Madinina 1895

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Mythique rescapée…

Fin du 19eme siècle, l’engouement pour le rhum est sans précédant, propulsé par un vignoble français alors ravagé par le phylloxéra. Nous sommes à la fin avril 1902 quand François-Marius FANTON effectue un dernier chargement de rhums sur son bateau : un certain rhum Madinina, pur vesou vieilli 7 ans en foudre de chêne. Nous sommes fin avril et dans quelques jours, le 8 mai précisément,  la montage Pelée explosera, asphyxiant la ville de Saint-Pierre et ses 30 000 habitants…

 

prix : son prix oscille entre 3000 et 4000€, bouteille d’exception oblige. il n’y a pas de degré indiqué mais la dégustation laisse penser à plus ou moins 45°.

âge : le rhum est âgé de 7 ans, distillé en 1895 et mis en bouteille un peu avant 1902.

 

Depuis le temps que je l’attendais, le voici, le voila ce rhum oh Saint Graal du rhum agricole survivant du cataclysme de 1902.

Voguant autour des îles de la mer Caraïbe. Les tamtams vaudous firent se lever les vents.
Découvrant des récifs où des corvettes anglaises, gisaient depuis longtemps dans leurs manteaux de glaise. J’ai oublié le nom de cette île perdue, où le courant rapide poussa mon bateau noir. J’ai longtemps recherché une terre inconnue, planquée au fond des eaux de la mer Caraïbe. Si tu vas à ……

 

Dès l’ouverture de la bouteille, le rhum annonce déjà la couleur, parfum d’exotisme et d’arômes percutants.

Doucement versé dans le verre, la couleur d’ambre brun confirme déjà l’âge de ce Madinina 7ans, le pourtour reflète des nuances d’or verdâtre légèrement orangé que j’ai souvent remarqué lors de dégustation de très vieux rhums.

Après quelques minutes d’aérations, le coté vernis, acrylique s’évapore et fait place aux notes subtiles de vanille, canne à sucre, cœur de noyau d’abricot, de marmelade, confiture de pruneau. Une volée de fruits secs, raisins de Corinthe, cerneau de noix, pécan. Tout en évoluant au fur et à mesure, les épices comme le poivre noir, la cannelle, clou de girofle viennent agrémenter, le tabac robusto, la réglisse cachou, zan. La finesse du bois exotique complète les senteurs. Une très grande complexité olfactive. Il est nécessaire de patienter trente bonnes minutes afin d’extraire toutes ces notes.

C’est l’instant, la dégustation. La texture riche et huileuse promet une belle longueur en bouche. Un peu nerveux, difficile à définir le degré d’alcool car il n’y a pas d’indication sur l’étiquette je dirai environ 45°. Oui nous sommes bien sur un rhum agricole. On retrouve immédiatement les épices, l’humidor à cigare, un coté un peu rancio des vieux cognacs. Beaucoup de finesses et de subtilités confinées en final de superbes notes réglissées.

Malgré son grand âge passé à dormir au fond des caves, la finale de ce Madinina se révèle encore pleine de vigueur.

Sans aucun doute, décapsuler et déboucher une telle bouteille est toujours un moment imprégné de retenue, une page d’histoire qui se déguste cela et plutôt rare. Ma pensée s’envole vers cette île dévastée, déchirée et aux multiples distilleries disparues à jamais qui ne laisseront que leurs noms dans les mémoires et les écritures.

Hubert CORMAN.

 

 

Comments
4 Responses to “Madinina 1895”
  1. Tiare dit :

    Très interessant!

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  2. Nico dit :

    Merci tu m’as encore fait voyager ! (Avec l’aide de Nanard 😉

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  3. Charles dit :

    Je viens de lire avec le plus grand plaisir le joli papier que vous consacrez au Rhum des Plantations MADININA 1895.
    Ayant eu, tout récemment, le privilège d’être convié à une dégustation de ce ‘rescapé’ de la Montagne Pelée, âgée de bientôt 120 ans. j’ai retrouvé sous votre plume cet instant d’intense émotion incomparable que vous décrivez avec tant de talent.

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    • cyril dit :

      Bonjour et merci pour votre commentaire. Quel moment intense ce rhum cette page d’histoire olfactogustative. Avec quelques mots de Bernard Lavillier en introduction ce début de chanson « San Salvador » collait vraiment avec ce rhum.
      Bien a vous
      Hubert

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