Fin du cas La Favorite

Avant de bientôt publier différents résultats de rhums agricoles sur ce site (et déjà visibles sur la page facebook), et compte tenu des dernières informations reçues, il m’a semblé important de revenir une dernière fois sur la Cuvée Privilège sortie par la distillerie La Favorite. Une nouvelle fois, le but de cet article est de tirer au clair une situation peu appréciable pour le consommateur, et ne remet nullement en question ou en cause la qualité des produits mentionnés, ni même celle de la distillerie La Favorite.

Une question en amenant une autre, différents interlocuteurs sont intervenus dans le débat et ont été questionné afin de savoir si au bout du compte, l’AOC accepte ou non l’ajout de quoi que ce soit. C’est une question que se posent nombre d’amateurs et plus globalement de consommateurs, une question qui mérite une réponse claire, et la plus précise possible. Début de réponse ci-dessous…



Les résultats montrant la présence d’un taux de sucre très important dans certaines cuvées hors d’âge de La Favorite avaient fait sortir de sa réserve la distillerie, et Franck Dormoy avait gentiment accepté de répondre via une lettre ouverte (à lire ici), révélant l’usage d’une recette familiale et de l’ajout d’épices et fruits confits naturels.

Dans mon texte qui suit son intervention, j’ai rappelé les textes officiels faisant foi : le règlement européen définissant les spiritueux (règlement (CE) n° 110/2008) et le cahier des charges de l’AOC Martinique.

Au delà de la question légitime de savoir si les termes employés sur les étiquettes de ces cuvées sont en concordance avec le règlement européen (et donc qui pose clairement la question : est-ce que ces cuvées peuvent légalement porter le nom de rhum, sans aucune autre indication?), il était tout aussi intéressant -et important- de savoir si la cuvée Privilège avait le droit à l’appellation AOC, et si oui, comment.

Interrogé sur le sujet, Madame Claudine Neisson-Vernant, actuelle présidente du syndicat de défense de l’AOC, confirme très rapidement que « le cahier des charges de L’AOC Martinique interdit strictement d’ajouter du sucre ou d’aromatiser ou d’épicer (le seule possibilité étant d’avoir moins de 2% de degré d’obscuration (contre 4 %   par le passé comme  d’autres eaux de vie) ».

Plus surprenant, elle m’apprend qu’aucune des trois cuvées de La Favorite n’est AOC Martinique. Et que la cuvée Privilège (objet de ma requête) n’a pas été dégustée par le jury AOC , qui seul délivre l’agrément .

_________

Je lui fais suivre des photos de ma bouteille, mentionnant clairement l’Appellation AOC sur la contre-étiquette, visible ci-dessous.

       

Ma cuvée des cavistes, par exemple, ne mentionne pas le logo, mais uniquement une ‘appellation d’origine Martinique’ :

   

Suite à ces nouvelles informations ‘contradictoires’ sur la Cuvée Privilège, des recherches dans plusieurs magasins (en Martinique) n’ont pas permis de trouver de bouteilles présentant le logo AOC, ni la dénomination «  Martinique », sur leur étiquette ou contre-étiquette ou emballage. Il existerait donc des bouteilles en faisant mention, et d’autres pas… comme il existe des sites de vente en ligne revendiquant l’AOC pour ce produit, et d’autres non.

La réponse de La Favorite est arrivée après quelques jours, par l’intermédiaire de Paul Dormoy, et nous y voyons donc ‘un peu’ plus clair:

« La ou les bouteilles dont vous parlez portent en effet sur la contre-étiquette la mention AOC par le logo officiel. Il s’agit bien entendu d’une erreur faite sur un lot lors d’une impression passée, qui s’est malencontreusement retrouvé sur le marché, et que nous avons rectifié aussitôt. »

Il s’agirait donc d’une simple erreur d’impression, sur des bouteilles qui n’ont pas été dégustées par le jury AOC, et qui ne rentrent de toute façon pas dans le cahier des charges de l’AOC, qui rappelons-le, interdit l’ajout de sucre ou d’aromatiser ou d’épicer. Il est donc naturellement illicite d’apposer ce logo sans autorisation, et donc d’usurper une Appellation contrôlée.

Pour rappel, dans sa lettre Franck Dormoy nous disait :

« (…) l’AOC ayant été attribuée à la Martinique en 1996. Ces spiritueux répondaient, et répondent encore aujourd’hui, aux critères de production établis. » et plus loin de rajouter qu’ « aucun ajout non autorisé n’est fait lors de la mise en vieillissement. Aucun ajout non autorisé n’est fait lors de la mise en bouteille. »

 



Partant du simple constat de la présence de sucre dans un rhum agricole, nous nous retrouvons maintenant avec un rhum qui s’est revendiqué AOC, mais qui n’a jamais été validé AOC. La Favorite nous a apporté sa réponse, il s’agirait d’une erreur d’impression sur un lot de bouteilles.

Malheureusement, ces bouteilles étaient encore en vente il y a peu, et il est à craindre qu’elles induiront encore le consommateur en erreur.

Comme pour l’ajout de sucre, nous pouvons nous demander en toute logique si ce genre de pratique n’est qu’un cas isolé, ou s’il est plus répandu qu’il n’y parait. Une fois encore, ce sera au consommateur d’être vigilant et de s’interroger sur ce qu’il achète. Les prix du rhum augmentent à une allure fulgurante, raison de plus pour exiger des producteurs un sérieux et une communication exemplaire. Et le cas échéant, de simplement réparer leur erreur.

autres articles traitant du même sujet :

Saccharhum’
Sacchar(h)um Bis
Lettre Ouverte de Franck Dormoy
Fin du cas la Favorite

 

Comments
11 Responses to “Fin du cas La Favorite”
  1. Dave Russell dit :

    Thank you Cyril for researching the facts through your hard work.

  2. SK dit :

    Fantastic investigation.

  3. Cyril dit :

    Merci cyril pour la poursuite des investigations sur ce dossier…100% en accord avec ta démarche.

  4. Cornelius dit :

    Thank you for your research and clearing up!
    Cornelius

  5. francois.G dit :

    Un grand merci à vous Cyril pour votre site, le temps que vous y consacré… et toutes ces informations !

    Je suis scandalisé par la légèreté de Monsieur Dormoy. Quand on vend des cuvées d’exception, de base, on n’a pas le droit à l’erreur. Ensuite, sur des bouteilles à ce prix, on réimprime des étiquettes et on corrige.

    Si un vigneron faisait ce genre de blague avec une AOC…

    • cyril dit :

      Bonjour François et merci pour votre message
      je suis moi-même surpris qu’ils continuent à nommer ‘sans être remis à l’ordre’ leurs produits ainsi, et qu’ils continuent donc à tromper les consommateurs, au moins sur l’étiquette. C’est dommageable pour tout le monde au final.

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