Session #1

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Nous continuons notre voyage aux racines du rhum avec une première session autour de vieilles mignonnettes sacrifiées pour la science le plaisir, avec toujours cet espoir de tomber sur des trésors. Et parmi le choix, il y en a surement…Je n’ai à l’heure actuelle que très peu d’informations concernant les années de production de ces rhums, même si la verrerie et plus souvent les capsules des mignonnettes peuvent donner un ordre d’idée sur l’époque de mise en échantillon. Au delà du caractère magique et hautement symbolique de ces dégustations, l’idée est de référencer tous ces vieux rhums qui n’existent actuellement que sur les étagères des collectionneurs.

Brisons les capsules du temps et apprenons du passé pour mieux comprendre notre présent…

JClub

Jockey-Club, fer déposé…

JockeyClub_1Voici un rhum d’un négociant de Bordeaux, un de plus, et plus particulièrement d’une maison, Archambeaud frères, fondée en 1820.

A son catalogue de l’époque plusieurs rhums : les rhums Diamant, White Bail (Jamaïque), le rhum des Lys (Martinique), le rhum de l’Ecu et ce Jockey-Club qui nous viendrait aussi de Martinique (St-Pierre, capitale du rhum). Cette dégustation s’est faite via 3 mignonnettes de différentes tailles, aux niveaux corrects.

Durant mes recherches j’ai trouvé une étiquette qui se rapprochait de celle-ci, mais avec le sigle D (obligatoire dans les années 80 pour la mention de Digestif) et un titrage à 44°, puis une version bleutée titrant 50°. Les mignonnettes qui nous intéressent ici ne font mention d’aucune information (ni D ni degré alcoolique), et sont donc antérieur.

Feuillard d’étain sur le goulot, bouchon en liège, nous sommes sûrement dans les années 50 ou 60. Il y aurait donc eu plusieurs versions de ce rhum qui aura été commercialisé pendant au moins une vingtaine d’années. Et l’origine du rhum viendrait peut-être d’une demande du Jockey Club, réunion de messieurs hyper smart jouant au polo ? Bien sûr ce ne sont que des suppositions et si d’aventure vous en savez plus, n’hésitez pas à laisser un message.

Rapidement le verre est habillé de jambes relativement épaisses qui s’effacent assez rapidement ; le rhum offre une belle densité, plutôt huileuse, ambré reflets orangers, avec la présence toujours réconfortante d’un disque à la surface.

JockeyClub_3Le nez est fruité, légèrement confit dans son jus pour un profil gourmand. Pas de boisé ni d’épices trop fortes et de note alcoolique piquante, c’est doux, sur la banane, la poire, la vanille et une pointe de caramel pour un nez chaleureux. Le repos fait apparaître du raisin et de la réglisse qui s’impose à l’aération conjointement à des notes plus grillées.

L’attaque est moelleuse, sur les fruits confits, la réglisse et les agrumes, le tout fondu et très agréable en bouche : on oscille entre des humeurs sucrées et acidulées, les papilles sont en éveil, bercées par de douces épices (cannelle) pour au final une belle sensation au palais. La bouche évolue sur les épices mais sans jamais trop en faire, donnant de la tenu et du nerf à la dégustation, et tout en gardant en tache de fond le fruit confit pour une belle harmonie.

La réglisse poursuit son chemin jusqu’au final, moyennement long, et reste présent même au delà, réminiscence du zan de notre enfance pour une séparation réconfortante, une dernière étreinte chaleureuse. Le fruité n’est pas en reste pour une dégustation toujours homogène et bien vivante.

Le rhum peut considérablement varier d’une mignonnette à une autre, et l’exemple de ce Jockey-Club est assez parlant : L’impression de commencer une partie de polo avec un cheval de trait sur la 1ere mignonnette ouverte, et de se retrouver avec un pur sang à la seconde. D’où l’importance d’insister et de gouter plusieurs de ces mignonnettes. Les deux présentaient pourtant un niveau identique même si la deuxieme était légèrement plus grande.

Le rhum peut être altéré par tellement de petites choses qui en transforment sa structure : une mauvaise conservation, une exposition prolongée en plein jour, une température changeante,…etc. S’ils vous arrivent d’ouvrir ces petits contenants ne restez pas sur une seule impression, persévérez et soyez récompensé…ou pas. Note : 75

 


mamita

Le scandale Mamita

mamita_3Voici un rhum des années 40/50 au passé tumultueux, véritable investigateur d’une histoire unique en son genre…

Étrange que cette histoire des rhums Mamita, au cœur même d’un scandale boursier. Un beau jour dans les années 40 un dénommé Arthur Laurent décide de lancer la Société des Rhums Mamita, très largement aidé par la Banque de l’Indochine qui lui avance les capitaux. Tout Bordeaux était alors recouvert d’affiche à l’effigie du rhum ; à l’époque il est le seul négociant à obtenir un bateau pour aller chercher son rhum en Martinique…et le vendre à son retour en grande majorité au marché noir. L’histoire nous raconte que son succès fut immédiat, et immense. Il se vendait sous le manteau un nombre incalculable de caisses et la banque -remerciée comme il se doit en intérêt- lui prêta même jusqu’à 1 milliard de franc pour assurer le triomphe de sa marque.

Mais la concurrence arriva et il se retrouva rapidement avec un découvert de plus de 400 millions ; le sachant en difficulté la Banque de l’Indochine s’empresse alors de lui demander le remboursement immédiat de sa dette dans le but sournois de s’emparer de sa société. Et c’est ce qui se passe: Laurent est forcé de quitté la présidence de la Société qui revient alors à la banque. Il ne se laisse pas faire et porte plainte à son tour, convoque la presse pour faire des révélations mais il sera arrêté quelques heures plus tard et emprisonné. 1 an plus tard il est convoqué devant la Commission d’enquête où il accuse ouvertement la banque de trafic et de dissimulation, entres autres choses. Une enquête durant laquelle les membres démissionnaient les uns après les autres, et les témoins disparaissaient discrètement. Il reste de cette aventure un livre intitulé : « La banque de l’Indochine et la piastre »). source

Ce rhum controversé offre aux curieux une couleur ambrée assez profonde, d’énormes jambesmamita_22 d’une rondeur appétissante et déjà une certaine intensité à l’ouverture, et ceci dès l’extraction délicate du bouchon de liège. L’aspect du rhum est plutôt huileux.

Des notes d’alcool apparaissent rapidement et quelques petites brulures se font sentir, en tout cas pour celui qui comme moi est pressé… nous sommes sûrement bien au-delà du classique 40°. Des fruits secs, principalement des pruneaux, du raisin et de la figue, mais aussi de la noisette et de l’amande ainsi que des notes épicées principalement dont la cannelle et le poivre gris pour un nez plutôt chaleureux et boisé (pointe de réglisse). Et difficile d’en voir beaucoup plus derrière ce rideau plutôt opaque. L’alcool bloque en effet le reste.

L’attaque est huileuse et plutôt douce au départ, rattrapé par les épices et le boisé (humide) qui rendent l’ensemble chaleureux comme le nez le laissait imaginer, et quelques notes de pommes et de poires, d’amande sous forme un peu plus gourmande. Le poivre revient et réchauffe un peu plus le palais.

Le final est plutôt court, toujours sur les épices et sans apporter grand chose d’autre si ce n’est une belle persistance et un gout qui reste quelques instants, avec un timide retour des fruits secs.

Un rhum qui reflète peut-être les goûts de l’époque, en tout cas celui imposé par les négociants/assembleurs. Un nez qui fait le minimum mais qui le fait quand même, une bouche simple avec un peu de caractère et une fin timide. Pas très riche ni complexe. Note: 71

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

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