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Le rhum Madkaud aurait fait son apparition en 1895 par l’intermédiaire de Félicien Madkaud, qui décide alors de racheter une sucrerie et de la reconvertir en distillerie de rhum agricole. L’habitation devient rapidement le poumon économique de la famille et permet même à son propriétaire d’étendre la prospérité à ses frères et sœurs restés au Lorrain. L’ainé de la fratrie, Augustin, ouvre à son tour une distillerie à «La Dupuis» en 1906, suivi de Félicien (fils) à Macédoine en 1920, et Louisy à «La Digue» en 1924. Il y aurait aussi, d’après la tradition orale familiale, au moins une unité supplémentaire au Prêcheur. Soit au total, cinq ou six distilleries, principalement de petites tailles, et qui feront surtout ressortir deux rhums assez différents mais rattachés au même patronyme : le rhum Madkaud, créé et produit au Carbet dès 1895, et le rhum La Digue créé et produit au Lorrain à partir de 1924.
La dernière distillerie cessera définitivement de fumer dans les années 60 ; les livres ne mentionnent que très rarement ces distilleries, et pour cause, le rhum était la plupart du temps expédié en vrac et mis en bouteille sous l’appellation « rhum de Martinique ». La logique de marque n’était pas encore très répandue, laissant libre court à l’imagination des négociants de l’époque en métropole.
C’est ainsi que le ‘rhum Madkaud’ disparait quasi totalement du marché, et son contingent vendu à un tiers (à Saint-James, qui en devient dès lors le producteur). La distillerie du Lorrain ‘La Digue’ continuera néanmoins à s’occuper de la réduction du rhum à 50° et de la mise en bouteille sur la propriété familiale, avant de s’éteindre quelques années plus tard pour cause de rentabilité.
C’est à partir de cette époque que Madkaud passe d’un rhum de distillerie (produit par ses propres infrastructures), à ce que l’on appelle plus communément un rhum de marque (à l’instar de beaucoup d’autres marques qui perdurent ainsi aujourd’hui: Clément, Bally, Hardy, etc..), en se fournissant depuis cette date chez Saint-James. L’image de marque perdra forcément malgré la présence du rhum La Digue dans les années 70/80, consommé localement et très peu distribué.
Dans les années 90, suite au dé-contingentement du marché local, les choses bougent et le rhum prend un peu plus de place sur le marché, et atterri dans le circuit de la Grande Distribution. Et ce n’est qu’en 2006/2007, après 40 ans de sommeil, que la marque ‘Madkaud’ resurgit du néant sous l’appellation « Héritiers Madkaud », lancé par Stéphane Madkaud. D’après ce dernier, l’ancienne colonne aurait été intégrée à la distillerie St James ; Après renseignements, la colonne ne distille en fait plus, mais reste visible au Musée Saint James (référencée par son n° du SACI).
Madkaud sera donc successivement passée du statut de producteur (jusqu’en 60/70) à celui de négociant/marchand dans les années 80.
Madkaud rhum vieux / 43°
Un rhum sorti dans les années 80/90, et donc déjà produit par Saint-James, proposé ici à 43°.
La robe de ce Madkaud vieux est à l’image des moustaches de Félicien, brillante. D’un ambré soutenu tirant légèrement sur le cuivre, les jambes sont plutôt épaisses.
Au nez, le rhum mélange des notes confites et caramélisées (raisin, figue) et grillées, tout en légèreté. On y trouve un côté sec, de feuille de tabac séché, de vieux cuir légèrement caramélisé, et le repos lui apporte une note chocolatée très plaisante, tout juste épicée (muscade, gingembre).
La bouche est douce et sèche, et apparait plutôt concentrée pour 40°: sur les fruits secs, les épices (poivre) et une légère amertume (orange, zeste), astringence (herbe, feuille de tabac), et un peu de réglisse. Les fruits secs se mélangent aux notes fumées (tabac), pour une bouche plaisante et résolument poivrée. La fin de bouche est moyennement longue mais chaleureuse, assez sèche sur cette amertume et les épices qui réchauffent en toute fin, et persistent.
Un rhum plutôt simple mais agréable. Quelques degrés de plus auront sûrement eu la bonne idée de proposer une autre facette, mais les standards de l’époque étaient assez différents. Note: 78
Madkaud VSOP / 40°
La Cuvée Castelmore est issue d’un « minutieux travail de sélection opéré à partir des meilleures cuvées vieillies en fûts de chêne durant 4 ans à Sainte Marie (Saint-James) ».
Robe ambrée, tirant sur l’oranger, qui laisse se dessiner des larmes moyennes.
Au nez, le rhum est fruité, sur l’orange, et fait penser à du Bally. C’est assez sec sur un boisé assez jeune et quelques herbes fraîches, mais c’est bien l’exotisme qui persiste et qui fait voyager, à maturité et au delà.
La bouche est concentrée, mielleuse sur les fruits confits et chargés de soleil, de sucre: des orangettes, puis des épices vivifiantes et toniques, une légère amertume…si ce n’est pas du Bally, ça s’en approche beaucoup en tout cas. C’est bon, concentré et caractériel avec son lot d’épices, et garder le rhum en bouche est très interessant. La fin de bouche est moyennement longue, sur les réminiscences des fruits et des épices pour une finale sèche, mais toujours plaisante.
Un rhum au bon rapport qualité/prix, assez plaisant et aux allures de Bally (qu’il ne détrônera pas) . Note: 79
Madkaud blanc / 50°
La cuvée Castelmore en version blanc, toujours en provenance de Saint-James.
La robe est cristalline et huileuse.
Au nez, c’est rond et frais: ça fleure bon la canne fraîche, c’est élégant, sur les agrumes et le fruit mûr, tombé au sol et gourmand, mentholé. Ça caresse le nez et les sens, simple, mais qui fait le travail.
En bouche, l’attaque est douce et ronde, enveloppante et assez riche, sur l’anis et la canne fraîche, de l’astringence (herbes vertes), des agrumes acides (+zeste) et de la compotée de fruits mûrs sucrée. Le rhum devient de plus en plus amère et astringent, plus vert et épicé, pour une fin de bouche assez longue, fraîche mais asséchante, avec toujours sur cette astringence qui n’est plus très appréciable arrivé là, mais dans la continuité de la dégustation.
Un nez prometteur et une bouche sur l’amertume, et une utilisation sans doute plus adéquat en ti-punch qu’en dégustation pure? Note: 74
Voilà sans doute une marque plus plaisante historiquement que gustativement ; Les deux vieux sont très différents, et c’est à se demander ce qu’ils pouvaient avoir de commun avec un rhum d’époque, et historique. Et d’ailleurs, le saura t-on vraiment un jour ? Il manquera foncièrement un goût et une aura propre. La cuvée Castelmore se rapproche beaucoup d’un Bally, et apparait très différente du Madkaud des années 80 déjà produit par Saint-James.
On relance une histoire (très intéressante et riche) bien plus qu’un rhum, sans chercher à lui donner un certain goût du passé (et bien sûr ce n’est sans doute pas si simple), mais cela revient un peu, au fond du verre, à raconter une histoire en commençant par la fin…
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Le blanc n’est pas donné et avait pris la médaille d’or au rhumfest en agricole blanc. Je l’ai goûté qu’une fois mais je n’avais pas du tout compris cette récompense…