Demerara rhum

[ note : l’article a été modifié depuis sa première mise en ligne, notamment grâce à la précieuse aide de Stefanie Holt, merci à elle ]

On entend souvent parler de Demerara Rum, et pourtant peu de bouteilles portent ce nom, et pour cause : Le Demerara Rum ou Rhum du Demerara, tire son nom de la rivière du Demerara située au Guyana (ex Guyane Britannique).

La région du Demerara était (avec la Jamaïque), le principal pourvoyeur de sucre et de rhum de la couronne britannique. La région était si favorable à la culture de la canne, et les volumes produits étaient si importants, que le sucre de Demerara devint le sucre des anglais. Et de nos jours les anglais désignent toujours le sucre roux par « Demerara Sugar » (même s’il ne provient plus du Demerara). Des distilleries sont rapidement apparues à coté de chaque moulin à sucre. Ces dernières avaient comme fonction de valoriser les mélasses (sucres non-cristallisables, sous-produits de la production du sucre), qui étaient transformées en rhum pour être donné aux esclaves, pour servir de monnaie d’échange dans le triste commerce triangulaire, ou encore pour être vendu à la Royal Navy.C’est ainsi que toutes ces distilleries produisaient l’essentiel du rhum britannique, notamment destiné à fournir aux marins de sa majesté leur Tot (ration) quotidien.

En 1975, onze ans après l’indépendance du Guyana, pour des raisons politiques, toutes les distilleries du Demerara furent nationalisées et fermées pour être regroupées principalement dans une seule : la Diamond Distillery.

 

Quelques rhums du Demerara

Vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive de rhums qui utilisent du rhum Demerara ; certains portent le nom de l’alambic dont ils sont issus. L’un des plus célèbre étant « Port Mourant », un pot-still en bois, qui sert à faire le El Dorado 8, 12, 15 et 25 ans, ainsi qu’un rhum pour Vellier et un autre pour Berry Bros. L’alambic Enmore est également très célèbre. C’est le dernier coffey still en bois toujours en état de marche au monde. Le distillat de Enmore est également utilisé dans toute la gamme des El Dorado, ainsi que pour le rhum de Vellier du même nom.

Plusieurs rhums sont labellisés Demerara, certains depuis plus de 150 ans.
Les marques ci-dessous le proclament sur leurs étiquettes :

El Dorado
OVD (importé en Écosse en 1838 par George Morton)
Wood’s Old Navy
Lambs Navy (ils n’utilisent plus le terme Demerara sur leur nouvelle bouteille)
Watsons
Lemon Heart
Skipper
les rhums importés par Vellier (Enmore 1990, Albion 1983, Port Mourant 1993,..)
les rhums RUM NATION importés par Fabio Rossi (Rum Nation Demerara Solera N°14, Demerara 1985)
le rhum PLANTATION importé par Ferrand (Guyana 1999)
le rhum Port Mourant 30 ans, par Berry Bros
les rhums de Bristol Spirits en provenance du Guyana
le rhum L’Esprit Diamond de Whisky & Rhum

 

 

D’autres encore utilisent du rhum Demerara sans pour autant le clamer sur leurs étiquettes ; la raison en est simple : la distillerie Diamond est un des plus gros producteur des caraïbes, leur rhum est donc présent dans beaucoup de marques, et notamment :

Captain Morgan
Pussers
Pyrat
Ainsi que de nombreux rhums épicés (spiced rums)
du rhum est aussi vendu en quantité non négligeable à Antigua et Sainte-Lucie.


La Diamond Distillery (créée vers 1670) est donc actuellement la seule productrice de Rum du Demerara. Elle a conservée de nombreux alambics des autres distilleries fermées, et produit ainsi une grande variété de rhum qui portent le nom de ces anciennes distilleries (les alambics étant également nommés du nom de leur ancienne distillerie). L’essentiel des rhums produits à la Diamond distillery est destiné au marché de gros, et est revendus à des négociants. La distillerie exploite par ailleurs sa propre marque de rhum « El Dorado ».
[ la gamme de rhums El Dorado ]

Ces rhums de type britannique sont très lourds et chargés en éléments aromatiques ; Ils sont un ingrédient aromatique indispensable des rhums d’assemblage (un peu comme les whiskies d’Islay le sont pour les blends) et sont notamment l’ingrédient majeur des Navy Rum et Dark Rums si populaires en Angleterre.Ce caractère lourd, provient principalement du mode de distillation des ces rhums, produits à partir de très anciens alambics.

Plusieurs de ces alambics sont de véritables pièces de musée et existent depuis plus de 250 ans… Deux caractéristiques singulières des alambics donnent leur caractère lourd au distillat.

  1. l’utilisation d’alambics… en bois ! Plusieurs alambics de la distillerie sont toujours en bois. Or ce matériau est forcément biens moins neutre que l’acier ou le cuivre. L’interaction du bois, de l’air, des micro-organismes, et des éléments chimiques contenus dans le bois, contribuent forcément à charger ce rhum en éléments aromatiques.Le bois utilisé pour la fabrication et la restauration de ces alambics est un bois local dénommé « greenheart », qui a la caractéristique de bien résister à l’eau (on s’en sert pour faire les quais).
  1. L’utilisation de « retorts ». Le retort est une sorte d’étrange appendice, que l’on rajoute en sortie d’un alambic de type charentais. Les vapeurs de distillation, au lieu d’aller dans le serpentin pour se condenser, vont dans une autre bouilloire chargée de distillat (ou d’un mélange de mout et de distillat), et le font bouillir et se chargent encore en alcool et en arômes, et les vapeurs continuent leur chemin, soit vers un autre retort, soit vers le serpentin pour se condenser. Le reflux dans l’alambic est énorme, et niveau de congeners et deux fois plus important que dans un rhum classique. Il s’agit en quelque sorte de l’ancêtre de l’alambic armagnacais, chaque retort (ou bouilloire) jouant le rôle d’un plateau alambic avec le fameux « barbotage » des vapeurs dans le distillat.

La conjonction de ces deux facteurs (le bois et l’usage des retorts), donne leur puissance et leur lourdeur aux rhums du Demerara.

crédits : diffordsguide.com / DDL

article réalisé par Guillaume FERRONI et mis à jour par Cyril WEGLARZ

 
Comments
11 Responses to “Demerara rhum”
  1. Un joli article, et une bonne présentation d’un style de rhum encore méconnu en France. Cependant, je me permets de vous faire deux petits sommentaires :

    – tous les rhums de Demerara listés ci-dessus (avec l’exception des blends, bien sûr) proviennent de la distillerie Diamond / Demerara Distillers Limited. Banks DIH ont peut-être un projet d’en ouvrir une autre, mais actuellement il n’existe qu’une seule distillerie en Guyana.

    – il serait bien de créditer les photos..

  2. cyril dit :

    Merci pour votre commentaire Nicolas ; les photos sont enfin créditées, le temps de retrouver la source, nos excuses.

    il est vrai que Banks DIH n’est pas une distillerie en soit, et se contente de faire vieillir et d’assembler leurs rhums sur place, je vais changer cela avec l’accord de notre ami Guillaume.

    note personnelle : (qui n’engage que moi et non l’auteur de l’article)
    il y a quelques années on se souvient même de rumeurs assez sérieuses (comprenez de sources fiables) annonçant que les rhums Banks XM étaient en fait issus de rhum vieillis et assemblés non pas au Guyana mais dans les caraïbes, et donc sans aucun rhum Demerara.

  3. Stefanie dit :

    Thanks Cyril & Guillaume for the article – it’s great! Just a point to respond to some of the article and Cyrils comment. The XM rum is not a demerara rum. XM is rum that is imported to Guyana from other countries and aged and bottled in Guyana. The old XM label said ‘Demerara’ on it, but their new packaging just says it’s ‘Caribbean’ rum as they are not allowed to use the world Demerara unless they use rum produced in Guyana within their blend. Banks did used to purchase rum from DDL, but haven’t for at least 15 years.
    Hope that clears things up – sorry this isn’t in French, but i fear my limited language skills don’t stretch to talking about stills etc!

  4. Danielle dit :

    Bonjour, J’aime beaucoup les rhums en général et je viens d’acheter et de gouter par curiosité un Lemon Hart 151… (Ouf quelle puissance) un rhum dit demerara qui est importé de la Guyanne.. J’habite le nord du Québec près de la fontière du Labrador-Terre-Neuve et j’ai trouvé cette bouteille dans un  »liquor store » de Terre-Neuve. Il y a une très grande sélection de rhum dans ce magasin comme j’en ai rarement vu.

    Une fois le premier choc passé de le boire nature, (arghh… tcheu, tcheu aouuuumph..) les saveurs sont puissantes et fruitées et très complexes quand la bouche reprend ses sens bien sur. Il se boit mieux en  »drink » en le diluant avec un jus de fruit.. Je ne le trouve pas dans votre liste mais je crois que c’est un authentique rhum demerara.. En tout cas c’est une expérience unique que de gouter ce rhum.. Est-ce bien un rhum demerara par contre??

    • cyril dit :

      Bonjour Danielle
      A 75° ça doit etre puissant en effet ! peut etre à réserver pour servir de base aux cocktails 🙂
      El Dorado produit un rhum identique, le El Dorado 151

      et oui c’est bien un rhum Demerara qui provient de Demerara Distillers Ltd

  5. paligap dit :

    salut,

    j’ai du plaisir à boire ce genre de rhum.Le UF 30E est pour moi comme le dit si bien Gargano,l’un des étalons des sorties Velier provenant du Guyana.Cependant,une ombre plane sur les dégustations des bouteilles de ce type.
    En effet,sur plusieurs de celles-ci ayant un niveau inférieur a la moitié,il y a des picotements altérant le plaisir gustatif comme le fait de boire un jus ayant trop longtemps séjourner au frigo.Une vague impression de toxicité est présente sur certaine de ces bouteilles peut- être celle embouteillé aprés 90 et même sur le pusser blue label 54.5% qui me procure aussi ce désagrément.!Je me pose donc la question d’une part,de la pertinence de l’achat de certains de ces rhums dépassant les cent euros alors que passé les 35 cl l’anomalie se fait jour (peut-être pas sur toute),et d’autre part sur la pertinence d’une collection car comme pour la gamme plantation il y à un goût demerara et la différence aromatique entre les millésimés est on ne peut plus subtil.J’ai pu goûté le Skeldon 78 excellent,mais qui n’est guère surprenant après avoir pris connaissance de l’UF30E. IL y à une empreinte demerara qui marquera durablement l’histoire du rhum mais je ne peux m’empêcher de penser que leur réputation est parfois surfaite.

    nb : je sais que plus la bouteille se vide et plus il y à déperdition d’arômes d’où l’intérêt de se procurer de petit flacons. On m’à également conseiller de mettre de petites billes dans les demerara arrivant à moitié cependant ça me gonfle de le faire pour des rhums de ce prix. De ce côté l’agricole ne m’oblige pas à ce genre de soins!

    • cyril dit :

      je n’ai pas laissé la bouteille très longtemps pleine (ni même à moitié vide), l’ayant splitté (partagé) assez rapidement, donc je n’ai pas pu noter un changement dans le rhum mais c’est intéressant. Il arrive en effet que l’oxydation fasse des dégâts, mais c’est généralement très faible et assez rare à constater (en tout cas pour ma part), et d’autant plus surprenant venant de ces rhums justement concentrés.

      En tout cas je n’ai rien remarqué sur mes bouteilles de Blairmont 91 et les Diamond (81 et 96) pour lesquelles il restait moins d’un quart dans la bouteille. Après, la pertinence d’un tel achat appartiendra à chacun car il est vrai que ça demande un certain budget, mais on a en contrepartie un rhum unique car justement concentré à l’extrême, un vrai nectar à la personnalité bien tranchée. Les rhums vieux n’étant pas encore très populaire chez nous leur réputation n’est pas tellement ‘développée’ selon moi, et ils jouissent surtout d’une bonne presse auprès des amateurs de whiskys.

      j’ai un gros doute sur l’efficacité des petites billes, pour moi tout se conserve très bien et il arrive des fois aussi que l’oxydation ne détériore pas le rhum mais le transforme de belle manière. Il travaille et ce n’est pas plus mal, mais je suis quand même adepte des flacons, ne serait ce que pour garder un échantillons en archive 😉

      • paligap dit :

        Dans mon cas le picotement venait du enmore 95 et dans une moindre mesure du pusser blue label. Hormis ceux-la,mes rhums tiennent le coup. Le problème n’est pas de payer plus de 100 euros un millésimé d’exception mais c’est de le voir s’oxyder de cette façon!.

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