Sainte-Lucie

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Il existe à Sainte-Lucie une seule distillerie, la Saint Lucia Distillers Ltd, fondée en 1972 sur le regroupement (joint-venture) de Geest Industries et de la famille Barnard (distilleries situées à Roseau et Dennery). Successivement propriété de la famille Barnard, puis de Angostura et CL Financial, la distillerie a été rachetée depuis peu la le Groupe Bernard Hayot (GBH), déjà propriétaire des rhums Clément et JM.

La particularité de St Lucia distillers est de posséder une « distilling room », regroupant un cheptel impressionnant d’outils distillatoires : une double-colonne continue en acier et cuivre (Coffey still), produisant un distillat à 95°, deux pot still John Dore en cuivre (de 660 et 6000 litres), et un alambic Vendome de 8000 litres, pour un distillat qui sortira cette fois à 82° pour un rhum plus complexe, et plus lourd (heavy).

La mélasse utilisée provient du Guyana et de République Dominicaine, avec le pari fou depuis quelques années, de replanter de la canne à sucre à proximité de la distillerie, dans le but de sortir une série très limitée de rhum agricole (pur jus). Espérons que le récent rachat par GBH permettra de mener à bien -et à terme- ces projets pour le moins intéressant.

 

 


 

 

 

Chairman’s Reserve / 40°

Un assemblage de rhums de colonne (en grande majorité) et de pot still, avec une moyenne d’âge de 5 ans.

Robe dorée/paille, huileuse et bien brillante.
Le nez est très doux et crémeux: sur un fruité caramélisé, sur les agrumes (orange, citron), la banane, de la vanille, et un peu de cuir ; du gingembre et de la cannelle pour les épices, dans une ambiance résolument mielleuse et gourmande, avec juste ce qu’il faut de richesse pour donner envie d’y tremper les lèvres.

L’attaque est très (trop?) douce, huileuse et assez simple, mais devient progressivement chaude et épicée : sèche et astringente, mielleuse, on y trouve beaucoup de cannelle et une touche légère de poivre blanc.

La fin de bouche est plutôt courte, avec du poivre, et toujours ce coté crémeux, caramel et vanille, qui rend l’expérience assez simple.

Un rhum d’entrée de gamme efficace mais qui manque assurément de complexité et de puissance en bouche. Tout de même un bel exemple que ce que un rhum issu de pot stil peut donner de plus à un blend. Note : 80

 


 

Concernant la série des rhums « 1931 »
Elle célèbre l’inauguration d’une distillerie en février 1931 dans la vallée Mabouya, proche de Dennery à Sainte-Lucie. Une distillerie fondée par Denis Barnard qui produit du rhum jusqu’en 1972 quand la société St. Lucia Distillers fut formée, grâce au regroupement de la distillerie de Dennery et de celle de Roseau. Chaque nouvelle année est l’occasion de sortir une nouvelle carafe, un nouvel assemblage de rhum, que l’on peut différencier à la couleur de la collerette qui mentionne aussi l’anniversaire (80, 81, 82, 83).

 


Saint Lucia 1931 1st Edition / 43°

Assemblage de rhums issus de la double colonne continue (Coffey still) et d’un des alambics de la distillerie, millésimés 1999 et 2004, et âgés de 7 et 12 ans. Ont été utilisés 7 fûts de chêne américain (Jim Beam, Jack Daniels et Buffalo Trace) et 2 fûts de Porto pour le process de maturation.

Un rhum ambré/oranger, et une robe grasse et d’épaisses jambes.
Le nez est très riche, sur des raisins caramélisés, flambés, de l’abricot sec et de la banane séchée, mais aussi de la noix de coco grillée et de la vanille, pour une odeur très plaisante et surtout très aromatique, en plus d’être gourmande (pâtissière). Le repos lisse un peu plus les arômes, avec du miel, du cacao et du tabac, en plus de cannelle et de curry. Le rhum est légèrement astringent, âpre, avec une touche de plastique ? Et avec l’impression d’être à mi-chemin entre un Demerara et un jamaïcain.

En bouche, l’attaque est douce et plutôt huileuse, et même mielleuse. Plutôt sèche et astringente, elle mélange les fruits, confiturés, vanillés, à des notes boisées assez présentes mais fines, et une belle dose de tabac et de réglisse. Une bouche toujours très aromatique (à l’instar du nez), avec aussi du chocolat et de la cannelle, et un coté rafraichissant apporté par des agrumes (zeste), presque iodé. La fin de bouche est longue et persistante, sur le fumé (tabac) et les fruits confiturés (abricot), légèrement salés.

Un rhum qui fait la part belle à ces deux mondes que sont la distillation de colonne et celle d’alambic à repasse, avec une puissance aromatique naturelle et très plaisante. Note: 83

 

 



Saint Lucia 1931 2nd Edition / 43°

Pour cette deuxième édition, on a 3 millésimes différents (2004, 2005 et 2006), avec des rhums âgés de 6, 7 et 8 ans. Dans le lot, un rhum distillé uniquement via la double colonne Coffey Still, un autre issu uniquement d’alambics, et enfin un assemblage  50/50. Une fois le tout mélangé, tout a été remis en fût américain pour une période de 3 mois avant embouteillage.

Robe encore plus huileuse et grasse que la première édition, la couleur est aussi plus soutenue, ambré foncé tirant sur le bronze.
Au nez, c’est plus classieux, toujours sur les fruits : pêche, ananas, pomme et banane, de la vanille et de la noisette et un boisé plaisant et bien maitrisé. Pas d’astringence ici, c’est sûrement la plus grande différence avec la première édition, qui peut surprendre et voir écœurer à la longue. On a un rhum bien équilibré dans l’ensemble.

En bouche, c’est doux, huileux et concentré, et une fois encore bien équilibré. On se retrouve avec un mélange de fruits vanillés et caramélisés (banane), légèrement grillés et épicés. Arrive un boisé fin et sec (légèrement piquant et incisif), des notes de tabac, de chocolat, et de mélasse. Un peu d’agrume et un léger coté acidulé plaisant. On a un rhum plus classique mais plus équilibré et auquel l’ajout de rhum potstill fait sûrement une belle différence. La fin de bouche est longue, sur le chêne caramélisé, des fruits secs (raisin) et de la vanille, et du tabac (légère amertume).

Un rhum qui apparait mieux maitrisé que la première édition. Ici le rhum est plus équilibré et fait la part belle à un rhum plus riche (postsill). Note: 85

 

 


Saint Lucia 1931 3rd Edition / 43°

Assemblage de rhums issus des 3 pot still (les 2 John Dore et l’alambic Vendome) de la distillerie, et de leur Coffey Still, âgés entre 6 et 12 ans.

Le seul de la gamme où le distillateur a volontairement ajouté du sucre : 12g/L selon les mesures de Wes sur son site The Fat Rum Pirate. Résultat… la meilleure vente de St Lucia.


Un rhum ambré foncé/orangé, très gras.
Au nez, on est toujours sur un registre de concentration aromatique, avec une belle présence de pomme (granny smith) qui ressort du verre, caramélisée, et ce petit côté fumé, mielleux, de cannelle, et toujours de la vanille. C’est très doux, sans accroche et plutôt plat ; on retrouve des fruits secs (raisins) plongés dans un bol de mélasse, et un petit côté rafraichissant, mais timide, presque mentholé. On est sur du classique, et le rhum apparait très crémeux, mais plus sur la mélasse que le caramel.

En bouche, c’est tout de suite très mielleux, assez sucré et très réglissé. Du chêne, du tabac, de la réglisse, des fruits secs… le tout apparait vraiment très sucré, avec néanmoins une touche rafraichissante qui fait du bien (menthe?), mais pas assez suffisamment pour contrecarrer tout ce sucre et cet écœurement rapide. Crémeux, pâtissier, gourmand voir écœurant, c’est très sirupeux ; heureusement une note iodée contre balance, mais là encore elle est bien seule. La fin de bouche est moyenne, fumée et fruitée (sec), et sèche (sucre?). Le goût sucré reste et assèche la bouche, demandant rapidement un verre d’eau..

Autant les deux premières éditions sont très intéressantes et plaisantes, autant celle-ci casse la magie de St Lucia. Pourquoi sortir un rhum qui ne ressemble en rien aux deux précédents ? pourquoi gâcher du bon rhum avec autant de sucre ? Note: 76

 

 



Saint Lucia 1931 4th Edition / 43°

4ème et dernière édition célébrant cette fois le 83éme anniversaire des rhums de Sainte-Lucie. Pour cette nouvelle édition, la distillerie a mélangé dans son assemblage du rhum agricole, le premier à être produit sur l’ile depuis les années 30.

Concernant le contenu de cette nouvelle carafe, la distillerie n’est jamais avare d’information : ce nouvel assemblage comprend 89% de rhum de mélasse (dont 46% de colonne, 11% de blend colonne/alambic et 32% de rhum issu d’alambic à repasse) et 11% de rhum pur jus (agricole). Des rhums allant de 7 à 15 ans d’âge. Le rhum agricole est âgé de 6 ans, et issu de leur alambic John Dore. Le vieillissement est fait à 94% en fut de bourbon, et à 6% en fut de Porto.

Ambré oranger, jambes larges et robe huileuse.
Au nez, c’est plus fruité que les 3 précédents : fruits exotiques, mangue, orange, cannelle, et plutôt très classieux. On semble encore avoir franchi une étape supplémentaire par rapport aux deux premières éditions (le 3ème est à oublier) : on a ici un rhum au nez très élégant et épuré, complexe et très bien équilibré. On retrouve du zeste de citron, qui se marrie à merveille aux fruits exotiques qui se font secs, avec un élégant caramel qui flatte les fruits et les sublimes, et des épices chaleureuses (cannelle).

En bouche, le rhum apparait doux et mielleux, se rapprochant plus de la 3ème édition mais avec moins cet aspect sucré et dérangeant. C’est une nouvelle fois assez riche, sur les fruits confits, un chêne légèrement brûlé, de la réglisse et du tabac, avec ce voile fumé qui flotte en bouche, et des épices. La fin de bouche est longue, plutôt sèche, sur les fruits mélangés au tabac.

Le meilleur des 4 ? Sûrement celui qui plaira le plus en tout cas ; Après un test maison, il s’avère que cette édition est elle aussi sucrée (entre et 4 et 8gr/L). Interrogée à ce sujet, la distillerie a confirmé l’ajout, dans une « moindre » mesure que l’édition N°3, et avec la même idée d’en vendre toujours plus (plus vite). Note: 86

 

 

Il est très plaisant de pouvoir comparer ces 4 éditions de la série « 1931 », et de voir les évolutions et les différents tests dans les assemblages. On remarquera aussi que les deux dernières éditions sont marquées par un ajout volontaire de sucre, soit disant pour voir la réaction du public. Un ajout qui n’aurait pas du se répéter mais qui le sera tout de même sur le #4. Nous verrons par la suite la direction que souhaite vraiment prendre la distillerie avec ses prochaines sorties : proposer un rhum authentique et sans ajout, ou un produit facile d’accès et sucré.

Il y a quelques semaines, nous apprenions le rachat de la distillerie par le Groupe Bernard Hayot (GBH), déjà propriétaire des marques Clément et JM, avec des plans déjà annoncés d’agrandissement et de modernisation.

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

Comments
8 Responses to “Sainte-Lucie”
  1. Cyril dit :

    Mais ce n’est pas censé être interdit l’ajout de sucre, pour pouvoir porter l’appellation « rhum » ????????

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    • cyril dit :

      Hello Cyril
      oui et non, tout dépend de son utilisation, de la quantité voir des réglementations selon l’endroit où tu te trouves. comment ça c’est compliqué ? :p 😉

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      • Cyril dit :

        Ok. Merci pour ta réponse…alambiquée ;-p (déformation professionnelle ??) ;-p
        Par contre, pour « nos » rhums des DOM-TOM ayant une appellation, c’est bien interdit ???

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        • cyril dit :

          tout dépend du producteur et de son interprétation du réglement en fait, donc c’est loin d’être simple… 🙂


          Interrogé sur le sujet, Madame Claudine Neisson-Vernant, actuelle présidente du syndicat de défense de l’AOC, confirme très rapidement que « le cahier des charges de L’AOC Martinique interdit strictement d’ajouter du sucre ou d’aromatiser ou d’épicer (le seule possibilité étant d’avoir moins de 2% de degré d’obscuration (contre 4 % par le passé comme d’autres eaux de vie) ».

          certains producteurs estiment que ce % d’obscuration peut etre du sucre, mais cela n’engage que eux

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          • Cyril dit :

            Mouais. Merci pr cet « éclaircissement »…(oui, je suis contre l’obscuration ! 😉 ou alors, uniquement la naturelle…)
            Bref, ce sont surtout les filous qui pensent y avoir droit….mais je ne vais pas relancer le débat ouvert après tes articles « saccharhum », même s’il est bon, je pense, de rester vigilant sur ceux qui rajoutent du sucre (et qui s’en cachent) et de l’indiquer qd on a l’info (ou des doutes….). Et sur ça, je pense que l’on peut compter sur toi 😉
            @+

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  2. Guiom dit :

    Bonjour,
    merci pour cet article qui comme toujours est complet et détaillé… un régale.
    Pourriez vous éclaircir ce qu’un un « pot still » dans le rhum (je connais ce terme pour le whisky avec l’utilisation d’orge malté et non malté) mais je n’arrive pas à le retranscrire dans le monde du rhum…!
    Merci d’avance!

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    • cyril dit :

      Merci Guiom
      un pot still est en fait le terme anglophone utilisé pour parler d’alambic à repasse, utilisé dans le monde des spiritueux. C’est la méthode de distillation la plus traditionnelle, ancienne, et la plus longue/complexe à mettre en œuvre (une distillation discontinue, en opposition à la distillation continue)

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  3. laurent dit :

    Salut

    Intéressant cette comparaison des différentes versions. Et effectivement c’est inquiétant de voir qu’ils se mettent au sucre…. j’avais lu le même genre de remarques sur thefatrumpirate.

    Je ne connais que la 2ème édition, que je viens de re-goûter ce soir du coup : j’avais moyennement accroché la première fois, j’y ai pris beaucoup plus de plaisir aujourd’hui. Je l’ai trouvé équilibré et assez riche: boisé, tabac mais plein d’autres choses, bref assez complexe et réussi.
    La 5ème édition sera-t-elle un chef-d’oeuvre ou une décevante rentrée dans le rang des rhums trop adoucis? à suivre…

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