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Poursuivons la dégustation des rhums blancs, mais cette fois avec des rhums de mélasse. Ils sont connus pour être beaucoup plus légers que les rhums de pur jus, mais sans doute aussi plus faciles d’accès, plus doux et flatteurs, en faisant généralement un ingrédient de prédilection pour les cocktails. Ce ne sont donc pas, à priori, des rhums à déguster purs, mais puisque le pari (et ma préférence) est de déguster les rhums tels quels, merci de vous en rappeler au moment de lire ces lignes.
Il faut aussi souligner le fait que beaucoup de rhums blancs de mélasse sont en fait vieillis quelques années avant d’être filtrés au charbon pour leur donner une robe cristalline. Fait rarement souligné (et pour cause), les principales distilleries (mais pas toutes, fort heureusement) ne peuvent tout simplement fournir un rhum blanc naturel très aromatique: distillé au delà des 94% via des colonnes multiples, le rhum qui sort est souvent très pur, pour ne pas dire neutre, d’où le vieillissement avant la filtration. Certains autres arrivent à fournir de meilleurs rhums sans passer par la case vieillissement.
Flor de Cana Extra Dry / 40°
Un rhum blanc en provenance du Nicaragua, extra sec donc, de…4 ans. Il y a sûrement mieux pour débuter une session sur les blancs de mélasse, mais puisqu’ils sont nombreux a être filtrés…
Robe cristalline et très grasse.
Au nez, ça s’ouvre sur des notes d’alcool assez présentes. Extra sec, c’est le bon terme, mais une fois passé outre les notes volatiles d’alcool, on retrouve de la peau de banane, des notes de caramel, et quelque chose de terreux et d’herbacé. C’est loin d’être très complexe, et on serait à même de s’attendre à un peu plus pour un blanc de 4 ans (oui je sais c’est étrange, même à écrire), que des notes prédominantes d’alcool.
En bouche, c’est légèrement huileux, mielleux, sur un mélange d’alcool et d’herbes, d’épices et de zestes d’agrumes avec un pointe d’acidité. Suivent de la coco et du sucre. La fin de bouche est elle aussi extra dry avec des notes vaporeuses d’alcool.
Sans doute un rhum à cocktail, mais définitivement pas un rhum à essayer pur. Note: 47
Doorly blanc / 40°
Encore un rhum filtré pour lui donner une robe cristalline et attirer les amateurs de cocktails. Celui-ci nous vient de chez Richard Seale, et est âgé de 3 ans…
Rien que du translucide, et un rhum huileux
Au nez, c’est fruité et assez sec, sur des fruits à chair blanche : pomme acidulée et poire, banane encore verte. Sur les agrumes (zeste de citron), assez simple mais avec des arômes. Le nez évolue sur une coco caramélisée.
En bouche c’est mielleux, toujours sec avec un mélange plutôt homogène de fruits (les mêmes), d’herbes et de sucre (canne à sucre). L’aspect en bouche est plutôt agréable et gourmand, et évolue sur un profil épicé en bouche, et sur une coco légèrement grillée. La fin de bouche est moyenne et persistante sur ces mêmes notes.
Toujours pas un blanc comme on l’entend, mais pas mauvais du tout, avec déjà du potentiel et un avant goût certain du reste de la gamme. Note: 76
El Dorado Superior White / 37.5°
Un rhum blanc vieilli 3 ans et doublement filtré au charbon de bois naturel pour obtenir « ‘une grande pureté qui exprime une belle douceur au palet ». Espérons que par pureté, il ne s’agisse pas d’alcool.
Au nez, ce rhum fait d’abord ressortir des odeurs de boisé, plus spécialement de sciure fraîche ou de pelure de crayon de papier. Ajoutez-y du sucre brun, des fruits à coques, des agrumes (zestes) et un peu de coco. Assez simple, ça manque de concentration.
En bouche c’est très doux, très légèrement huileux, sur le sucre brun, de la mélasse, des fruits à coque vanillés et du zan. Les 37,5° se font clairement ressentir, et avec eux des questions sur l’utilisation de ce rhum… trop faible pour boire tel quel, et trop faible aussi pour les cocktails? La fin de bouche est rapide, disons filante et sèche, avec une nouvelle fois ce zan et ce sucre qui prédominent.
Un rhum qui manque de pas mal de choses, à commencer par plus de degré pour pouvoir lui donner une utilité ; cela reste sucré et donc assez facile au final. Note: 67
Botran Reserva Blanca / 40°
Un rhum sud-américain (du Guatemala) d’abord vieilli en système solera avant d’être filtré pour proposer un rhum blanc.
Le rhum est très fruité et vanillé, opulent, et propose d’entrée beaucoup de gourmandise. C’est très agréable, plein d’exotisme, sur la coco, le bonbon gélifié à la pêche, la banane haribo, l’abricot sec, comme confituré et très avenant, avec un voile vaporeux d’alcool qui chatouille les narines.
En bouche, l’attaque est très douce, huileuse sur le bonbon au zan, un boisé caramélisé, de la vanille, les bonbons aux fruits ; un profil sucré et gourmand, tout juste relevé par un boisé naissant et des épices caramélisées (cannelle). Un rhum plutôt agréable et qui se suffit à lui même (à boire sans ajout particulier). La fin de bouche est moyenne et sèche, mais appellera un verre de plus.
Aussi facile et gourmand que les expressions plus vieilles, ce rhum plaira aux amateurs de solera, et pourra même se boire tel quel (et surtout sans sucre), frais de préférence, et avec modération. Note: 74
Smatt’s Silver rum / 40°
Un rhum blanc »super premium » en provenance de Jamaïque, mais encore ? D’après le producteur, il s’agit d’un assemblage de rhum issu de colonne et d’alambic, fait dans la plus pure tradition jamaïcaine. Existe aussi en version gold. Et aucune mention de filtrage, donc un vrai rhum blanc (comprenez sans vieillissement).
Ce rhum propose un nez puissant et plutôt concentré ; Avec beaucoup de fruit, d’exotisme (banane très mur, coco) qui se mélange harmonieusement à des arômes de cuivre (métallique), de vanille, et d’un trait de caramel. La banane ressort clairement avec le repos, pour un nez plaisant et naturel.
En bouche, c’est huileux et plutôt doux ; toujours sur l’exotisme (rompu, très mûre) avec une banane qui se fait caramélisée et vanillée, très « dessert » mais sans écœurement. Légèrement chocolatée, la fin de bouche est moyennement longue, une nouvelle fois sur la vanille et la banane, et quelques épices qui réchauffent la gorge (cannelle).
Un rhum résolument exotique et très plaisant, aux allures naturelles et à l’équilibre rafraichissant. Note: 80
Worthy Park Rum Bar / 65°
Autre rhum de Jamaïque, et autre rhum blanc sans vieillissement. Et même plus, celui-ci est proposé au degré de 65 et propose un rhum 100% pot still (ce qui reste assez unique).
Un nez puissant, décalé, monstrueux? sur une canne lourde et laissée à l’abandon pendant un siècle, sur des notes d’olive et d’artichaut, de terre, de fruits exotiques décomposés (pour ne pas dire pourris) et de colle. Le repos apporte des notes fruitées très plaisantes (mangue, agrume), et le degré alcoolique passe à merveille.
La bouche est puissamment concentrée et relativement suave, et une nouvelle fois assez ‘facile’ pour le degré ; d’abord exotique et sucrée, elle se fait ensuite terreuse et épicée, puis acide (agrumes) et salée. Tout y est, et tout est concentré dans un ensemble mielleux et collant. La fin de bouche est interminable, accentuée par le fort degré, et nous rappelle en un éclair toute la dégustation passée, entre arômes fruités, lourds, terreux et rafraichissants.
Un blanc jamaïcain à ranger au côté des deux autres Worthy Park : celui de Rum Nation et ceux de Habitation Velier, avec en tête de file le 151. Des monstres, mais monstrueusement bons. Note: 84
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Salut Cyril, merci pour cet article.
Il y a une vraie tendance à faire vieillir quelques années les blancs de mélasse ! J’aurais d’ailleurs aimé voir le Bacardi Facundo Neo ou le New Grove dans la liste 😉
Reste que Velier a encore fait très fort avec ses jamaïcains, le PM blanc et le Foursquare (qu’on attend toujours!).
Salut Julien
je n’ai pas ce Bacardi, mais le New Grove est à venir, au côté de ce PM blanc, du Lontan de Savanna, et d’autres… 🙂
Toujours marrant de voir un soi disant expert faire une aussi énorme erreur.
Botran n’étant pas un Rhum de mélasse…
Bonjour Klein
Laissons l’expertise aux experts, je ne fais pas parti de ce monde.
Miel de canne ne veut en effet pas dire grand chose, un bel argument commercial tout au plus, et surtout pas de l’agricole vous en conviendrez
Bonjour,
Petite question sur la dégustation du Flor de Cana : votre note est-elle de 47 ou de 74?
Selon votre notation, si c’est 47, alors on va dire que c’est la Villageoise du rhum blanc!
Si c’est 74, je me dis que c’est une bonne alternative aux Bacardi/Havana Club blancs.
Merci pour ce site très bien fait et très intéressant.
Bien cordialement,
Ivan
Bonjour Ivan et merci
c’est bien 47 qu’il faut lire, et ça n’a vraiment que très peu d’intérêt (c’est un avis personnel bien sûr), insipide, sec et passé l’alcool c’est assez vide. Donc à destination des cocktails mais pas de quoi les mettre en valeur en fait.
Bonjour, toujours de bon retour, que pensez du rums blanc overpruff de Wray and nephew 63°? Il n’est pas filtrée au charbon celui ci rassuré moi !?
Salut Mathieu
le blanc de Wray & Nephew est un classique (une institution même sur place), et met à l’amende la quasi totalité des blancs de mélasse ; parce que c’est un vrai blanc déjà, et ensuite parce qu’il a une âme 🙂
A parfait hâte de le déguster alors ! Je reverrai de faire vieillir un rum jamaïcain dans un petit fût de 5litres, j’hésitais entre celui ci et le WP rum bar! (Toute façon je vais prendre les 2 au moins pour avoir une bouteille de chaque !)
Toujours voulu tanter l’expérience… On verra bien!
bons choix, et en vieux un petit Worthy Park et un Hampden de chez Habitation Velier, tout un voyage
Le WP 2006 est commandé!! Chez Hampden on verra l’or de mon retour !
Chez WP que penser vous des finish marsala et oloroso?
j’attends tes impressions alors 🙂
j’ai rapidement gouté les finish de WP mais ne suis pas fan du concept, préférant largement boire chaque spiritueux séparément.