La Mauny

>

La Mauny, distillerie toujours fumante, produit plusieurs marques au sein de ses infrastructures :  le vin obtenu après fermentation sert à la fois pour La Mauny, mais aussi pour Trois Rivières et Duquesne. Seule la distillation diffère : La Mauny utilise deux colonnes ‘Maresté’ (construites en 84 et 96), et une autre colonne plus moderne ‘Interunion’ à 26 plateaux datant de 2004, capable de produire 1 000 litres/heure (soit le double des colonnes Maresté). Le rhum sortira à 70° et avec 300g/hl d’éléments non-alcool.

Trois Rivières est distillé dans une colonne Savalle (22 plateaux, colonne d’origine), et Duquesne est préparé dans une colonne Brument (de 92). Autre particularité : La Mauny serait mis en vieillissement en fûts de chêne français, et Trois Rivières en fûts de Bourbon (source: Atlas du Rhum / Luca Gargano).

Beaucoup de changements de packaging pour cette maison, et beaucoup d’évolutions au fil du temps pour cette année encore proposer de nouvelles bouteilles et étiquettes. Même certains millésimes -comme le 1979- n’échappent pas à la règle avec 3 contenants différents. Une maison qui a la bougeotte : acheté par Quartier Français en 2007, le Groupe BBS  (créé après 69, et à l’origine de la modernisation de la distillerie La Mauny) est ensuite racheté en 2011 par La Martiniquaise, qui la cède à son tour, en 2012, au groupe Chevrillon.

D’autres dégustations suivront, mais intéressons-nous aujourd’hui au millésime emblématique de la marque, le 1979, ainsi que le tout dernier embouteillage, une certaine Cuvée Nouveau Monde.

 

 

Cuvée Nouveau Monde / 41°

La Mauny nous avez déjà gratifié d’un rhum vieux hors d’âge « Cuvée du Nouveau Monde », une série limitée elle aussi, embouteillée en 1992 pour la commémoration du demi-millénaire de la découverte des Amériques par Christophe Colomb (1492). En 2015, La Mauny sort une autre cuvée, hors d’âge aussi, une sorte de nouveau nouveau monde, sans lien apparent et embouteillé cette fois-ci à 41° (contre 43). Il s’agit d’un assemblage multi-cuvées multi-millésimes (« 12 cuvées de quatre millésimes rares »). Pourquoi mélanger des millésimes rares, aucune idée… mais la marque donne un début de réponse dans sa com: « une création libre et très personnelle du Maître de Chai ».

Les carafes Rubis et Saphir sont aussi des mélanges de plusieurs cuvées et il faut dire que c’est plutôt réussi. De là à connaître les millésimes utilisés, on aimerait bien le savoir (un peu comme Saint-James et sa Carafe 250 ans), sachant que les rhums millésimés de La Mauny sont assez rares.

La robe de ce rhum est d’un bel ambré aux reflets cuivrés, les larmes sont modérées et le rhum apparait rassurant et élégant.
Au nez, se dégagent de belles notes torréfiées (et chocolatées), de fruits confits (abricot) et même caramélisés, délicieusement épicés (cannelle). C’est gourmand et classe à la fois, délicat et avec un léger côté ‘piquant’ et cuivré. Bel équilibre des saveurs et plutôt complexe. Avec le repos, un boisé grillé ressort nettement, caressé par la rondeur des fruits. C’est une réussite, et on y resterait des heures.

En bouche, l’attaque est « très douce » et plutôt simple ; elle est comme acidulée, et tout de suite assez épicée et boisée. Il y a là une belle présence de tabac, avec une amertume tannique qui se dégage, ainsi que des épices grillées (poivrées), pour une bouche à dominante empyreumatique, légèrement amère et au ton chaud. Le résultat est plaisant mais assez simple, et vraiment trop doux, et la bouche apparait beaucoup moins complexe que le nez, et manque de concentration aromatique (mais qui dit plus de concentration veut aussi dire plus de bois?). La fin de bouche est persistante sur les épices et le chêne qui réapparaissent en fond, ainsi que le tabac. L’empreinte du rhum restera un très long moment en bouche, du plus bel effet après plusieurs minutes. Léger retour de l’amertume.

Le nez est très beau et très plaisant, délicat tout en gardant du caractère grâce aux notes torréfiées, mais la bouche déçoit, trop douce, trop simple et boisée (amère), et surtout loin de la complexité du nez. La finale rattrapera la chose avec une très belle persistance, mais quelques degrés de plus auraient sûrement sauvé la bouche (ou pas). Mélanger autant de millésimes pour un résultat comme celui-ci est assez bluffant, en tout cas au nez, mais pour la bouche, et pour le prix (plus de 150€ pour un hors d’âge, contre à peine 50€ pour le premier Nouveau Monde) on peut alors parler de déception. Note: 82


 

 

 

La Mauny 1979 / 43°

Carafe ou bouteilles, il existe plusieurs versions de ce millésime (au moins 2 bouteilles 1 carafe), sans mention d’âge. Quelques sources font état de 10 ans de vieillissement,  d’autre de beaucoup moins. Est-ce le même rhum dans chaque bouteille? mystère mystère. Quelques mails et autant de relances n’ont jamais apporté de réponse précise.

La robe est ambrée, tirant sur le cuivre, classieuse, brillante et huileuse, laissant apparaitre d’épaisses jambes.

Un nez intense et très aromatique, fruité, avec un boisé délicat et fumé (feuilles de tabac séchées). Le rhum propose un très bel équilibre des saveurs, où l’alcool semble assez présent pour un petit 43°. Le bois n’en fait pas trop et met très bien en valeur les fruits exotiques (banane passée, mangue), confits et vanillés, avec des envolées de cannelle. Le rhum est aussi végétal avec une canne gourmande au centre, légèrement terreuse, et du bâton de réglisse, du chocolat. Un nez harmonieux et complexe, fruité, vanillé, caramélisé, et fumé. Classe et gourmand.

La bouche de ce 1979 est huileuse, plutôt sèche sur ce boisé fumé (tabac), suivi de fruits tantôt secs, tantôt confits, mariés à la fraicheur de la canne. On retrouve de la banane, au milieu de cannelle et de poivre, dans une ambiance presque sirupeuse, et luxuriante (riche). Comme le nez le laissait penser, c’est riche avec une belle part faite aux fruits sucrés. C’est long et la fin de bouche, persistante, est toujours sèche (chêne épicé) avec une légère fraicheur végétale, sur l’eucalyptus, et la réglisse. Le rhum restera très longuement en bouche, pour un plaisir qui dure, avec aussi des fruits caramélisés.

Un très bon rhum millésimé de La Mauny, un nez excellent et très bien équilibré, harmonieux ; en bouche c’est riche et plutôt sec et boisé, peut-être un peu trop pour rester dans la complexité du début, mais quand même très bon. Note: 88
La dégustation du rhum issu de la carafe et d’une bouteille millésimée ne montre aucune différence, il est donc très plausible qu’il s’agisse du même rhum mais sous différentes formes de packaging.

90 et + : rhum exceptionnel et unique, c’est le must du must
entre 85 et 89 : rhum très recommandé, avec ce petit quelque chose qui fait la différence
entre 80 et 84 : rhum recommandable
75-79 POINTS : au-dessus de la moyenne
70-74 POINTS : dans la moyenne basse
moins de 70 : pas très bon

 

Comments
16 Responses to “La Mauny”
  1. Salut Cyril,

    Avant de lire la dernière phrase, je me demandais si tu avais pu goûter à ce millésime sous plusieurs de ses formes 🙂

    En tout cas, ça colle avec mes impressions (assez distantes pour le 1979) de ces deux bouteilles.

    5
  2. Gitany dit :

    Pour y être aller plusieurs fois je peux affirmer qu’ aussi bien que La MAUNY que Trois Rivieres utilisent les 2 types de fûts français et bourbon !

    0
    • cyril dit :

      Hello Jerry
      L’information vient de deux références de livre dont L’Atlas du Rhum pour le plus récent; mais puisque tu émets des doutes, et dans le doute justement (et dans l’absence d’information provenant de la distillerie elle-même), je vais changer ça. Merci 🙂

      0
  3. L'Affreux Aigle dit :

    Merci pour cette nouvelle et intéressante dégustation !
    Les différentes versions du millésime 1979 sont vraiment identiques ?!
    Je demande ça parce que j’ai tout de même relevé une différence de prix
    de plus de 100 € entre une version bouteille en tube carton
    (packaging encore différent de celle présentée ici)
    et une version Carafe dans un (joli) coffret en bois
    et « paradoxalement » ce n’était pas la carafe qui était la plus onéreuse…
    Certes ce n’était pas sur le même site (dommage, cela nous aurait peut-être
    valu des explications) mais cette différence est troublante, non ?!

    4
Leave A Comment