Bacardi

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Bacardi | l’empire

Côté historique, on ne présente plus Bacardi, fondée par Facundo Bacardí Masso à Santiago de Cuba le 4 février 1862 ; tous les médias regorgent de détails plus ou moins croustillants sur cette saga. Côté production, c’est un peu moins précis, mais on sait qu’en 1862 Don Facundo Bacardi et son partenaire de l’époque (José Bouteiller) achètent la distillerie Nunez à Santiago de Cuba, isolent une souche de levure (qui serait toujours utilisée aujourd’hui), et distillent leur premier rhum via un vieil alambic (distillation discontinue) de fabrication anglaise muni de plaques et rectification, avant de filtrer le produit fini.

C’est en 1911 que Bacardi met à l’arrêt son vieil alambic après près d’un demi siècle de loyaux services ; fabriqué de « cuivre et de fer », il produisait alors 35 fûts de mélasse fermentée par jour. Il sera remplacé par une double colonne plus moderne de type Coffey: alors toute récente dans le monde de la distillation, il s’agira de la toute première colonne de ce genre à Cuba, et la petite histoire raconte que la compagnie aurait été si contente de la pureté et la légèreté du rhum ainsi nouvellement produit qu’elle aurait décidé de complétement cesser d’utiliser des alambics. La machine est lancée, faisant déjà de Bacardi un acteur à part entière dans la production de rhum. Après avoir acquis une certaine assise et suite à l’instabilité politique de son pays, Bacardi transfère ses activités dès 1958 à Puerto Rico (San Juan), l’occasion de prendre cette fois une plus grosse ampleur internationale. Avec le temps, la distillerie de San Juan devient le centre des toutes dernières technologies, et rapidement la double colonne Coffey ne répond plus aux souhaits d’expansion des distilleries, laissant place aux Colonnes Multiples, outils parfaits pour épuiser le rhum à le rendre encore plus léger que léger. Bacardi installe une quadruple colonne rectificatrice et passe ainsi dans une nouvelle aire, celle de l’industrialisation afin de répondre à une demande en constante augmentation. A l’image de tant d’autres distilleries, Bacardi aura dû s’adapter au fil de son histoire, délaissant des méthodes traditionnelles qui ne pouvaient plus suffire à son envie d’expansion.

Aujourd’hui, Bacardi possède de nombreuses distilleries implantées un peu partout et vend plus de 180 millions de litres de rhum chaque année ; de quoi comprendre un peu plus le côté industriel de cette marque que tout le monde ne cesse de vendre via son histoire sans malheureusement jamais ne s’attarder sur la production en elle-même et les caractéristiques de ses produits. C’est pourtant un minimum car c’est bien le rhum qui se boit, mais beaucoup préféreront sans doute continuer à vendre du rêve au lieu de parler réalité, et faire croire que le Bacardi d’aujourd’hui est encore meilleur que l’ancien, les prouesses technologiques sûrement…

 

 


 

L’empire Bacardi | dater le temps

Les photos ci-dessous donnent un aperçu des changements survenus à travers le temps, en plus d’une aide précieuse à la datation, même si selon d’autres sources elles ne collent pas tout à fait à la réalité. A utiliser avec parcimonie donc.

Ci-dessous des notes de dégustations de plusieurs époques, des années 40/50 jusqu’aux années 2000, via des bouteilles et mignonnettes fraichement ouvertes et aux niveaux parfaits. L’occasion de peut-être y déceler des changements et des différences liés entre autre aux outils de distillation.

 

 

Bacardi Facundo Paraiso / 40°

Voici une des bouteilles de la collection ‘Facundo’ lancé en 2013 par Bacardi pour rendre hommage à Don Facundo Bacardí Massó (en permettant au master blender de piocher dans « les réserves de rhums privées de la famille »), mais aussi pour se positionner sur le secteur tant porteur des rhums ‘premium’.

Dans cette collection: Facundo Neo, un assemblage jusque 8 ans filtré au charbon, Facundo Eximo (assemblé avant le vieillissement), Facundo Exquisito (rhums de 7 à 23 ans d’âge finis en futs de Sherry), et ce Paraiso qui est ni plus ni moins qu’un  assemblage des rhums « les plus fins et les plus remarquables de la réserve privée de la famille Bacardi ». Ainsi, cette carafe aurait la plus forte concentration de rhums vieux, finalisé en fûts de Cognac XO français dont certains ont plus de 60 ans. La marque parle de rhum allant jusque 23 ans dans l’assemblage. Carafe ‘limitée’ à 2000 bouteilles, nous testerons ici la A578/2000.

 

La robe est acajou et très brillante, les jambes sont épaisses pour un rhum d’apparence très huileuse.
Au nez, c’est très léger, subtil. Pas d’explosion aromatique, nous restons de toute manière sur un rhum de style cubain et pas franchement expressif. Un boisé fin et légèrement grillé, accentué de notes de vanille et de caramel, de mélasse, avec un peu de réglisse. Très simple et timide, un poil sur l’alcool, et très plat malgré les épices (muscade, cannelle) et les fruits secs (raisin, amande grillée, cerise). Un rhum qui ne bouge pas beaucoup, que certains qualifieront peut-être de ‘très classieux’, mais qui au fond est assez rapidement ennuyant.

La bouche est huileuse, moelleuse même, très douce et très sucrée : point de chêne trop présent, il est au contraire fondu dans une bonne dose de caramel et de vanille, donnant un effet gourmand (et assez sucré) en bouche. On est sur le chocolat au lait, le massepain, les fruits secs (raisin) et la cerise, et toujours le caramel, et un chêne légèrement fumé. Les épices arrivent mais timidement, pour une fin de bouche très courte, cassée par le sucre mais dans la continuité du rhum : tout en douceur, sur le caramel et les épices (cannelle). C’est chaleureux mais ça manque cruellement de longueur et c’est très asséchant.

Un rhum qui plaira aux amateurs de profil sucré… 17gr/L de sucre ça peut paraitre moins que les concurrents, mais ça se ressent beaucoup au final, encore plus sur un rhum déjà bien épuré en bout de distillation. Pour le prix mieux vaudra passer son chemin. Note: 59

 

 


 

 

Bacardi Anejo 70/80’s / 40°

 

Un ron ‘Extra Special’ âgé de 6 ans et qui date de la fin des années 70, début 80, distillé et préparé à Puerto Rico. Du simple, un ron sans prétention mais d’une autre époque et donc très loin du Bacardi actuel, vous vous en doutez.


Couleur d’un ambré très léger tirant sur l’or, pour un rhum d’apparence grasse.
Au nez, nous avons un rhum beaucoup plus riche que le Paraiso, plus ‘rhum’ et moins ‘liqueur’, et qui ressemble à un ron cubain : léger et sec, fruité (sur l’exotisme, banane en tête), avec de la cannelle et un nez riche qui laisse présager d’une bouche assez huileuse et gourmande. On y reconnait quelques herbes et une odeur métallique, du sucre candy dans une ambiance plaisante et légère, avec un boisé finement fumé et au final assez frais (ananas).

En bouche, le rhum est très huileux et assez rapidement gras, délivre une mélasse mélangée à de chaudes épices, ainsi que des fruits exotiques (banane, ananas). C’est très gras, avec une touche végétal plaisante qui englobe le palais entier. La fin de bouche est sèche, assez (très) courte mais plaisasympathique, et délivre quelques épices (poivre).

 

Un ron simple au nez métallique/exotique et à la bouche grasse et tout aussi simple, mais efficace et surtout sans artifice. En ça bien mieux que le Paraiso, mais pour le coup assez difficile à retrouver aujourd’hui. Note: 76

 

 

 


 

 

Bacardi Carta de Oro 40/50 / 40°

Un rhum ambré ? En tout cas un petit bout d’histoire pour ce ron en provenance de Santiago de Cuba et qui date des années 40/50, et donc de la période pré-Castro. En contrebas de l’étiquette il est stipulé « declarado puro y sin mezcal de alcohol amilico », faisant référence à une analyse en laboratoire à Madrid pour garantir la pureté du produit. Un ron qui aurait été distillé via une colonne Coffey, un morceau d’histoire on vous dit…

Sous la pellicule en étain et la fine rondelle de liège se dévoile une robe ambré brillante et orangée pleurant de chaudes et épaisses larmes.
Au nez, le rhum apparait léger et aromatique, sur des fruits secs caramélisés (raisin, figue), de la noix et une mélasse légèrement grillé et des notes fines de tabac. L’alcool est vif mais l’ensemble classieux avec des épices (cannelle) qui chatouillent le nez, et de la vanille qui flatte les notes les plus sèches. Avec le repos, les notes de noix ressortent considérablement, pour un nez bien fait et équilibré.

En bouche, le rhum est huileux et propose une belle richesse aromatique, harmonieuse et équilibrée ; il offre une belle concentration entre des notes de fruits secs caramélisés, un boisé finement grillé et de la réglisse qui se développe progressivement en bouche, accompagné d’épices douces, de muscade et de poivre, et toujours de la noix (avec une petite amertume). Belle concentration et belle équilibre. La fin de bouche est plutôt longue, et comme hantée par les notes sèches et épicées qui semblent continuer leur chemin, se terminant sur une note plus amère (cuir, herbes). Ça reste chaud dans la gorge mais équilibré jusqu’à la toute fin. Belle présence.

Un rhum de la période pré-Castro, sûrement distillé via une colonne Coffey, avec au final un rhum plus riche qu’à l’accoutumé, plus expressif et au style plus classique et surtout classieux (et pas très « léger » au final). En comparaison, le Anejo des années 70/80 ferait pâle figure, plus monolithique (et métallique). Un rhum qui se développe avec classe. Note: 84

 

 

 


 

Bacardi Carta Blanca 80 / 40°

Une Mini des années 80 pour le marché français, mise en bouteille sur autorisation de Bacardi & Company Limited, Nassau, Bahamas (Bacardi s’est installé aux Bahamas pour notamment pouvoir expédier du rhum hors taxe au Canada). Le terme « rhum léger » figure sur l’étiquette qui arbore le logo de la sécurité sociale, et le tout est importée par  Cusenier SA Paris.

 

Robe cristalline et huileuse qui laisse apparaitre d’énormes jambes collantes au verre. Imposante.
Au nez, c’est très (très) très léger, très sec et pour être sympa, épuré ? Des notes légères de sucre et d’anis, et rien de plus, ou peut-être de la menthe avec un côté frais qui se développe, mais qui ne va pas bien loin au final. Un ron puro.

En bouche, c’est moelleux, visqueux et excessivement facile. On a du sucre, de l’anis, du zan, avec un alcool très timide, à se demander si le rhum n’aurait pas souffert de la conservation. C’est sec sans grand intérêt (malgré la note rafraichissante d’anis). Plus on garde le rhum en bouche et plus il donne cette impression de laisser fondre un rouleau de zan, il manque juste de la puissance pour lui donner vie. La fin de bouche n’existe même pas, comme si le rhum était déjà reparti à ses origines.

 

Pas de note pour ce blanc, car des soupçons d’altération suite à une mauvaise conservation ; le niveau est pourtant très correct mais le rhum beaucoup moins, malgré du potentiel avec ses notes d’anis et de zan. A essayer avec une autre bouteille, un autre jour.

 

 

 

 


 

Bacardi Premium Black 80 / 40°

Un ron des années 80/90, cette fois embouteillé pour Bacardi International par Bacardi Allemagne (GmbH) situé à Hambourg. Le ron Premium Black passera ensuite à 37,5° avant de prendre le nom plus concis de Bacardi Black (toujours à 37,5) et principalement destiné aux cocktails (assemblage de rhums allant jusque 4 ans d’âge avec coloration), la gamme juste en-dessous du Anejo (assemblage jusque 6 ans). Il repassera aussi à 40% à l’occasion, ne rencontrant pas un gros succès.

 

Robe cuivrée orangée, brillante, grasse aux jambes filantes comme l’éclair.
Au nez, c’est toujours léger avec des notes de fruits secs caramélisés, et une note de fraîcheur prononcée d’herbe anisée. Le nez se fait plus exotique, et même médicinal avec une mélasse lourde et grillée, et même chocolatée. Pas très équilibré.

En bouche, c’est huileux et assez simple. Se mélangent des notes assez étranges et comme braisées (chêne), avec un peu de café, de chocolat et de mélasse, d’anis et d’ananas. La fin de bouche est moyenne et sèche,sur des notes sucrées, caramélisées.

Un rhum plutôt étrange, ni complexe ni équilibré. Note: 35

 

 

 

 

Un bilan mitigé pour les rhums dégustés durant cette session, même s’ il conviendra de pousser un peu plus loin la palette de rhums. Il en ressort la suprématie du rhum le plus vieux, vestige d’un temps résolu, avec le Carta de Oro des années 40/50 qui apparait comme étant le plus complexe et équilibré du lot, sans réelle concurrence. Et cela donne forcément envie de découvrir des rhums bien antérieurs, mais là il s’agit d’une toute autre histoire…

Les autres rhums feront pâle figure, du Anejo des années 70/80 jusqu’au rhum hyper sucré et hyper super méga premium Paraiso sorti en 2013, mais tellement impersonnel. Les acquéreurs de ce produit auront au moins la satisfaction d’avoir une belle carafe une fois le flacon vidé.

 

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon
Comments
2 Responses to “Bacardi”
  1. Nico dit :

    Les rhums distillés en colonne Coffey avaient déjà l’air bien meilleurs que ceux d’aujourd’hui, j’espère que tu pourras nous faire une mise à jour avec une dégustation d’un rhum pré-1911 ! 🙂

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