le zeste d’agrume est là, fidèle à son poste, mais c’est la purée de banane qui domine (en comparaison direct, le 8 ans est beaucoup plus porté sur les épices), et avec un peu de réglisse.
La bouche est très douce et sucrée, sur l’exotisme sucré (banane), caramélisé, chocolaté même, un peu astringent (zeste, herbe) et les épices arrivent avec les agrumes. Fin de bouche assez courte, sèche, sur l’orange et la réglisse, et l’alcool.
Un rhum qui n’a que très peu à voir avec le Reserve 8 ans, beaucoup plus riche et mature ; ce Reserve Blend apparait beaucoup plus jeune, plus sage et aussi plus ‘insipide’. Note: 75
Même impression qu’avec le V/X ancienne et nouvelle génération, le 8 ans ne semble pas contredire la règle: plus doux, plus gourmand et plus dans l’air du temps, et plus court en bouche. On préférera largement le Reserve 8 ans qui se trouve ‘encore’ facilement, mais jusqu’à quand?
Appleton Reserve 12 circa 70 / 43°
Une jarre en grès de 75cl des années 70 qui contient un rhum de 12 ans d’âge réduit à 43°. Existe aussi en 20 ans. A en croire les inscriptions sur la carafe, Appleton/J&Nephew était déjà en avance sur son temps avec un bien placé « aged in 12 tropical years« .
Robe vieil or cuivré tirant sur l’oranger, huileuse et extra brillante, elle dessine une couronne d’épaisses larmes, disque gras en surface.
Au nez le rhum propose beaucoup de richesse, sur un confit cuirassé, gourmand et à la fois assez droit: des orangettes, du vernis, avec un léger cuir et une pointe métallique. Il y a sûrement dans ce rhum plus de distillat sorti de pot still, production moindre oblige. Compotée de mangue, quelques notes saumâtres, de la muscade et du zeste de citron. Le repos le rend terreux et renforce son côté torréfié, et l’alcool chatouille le nez. Belle présence et grosse personnalité, et très loin des rondeurs artificielle d’aujourd’hui. Entre notes sucrées, acidulées et grillées.
En bouche, le rhum est riche et huileux, sur un exotisme à cœur (excessif, pourrie), du chêne et du cuir. L’attaque est puissante et poivrée, puis arrivent les fruits exotiques, l’orange et toutes sortes de zestes (confit et acidité) ; puis ça semble se re-durcir, devenir encore un peu plus épicé et accompagné de réglisse. Une bouche qui va crescendo et qui fait la part belle aux épices avec une bouche chaleureuse et piquante. La fin de bouche est moyenne et persiste sur les épices et ce poivre, asséchant la toute fin, avec un retour sur l’exotisme. Verre vide sur le bâton de réglisse et le café.
Un 12 ans au nez d’agrume opulent et à la bouche épicée ; il commence par vous flatter les sens avant de vous donner la fessée. Riche et puissant, un 12 ans aux antipodes du Rare Blend d’aujourd’hui, avec des notes torréfiées qui sont outrageusement remplacées aujourd’hui par de l’exotisme redondant. Note: 83
Appleton 12 ans circa 80 / 43°
Un 12 ans cette fois-ci proposé via une bouteille plus classique qui date des années 80.
Robe cuivrée tirant sur le bronze, huileuse encore une fois avec des larmes encore plus gonflées que son petit frère.
Au nez, le rhum est plus sec et moins riche que la carafe en céramique, beaucoup plus fin: on est ici sur les fruits secs (figue, raisin), un chêne sec aussi, du tabac blond, des fruits à coque (noix), et des notes d’alcool un peu gênantes qui cachent sûrement d’autres choses. On retrouve cette légère ambiance métallique, comme cuivrée et une vieille cire de meuble (caustique).
En bouche, l’attaque est légèrement huileuse, chaleureuse et équilibrée et propose une belle concentration : des notes de réglisse, de tabac, de fruits secs (macérés) et à coque (noix encore), de l’orange ; c’est beaucoup plus expressif et complexe qu’au nez. Très bel équilibre pour un rhum plus classieux et qui devient plus riche au fur au mesure qu’il évolue dans la bouche. La fin de bouche est assez longue, sèche et persistante sur des épices grillées, les fruits secs et du cuir.
Un nez plus timide et sec que le précédent rhum mais la bouche impressionne par sa complexité et une richesse qui grandit en bouche. Le tout très bien équilibré, il manque juste un nez plus séduisant mais le temps lui donnera peut-être raison. Une facette plus maîtrisée et plus classieuse du 12 ans. Note: 85
Appleton Extra / 43°
Pas de mention d’âge, le Appleton Extra serait l’avant Extra 12 ans. Sorti dans les années 80 il titre déjà 43° et affiche sur l’étiquette un : « old copperstills on the appleton estate import our rums their rich flavorful character ». Certaines sources font état d’un assemblage de rhums allant de 12 à 30, d’autres jusque 18 ans.
Robe bronze aux reflets brunâtres, grasse avec des larmes plus épaisses encore que le rhum ci-dessus.
Au nez c’est assez sec, sur le cuivre et une odeur métallique qui disparaitra avec l’aération ; on arrive alors sur des notes grillées (épices, fruits secs, noix), de la réglisse et du tabac. C’est lourd et renfermé, terreux ; l’orange est là mais plus noire qu’à l’habitude, comme chocolatée), avec du chêne toasté, du thé noir et du pruneau.
La bouche est riche, huileuse à point sur ces notes grillées maintenant caramélisées : les fruits secs, la réglisse, le chêne grillé (caramélisé?), des fruits plus noirs (pruneaux, cerise) dans un ensemble très bien équilibré et concentré. Sans fausses notes et vanillé, le rhum va crescendo jusqu’à une fin de bouche réglissée, caramélisée, grillée, avec un beau tabac et même du chocolat, et le retour des fruits secs pour une belle mort, douce et sucrée.
Très belle présence en bouche, le rhum est huileux et englobant, noir et sucré mais maîtrisé de A à Z et très plaisant de bout en bout. Ce Appleton Extra est..extra. Note: 84
Appleton Extra 12 / 43°
Il s’agit là d’un assemblage de rhums entre 12 et 18 ans, vieillis en fûts de chêne ayant contenu du Jack Daniels.
La couleur est d’un beau cuivré aux reflets dorés et le liquide développe de longues jambes sur les parois du verre.
Le nez est intense mais délicat et complexe: il développe une douce odeur de vanille en surface, un boisé assez fin, et puis un bouquet d’épices prend considérablement le dessus ; on peut reconnaitre de la noix, de la muscade, de la cannelle ainsi qu’un soupçon d’agrumes (écorce d’orange/de citron). Le tout accompagné d’une odeur de cuir, de tabac.
L’attaque est complexe et puissante, sur le tabac séché mixé à la mélasse. La vanille fait son apparition et les épices se chargent de laisser une note chaleureuse en bouche. En bon accord avec le nez, pas de mauvaises (ni de bonnes?) surprises. L’orange est aussi présente en bouche. La finale est moyennement longue, sèche et réchauffante mais sans brûler la gorge ; une fois de plus les épices et les fruits secs sont de la fête. Un goût agréable reste en bouche, avec ce petit quelque chose de fumé.
Finesse, puissance, complexité, le rhum Appleton Estate 12 ans est un rhum complet et plaisant à tout point de vue ; il ne lui manquerait qu’un peu plus de caractère, mais c’est un très bon début pour celui qui voudrait se lancer dans la dégustation de rhum jamaïquain. Le rapport qualité/prix est irréprochable. Note: 80
Appleton Rare Blend 12 / 43°
Le seul rhum de la nouvelle gamme (depuis 2015) qui a gardé son compte d’âge, hourra.
Le rhum est ambré cuivré, gras et très brillant ; disque en surface et bulle dans le verre, un peu plus de gras.
Au nez, sec et métallique avec ce vernis caractéristique (colle) des nez jamaïcains. Une odeur que l’on ne retrouve pas aussi présente dans les précédentes sorties étrangement. c’est très entêtant et présent, et ça n’a rien à voir avec les plus vieux 12 ans de chez Appleton dans lesquels on ne retrouve pas autant de vernis/colle. Très différent. Le repos ne fera pas disparaitre ses notes entêtantes et piquantes au nez, mais fera une place non négligeable à la vanille et à l’écorce d’orange. Le rhum semble plus jeune, plus funky que ses prédécesseurs, mais toujours agréable.
En bouche, c’est riche et huileux, sur un exotisme mature (mangue, papaye), sur le bois, tannique et acidulé (agrumes?), de la réglisse et des épices douces. On a moins de complexité, c’est plus passe-partout mais ça reste très agréable et bien équilibré en bouche (et concentré). La fin est quant à elle moyennement longue, avec un retour sur les marqueurs jamaïcains et de la réglisse. Toujours plaisant.
Le premier rhum de la gamme qui propose ce côté vernis colle au nez, chose plutôt (très) rare chez Appleton qui généralement fait des rhums assez consensuels. Pour ceux qui veulent un aperçu de la Jamaïque profonde et son style lourd et stinky (puant), c’est un début pour un prix somme toute raisonnable, et on est loin des v/X et 8 ans devenus si indifférents (et ronds). Note: 81
CONCLUSION DES 12 ANS
On rentre dans le « coeur » de la gamme Appleton. Très loin du classique V/X et de la rondeur des 8 ans, on trouve chez la série de 12 ans des rhums beaucoup plus matures et complexes, et clairement plus « rhums », authentiques et donc intéressants: tandis que le premier (70’s) fait la part belle aux agrumes (orange, citron), le 12 ans des années 80 est déjà différent, plus fin et avec une bouche qui commence à faire parler plus de notes grillées et sombres ; ce que confirmera le Appleton Extra, et de bien belle manière. Depuis le changement de gamme, Appleton semble revenir à une identité plus « jamaïcaine » et authentique, celle d’un nez sur le vernis/colle qu’aucun des autres 12 ans n’avait autant délivré. Est-ce une question d’âge? En tout cas les anciens 12 ans ne ressemblent que très peu au nouveau, c’est un fait. Et sans les distinguer par un ordre qualitatif, il est assez difficile de les départager sur le plan organoleptique tellement ils proposent de différences. Deux époques différentes, et différentes mœurs sûrement… Mais dans tous les cas des choses intéressantes, et au-delà, très bonnes. |
Merci pour ces articles! Je n’ai jamais encor gouté de rhum jamaicain je voulais commencer par un reserve 8ans mais je voit qu’il n’y a plus d’info sur l’age… Je me penche donc sur un extra 12ans (le seul dispo avec le reserve a prix resonnable en Thailand).
Pendant que je suis ici avez vous deja gouter le chalong bay (bel prommesse au nez mais seulement) et l’issan (qui lui est trez agreable pour ma part) de rhum Thailandais!?
Salut Mathieu,
Le 12 ans de Appleton est sans doute le meilleur de la gamme, tu m’en donnera des nouvelles à l’occasion 🙂
Je connais Chalong Bay et Issan oui ; le premier est plus atypique (on aime ou pas, et peu ou pas de place du tout au juste milieu), alors que le second est franchement intéressant, qui manque juste quelques watts en plus
Bonjour Cyril,
Merci pour vos articles du site si enrichissants pour le tout tout jeune néophyte que je suis (c’est dire à quel point j’en suis un)…
Quand vous parlez du meilleur 12 ans de Appleton, vous faites référence auquel (rare blend ou extra) ?
Salut Yoann et merci
le Extra 12 ans en fait, même si le Rare Blend (qui est juste la version actuelle du 12 ans de Appleton) se débrouille très bien aussi
Merci de votre reponse! Je me repette mais votre site est vraiment très interressant aussi bien vos notes sur les degustations que l’histoire des distilleries et du rhum en generale.
Comme pas mal je pense j’ai commencer par des (sirop) rhum comme don papa et diplomatico et zaccapa (un peu mieu).
Je trouve sa dommage de ne pas avoir plus de reglementation dans le rhum(comme pour le whisky par ex.) mais maintenant je fais attention et regarde vos notes avant d’acheter un rhum, je me fis aussi au nombreux sites qui calcul la densiter et donc la teneur en sucre.
Acheter des rhums arranger mentionner rhum sa me tue( le RA je l’ai fait maison ).
Pour revenir sur le Issan, que j’adore, la loi thailandaise n’autorise pas la vente d’alcool a plus de 40%alc. Et pour etre rentré en contact avec le gerant de cette distillerie, j’ai cru comprendre qu’il en ferai exparter prochainement de plus puissant!
Et bientot je fait faire la visite de sa distillerie (ou il propose deja de deguster ces future rhum plus puissant) il se questionne meme sur quel viellissement sera le plus propice a son rhum!
Bonne journee a vous! Et encor merci pour ce fabuleux site!
Ps: de futur notes de degustation s’ajouterons a votre site?
Salut Mathieu et merci beaucoup pour les mots sympas.
Le problème de compréhension qu’entraine (et qu’entretien) ce flou est assez problématique au fond, et empêche sûrement le rhum d’évoluer et de gagner en sérieux ; Chacun à le droit d’apprécier son rhum sucré, voir très sucré, mais personne ne le sait car l’information est volontairement cachée par le producteur, le distributeur et jusqu’aux commerciaux. Et c’est là où le bât blesse…
J’espère pouvoir goûter ce Issan avec plus de watts, ça doit être formidable. Un jour sûrement. Mes amitiés à David si tu passes le voir 🙂
Et oui pour les notes de dégustation, plus ou moins chaque semaine sur le blog. A bientot
Bonjour, je ne suis pas encore allez a la distillerie d’issan mais j’ai eu la chance d’allez un bar a rhum a Bangkok (sa ne court pas les rues) et j’ai pu goûter 2versions du fullproof issan (un canne éplucher et couper en floraison l’autre non éplucher) a 57° je crois c’est une merveille (petite préférence pour la canne éplucher !)
Ahhh ça donne envie Mathieu, ça devait être superbe 🙂
Bonjour,
Un petit retour pour ma première expérience jamaïcaine, j’ai commencé avec des choses très abordables, tout d’abord le appleton reserve blend que je ne trouve pas si mal pour le prix (25 €), le nez est assez plaisant, confit/épicé, en bouche j’ai trouvé des notes de safran sur le final ce qui m’a plutôt enthousiasmé même si ça manque peut-être un peu de longueur… je testerai très bientôt le 12 ans/43° je pense sur lequel tu dis pas mal de bien…
Comme je suis courageux, j’ai voulu aussi essayer le « smith and cross »… c’est assez incroyable ce truc ! Violent au départ avec des senteurs vernis/plastiques, le produit une fois un peu aéré se laisse un peu mieux apprivoiser, il y a tellement d’arômes là-dedans que c’est assez difficile de les distinguer, bananes flambées, pruneaux, réglisse etc… mais il y en a tant d’autres !!! Le plus impressionnant est le nez après que le verre se soit un peu aéré, d’une puissance et d’une richesse, à vous embaumer la pièce de senteurs pâtissières ! Incroyable ! Bref, moi j’ai plutôt accroché, un de mes amis aussi, un autre a détesté !!!
Voilà mon humble petit retour, je pense essayer un doorly’s 12 ans prochainement également, un petit tour sur la barbade donc après cette belle expérience jamaïcaine…
Salut Ted et merci pour les retours !
Le 12 ans de chez Appleton est pour moi le meilleur de leur gamme, au rapport qualité/prix impressionnant.
Le Smith & Cross te plonge dans un autre univers : celui des rhums High Esters, l’équivalent de notre Grand Arôme, un concentré aromatique éblouissant. Si tu as aimé tu devrais essayer de trouver et gouter un rhum de la distillerie Hampden, frissons garantis 🙂
Super merci pour l’idée du Hampden Cyril 😉