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Tour de Bielle
Voici un premier tour de dégustations croisées de rhums en provenance de la distillerie Bielle (Marie-Galante). 1er tour car il y en a bien d’autres, entres les embouteillages officiels et ceux proposés par des embouteilleurs indépendants, il y a de quoi se faire plaisir, et se régaler, mais toujours avec modération.
Pour ce qui est de l’histoire de la distillerie, nous y reviendrons -peut-être- prochainement au détour d’un entretien, à la condition que les gérants trouvent suffisamment de temps pour répondre aux nombreuses questions déjà envoyées (et vu le nombre, c’est un challenge). Je dis peut-être car depuis la publication de quelques tests (sur l’altération) de différents rhums agricoles (dont La Favorite, Bielle et Reimonenq), le silence s’est installé, durablement. Nous y reviendrons de notre coté, un jour ou l’autre, avec un article Saccharhum, mais cette fois dédié à l’agricole (le 1er étant orienté mélasse). En attendant, ces tests sont consultables sur la page FB depuis plusieurs mois déjà.
Dans le cas de Bielle, ont été testés 4 rhums, dont 3 (deux rhums vieux des années 80 et le millésime 2003) contiennent de 5 à 20gr/L de sucre, et un autre (le Velier MG) négatif. Sucre sous forme de caramel? d’une macération (sauce) secrète ou ancienne? aucune certitude à part le fait de l’altération, et que celle-ci ait vraisemblablement lieu après vieillissement. Certains taux dépassant, de loin, une limite que pourraient s’autoriser certains via une lecture somme toute personnelle des textes et règlements européens.
Dans tous les cas, une demande sera envoyée à chaque producteur, bien en avance, pour leur demander clairement leur positionnement, et afin d’être le plus précis possible dans les propos ; libre à eux de répondre pour informer le consommateur, ou pas.
Bielle 2006
Un rhum vieilli 4 ans en fût de bourbon, affiné un an en fût de cognac, et ensuite mise en bouteille sans filtrage.
Une robe huileuse, à la couleur or, plutôt pâle, et des jambes très grasses pour ce rhum millésimé.
Le nez est léger et végétal, plutôt élégant avec beaucoup de fruits à chair blanche et des épices douces (cannelle), de la vanille. On y retrouve plus en détail de la pomme, de la poire et de la canne à sucre, et un fin boisé. L’ensemble est assez simple sans être très complexe. Au repos, du pain d’épices et du chocolat apparaissent.
En bouche, l’attaque est très douce et souple, sur les fruits mûrs (ananas) et craquants, la canne et les épices. Belle souplesse en bouche où les fruits vont et viennent, délicatement relevés par les épices et le chêne. La fin de bouche est moyennement longue et agréable, sur les épices (poivre, piment).
Un rhum simple à la bouche très souple, qui pourra décevoir du fait du faible degré qui ne rend pas forcément service ici ; trop dilué à mon goût. Note: 76
Rhum vieux Hors d’Âge / circa 80 / 42°
Ce rhum sorti dans les années 80 par Bielle à vieillit durant 7 ans.
Couleur or très brillant, robe huileuse avec un léger dépôt (surement un rhum non filtré), et quelques bulles en surfaces.
Un nez magnifiquement fruité qui rappelle des vins de dessert, gorgé de sucre et de fragrances ensoleillées. De la banane, de l’ananas, de la vanille, de la cannelle ; Le nez évoque le voyage dans les îles, appelle à une dégustation imminente, et fait saliver. Une odeur d’olive (à la Caroni) grandit dans le verre et joue à cache cache avec les fruits exotiques pour un très bel effet.
En bouche, le rhum est onctueux (visqueux?), sur les fruits et rapidement sur l’olive et les épices. Du végétal (herbe) et encore les fruits, mûrs et sucrés, caramélisés. La fin de bouche est longue, avec un retour des fruits exotiques et des épices en sortie.
Un superbe nez et un rhum (très) gras en bouche, très loin du 2006 par exemple, et comme si les rhums de Bielle avaient l’habitude d’être plus gras et fruités à une certaine époque. Peut-être un changement au niveau des fûts ou de recette. Note: 84
Bielle Hors d’Âge / 42°
Un hors d’âge cette fois en carafe, âgé de 10 ans.
Une couleur ambrée, une robe brillante et grasse, et des jambes gourmandes.
Au nez, un rancio déstabilisant, une odeur de fruit âcre, qui a passé les limites de consommation. Un côté végétal (herbe), vert, pour un style différent des autres rhums de chez Bielle. Le repos améliorera le nez, lui apportant des notes empyreumatiques, de fruits rôtis (abricots), de caramel, d’épices grillées, de bois de santal.
La bouche est huileuse et chaude, toujours sur ces notes grillées (abricots rôtis), les épices (cannelle), de la réglisse et du sucre. L’impression de boire un sirop au rhum. La fin de bouche est moyenne mais persistante, sur les notes de réglisse et d’épices.
Un rhum qui commence de manière assez étrange au nez, mais qui se poursuit avec les habituelles notes empyreumatiques, de fruits et d’épices, avec toujours cette sensation épaisse en bouche, fruitée et sucrée. Note: 82
Bielle 1994-2008 / 49,8°
14 ans pour cette carafe et un ‘brut de chais’ à 49,8°. Il ne s’agit pas de la carafe carrée ‘de luxe’ mais d’un premier embouteillage plus classique.
Un rhum ambré, tirant sur le cuivre, à la robe grasse et très brillante, joli disque. Les gouttelettes qui se forment prennent un temps fou à retomber, c’est beau.
Au nez, on retrouve cette odeur pesante, mi-rancio mi-herbes vertes, un côté végétal qu’on a tendance à perdre avec l’âge mais qui reste bien présent ici, une note tubéreuse. Au delà, des notes empyreumatiques, de la tarte à l’abricot, rôtie et forcément caramélisée, des épices (pain d’épices), et du chocolat.
En bouche, c’est chaud et toujours grillé, onctueux avec pas mal de réglisse et de cannelle, de fruits secs grillés. Un boisé ancien, du chêne de vieux meuble. Une bouche ample et savoureuse, riche et complexe. La fin de bouche est longue, persistante, sur ces notes boisées et épicées (réglisse, chêne, cannelle). Le verre vide est une ode à la réglisse, au zan de notre enfance.
Le fort degré réussit très bien à ce millésime, délivrant suffisamment d’arômes et de gras pour marquer le coup d’une grande dégustation. Note: 88 (photo non contractuelle)
Bielle 1994-2011 / 52°
Un autre 94, plus vieux de 3 ans que la carafe du dessus, et toujours brut de fût. le rhum ‘haut de gamme’ de Bielle, avec le prix qui va avec.
Robe ambrée foncée/soutenue, magnifique liquide brillant, huileux à la couronne fleurie de larmes.
Au nez, on retrouve cette extase exotique qui donne une tout autre dimension aux rhums de chez Bielle, et que l’on retrouve dans les embouteillages des années 80 (hors d’age circa 80), on voyage dans des champs de fruitiers, au milieu des manguiers, des bananiers, des ananas, et où chaque fruit est gorgé de sucre et devient confit. A l’instant suivant, on est délicatement installé dans un endroit cosy, dans un chalet où fume un pain d’épices, entouré de vieux meubles à la senteur centenaire. Très belle complexité, un rhum mielleux et confit, et des notes grillées très fines, d’une justesse à trancher au couteau…
La bouche est vivifiante, les 52° parlent et c’est le boisé qui prime dans un mélange huileux et chaleureux qui accroche au palais : onctueux et tonique, sur le confit et le vieux bois, la réglisse et les épices chaudes (cannelle, poivre blanc). Si le nez avait fini de nous bercer dans une douce rêverie, la bouche nous révèle un tempérament bien trempé et un rhum mordant et épicé, qui restera longtemps en bouche, sur une longueur et une persistance infinie.
Magnifique rhum de Bielle à tout juste 17 ans ; un nez confit et empyreumatique magnifiquement bien équilibré, tout en justesse, et une bouche qui offre du mordant pour une mort lente qui appelle à la prolongation. note: 93
Tour de l’Or / 55°
Un des rhums sélectionnés et embouteillés par Chantal Comte, directement à la distillerie.
Couleur paille, très claire à la robe huileuse.
Au nez, on retrouve un rhum végétal, sur la canne, les agrumes (zeste), frais et bien différent des autres Bielle ; un boisé léger et sec, vanillé, et des épices qui vous réchauffent les narines, et un côté mentholé salvateur. chocolat blanc.
En bouche, c’est huileux et très aromatique, sur les agrumes (zeste, pulpes de pamplemousse, de citron), la citronnelle, les fruits exotiques (banane verte), et encore cette menthe qui donne une bouche très rafraichissante et, disons-le, exquise! On retrouve un coté sève de pin, pour un rhum hyper rafraichissant et riche. La finale est longue est toujours aussi rafraichissante, sur la sève de pin et des épices douces.
Un rhum surprenant, avec une bouche ample et moelleuse, très fraiche sur les agrumes, marqué par des épices et un boisé résineux. Encore une très belle sélection de Madame Comte, qui nous propose là un Bielle qui ne ressemble à aucun autre. Peut-être le genre de rhum ‘naturel’ que peut proposer la distillerie? Note: 91
Tour de l’Or 2001 / 58°
Une autre sélection de Madame Comte, millésimé (2001) et âgé de 7 ans et embouteillé brut de fût.
Couleur ambré, robe huileuse et collante.
Au nez, on retrouve la patte Bielle, des fruits rôtis et des épices (pain d’épices, cannelle) avec de l’abricot ; le nez est légèrement piquant, et à 58° mieux vaut prendre ses distances. L’olive noire, au bon souvenir des rhums Caroni est là aussi pour un rhum Bielle fière et conquérant.
L’attaque est saisissante et concentrée, sur l’olive, les fruits et rapidement une amertume apporté par le fût (chêne), des épices chaudes et piquantes (piment). La fin de bouche est longue avec une persistance qui n’a d’égale que le degré du rhum. Ça dure longtemps et se termine sur les épices.
Un rhum où l’empreinte du fût est bien présente, apportant une légère amertume et une fin de bouche relativement sèche à un rhum hyper concentré. Note: 88
Bielle propose des rhums qui peuvent satisfaire tout le monde, et a surtout la merveilleuse idée (et avant beaucoup d’autres) de proposer des bruts de fût, délivrant une richesse aromatique qui aura depuis mis d’accord nombre d’amateurs. De l’excellence, de la maîtrise et quelques secrets bien cachés font d’elle une des distilleries préférées de nos papilles.
Encore très accessible il n’y a pas très longtemps, leurs prix ont littéralement explosé, laissant sur le carreau nombre d’entre nous, sans réelles explications… mais après tout, nous ne sommes que de simples consommateurs. La premiumisation semble en marche, même ici.
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Merci pour ce comparatif!
Mon tour de l or bielle indique 56.6
Salut Cyril
56,6° ? pas trouvé un tel degré sur
http://www.reference-rhum.com/spip.php?page=recherche&recherche=chantal+comte
un fut différent peut-etre si tu as des photos… 😉
pas MG?
est 100% bielle..:-)
pour le second round 😉
100% bielle et 100% naturel
Je t ai envoyé une photo en MP sur le forum whisky et distillerie
Ça correspond bien à la distilerie bielle à marie galante.
Salut Cyril
Merci pour la photo 🙂
en effet il a plusieurs titrages différents, surement issus de plusieurs fûts 🙂
Bonjour Cyril,
comme toujours, excellent article !
Je suis arrivé à Bielle grâce aux PMG high et full proof, depuis je les collectionne (selon mon budget). 🙂
Quelques questions pour toi :
– Est-ce que la version hors d’âge des années 80 est encore trouvable ? A la distillerie peut-être? Mes recherches n’ont rien donné.
– Quel est le millésime de la seconde version du hors d’âge? 98 ou 2004? Il me semble avoir lu que la 98 était nettement au-dessus.
– Enfin, aurais-tu des informations sur le millésime de la Tour de l’or 55°? 2002?
Hello Julien
cette version des années 80 était encore trouvable il y a quelques mois, autour de 60€, mais ça va tellement vite…
le hors d’âge ne mentionne pas le millésime sur la carafe, il s’agit donc d’un assemblage de différents millésimes. Pour d’autres infos sur les rhums de Bielle je t’invite à visiter Référence Rhum à cette adresse :
http://www.reference-rhum.com/spip.php?page=recherche&recherche=Bielle
Pour le reste il faut que je m’organise une seconde session Bielle avec le reste (Tour de l’Or, embouteillage des années 80, Velier,..)
Bonjour Cyril,
Je ne comprends pas trop pourquoi une telle note (84) sur le circa 80/42° pour un rhum qui affiche 12g de sucre.
Bonjour Marc,
la note n’est pas basé sur le taux éventuel de sucre mais sur la dégustation dans sa globalité. Malgré le taux annoncé, la sucrosité n’était pas présente ni ne modifiait le profil du rhum jusqu’à le rendre quelconque (en tout cas pour moi). De plus, je n’ai pas procédé à un test en laboratoire pour confirmer la mesure faite à l’aide de mon densimètre (le taux peut correspondre à du sucre, mais aussi à une éventuelle extraction de bois (plus sur les très vieux rhums) ou même une erreur dans l’affichage du degré alcoolique de la part du producteur)