Rhum Fest 2014, le bilan

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UN SALON FESTIF

Le lundi 7 avril était l’occasion pour moi de visiter le salon Rhum Fest (anciennement Rhum Fair), qui œuvre pour la 3eme année à représenter le rhum en France. La journée du 6 avril était ouverte à un public très nombreux, et aux dires de certains il y aurait eu quelques 3 000 personnes à se précipiter sur la 15aine d’exposants et les plus de 90 marques représentées… Un pari réussi et une foule au rendez-vous qui nous rappelle une nouvelle fois l’engouement grandissant pour le rhum en France. Nul doute que ce salon n’a rien à envier à ses homologues.

De toute évidence il y avait de quoi satisfaire tout le monde, du néophyte à l’amateur le plus difficile, et il était surtout question de préparer sa venue au préalable pour ne pas se perdre trop rapidement. Et aussi car passées quelques dégustations l’appréciation est tout de suite plus difficile, ou en tout cas différente car altérée. Qui peut sérieusement enchainer plus de 5 ou 10 rhums avec le même aplomb ? par moi en tout cas.

Mon parcours était alors plus ou moins tracé avant d’arriver dans le très beau cadre du Parc Floral : La Favorite, JM, Depaz, les nouveautés de chez HSE avec leurs différentes finitions, Mezan, Caroni et les rhums de L’ile Maurice (invitée d’honneur du salon) avec notamment Chamarel et New Grove. Quelques ‘priorités’ histoire de ne pas s’éparpiller trop rapidement dans les allées du salon… VOYAGE AU COEUR DU RHUM FEST

[ un Grand merci à Gregory Stradivarius Noël et Vincent Bidault de Villiers de la page Amateurs de Bon Rhum pour m’avoir autorisé à utiliser leurs photos ]

 


 

Une fois sur place on suit tout logiquement l’ordre des stands, ou en tout cas des pavillons/salles qui sont au nombre de 3. Pour essayer de ne pas tout mélanger et essayer de vous offrir une visite plus sympathique je vous propose de suivre le parcours classique, en tout cas de ce que j’en ai retenu, sachant que je ne me suis pas arrêté partout (donc voila un compte rendu somme toute personnel, bien entendu).

 

Le 1er Pavillon, la bien nommée Forêt Primaire

12 exposants dont quelques grosses pointures, normal il faut bien planter le décor. Santa Teresa est le premier stand que l’on aperçoit en rentrant, je passe mon tour et prend sur la droite : Giffard, de la cachaça (Thoquino) et ensuite Clément et JM en bout de table. ahhhh, JM ! moi qui voulait m’y pencher plus sérieusement je suis assez surpris (pour ne pas dire déçu) de ne trouver que 3 bouteilles, sans aucune mise en valeur du produit ni de la distillerie qui pourtant mériterait à elle seule tout un pavillon… me voilà déjà témoin de la cruauté des salons: les distributeurs sont rois et choisissent les produits à mettre en avant… Clément est beaucoup mieux loti en la matière avec la quasi intégralité de leur production.

Je me laisse alors tenter par une dégustation de leur Single Cask ; l’attaque est franche et épicée/boisée, assez passe-partout mais qui fait plutôt bien son boulot. Je poursuis avec la cuvée Homére que je trouve d’entrée plus intéressante : une bouche plus complexe, puissante, boisé, fruité (fruits secs) et épicé (cannelle), grillé et un final long et bien persistant. Une cuvée que l’on pouvait trouver pour beaucoup moins cher lorsqu’elle était disponible en bouteille classique ; aujourd’hui en carafe le prix a considérablement augmenté.

photo de Gregory Stradivarius Noël

La visite continue avec à côté une espèce de machine (So’Kanaa) à extraire le jus de canne fraîche. Mon regard dévie rapidement sur le monsieur d’à côté qui représente les rhums Dzama, et je ne peux m’empêcher de rester bloqué sur l’imposante carafe de leur XV (15 ans) ; j’hésite à goûter d’abord leur 10 ans Vanille qui jadis me faisait envie. Mais la description qui en est faite (sucré et sirupeux, fort en vanille) m’en dissuade, préférant me concentrer sur leur 15 ans : un superbe nez de bois précieux, de cire, avec un côté légèrement fumé et poivré, très classe ! la bouche est ronde avec toujours ce bois précieux et un côté tourbé très agréable (vieilli en fûts de islay? la robe paille laisse imaginer ce genre de fûts), délicat et très plaisant. très belle découverte qui me ferait payer le prix fort. Voila donc la première belle découverte de la journée.

Juste à côté, on trouve le stand ACR (Authentic Carribean Rums), sorte de nouveau label qui englobe quelques prestigieuses marques représentées ici par El Dorado, English Harbour, Doorly, Cockspur, Brugal, Chairman’s Reserve, Angostura,… un stand assez riche et qui a dû remporter un bon succès ; en tout cas, c’est un stand assez bien fourni pour de belles dégustations. Connaissant déjà ces rhums, je continue mon chemin vers les tables suivantes…

Arrive Arcane avec toute la promo qui va bien, les flyers, les posters, les cocktails. Une comm’ à faire rougir n’importe qui (même Kraken). idem je passe mon tour, sûrement l’âge qui me rend con -et donc difficile- en matière de rhum. Avec le recul j’aurais du quand même gouter leur nouveau produit (tant pis) : un rhum blanc qui d’après les dires aurait un goût tout aussi artificiel que les précédents. Il y a beaucoup de monde à apprécier et c’est tant mieux pour tout le monde, surtout les amateurs de cocktails. Je ne peux qu’être -tout de même- déçu (légèrement je vous rassure) de voir Christian Vergier (Maître de Chai qui a notamment travaillé pour La Mauny, Trois Rivières) derrière ce rhum.

Authentic Carribean Rums / Gregory Stradivarius Noël

Au bout, un petit stand qui ne paye pas de mine et que j’ai malheureusement zappé dans mon périple : Tradelink et les marques Blackwell (jamaique), Bologne, Rebellion. Une autre fois peut-être. Enfin il reste deux stands dans ce pavillon : Bacardi et Leblon, et puisque aucun ne fait de rhum ( :p ) je suis passé au suivant.

 



Le Pavillon 2 : RAIN FOREST

 

photo de Vincent Bidault de Villiers

En rentrant dans ce nouveau pavillon, on passe devant une première table dévolue à Mount Gay avec du choix et de la disponibilité. Préférant goûter d’autres choses avant, je ne m’y arrête pas, et oublierai même d’y revenir plus tard à mon grand regret (pour goûter leur black barrel en particulier).

Idem pour La Mauny, juste à côté, que je voulais pourtant découvrir plus en détail, peut-être une autre fois…  Et je profite du stand voisin pour m’arrêter, voyant Christian Vergier derrière le stand de Trois Rivières, sourire et disponibilité au rendez-vous. J’en profite pour goûter les 5 et 8 ans : du caractère et une bouche franche et épicée, chaleureuse de bout en bout avec un final persistant. Ma préférence va au 8 ans, plus abouti et agréable en bouche.

Je profite de la présence de Mr Vergier pour lui demander d’où vient ce goût si artificiel de banane dans le rhum Arcane… un début de réponse avec son explication de la méthode cognacaise, les fûts utilisés, et… la fabrication de ses propres sirops… Vous allez me dire ‘on s’en doutait’, mais ça fait toujours plaisir de l’entendre de la bouche même de son créateur…

Dans ce pavillon il y a un stand assez imposant et bien garni : ce sont toutes les marques distribuées par Dugas, autant dire un bon paquet ! imaginez : Angostura, Appleton, Barbancourt, Barcelo, Botran, Damoiseau, Depaz, Chamarel, Diplomatico, La Favorite, HSE, Matusalem, St James,… de quoi passer quelques bonnes heures si vous ne connaissez pas -encore- tous ces rhums. les premiers rhums que l’ont découvre sont ceux de HSE, La Mauny et La Favorite posés sur une première table. A noter que ces 3 marques sont présentes ailleurs dans le salon et j’ai envie dire heureusement puisque la personne derrière cette table n’est pas très ‘ouverte’ et a beaucoup de mal à proposer une dégustation, dommage… Heureusement l’autre stand HSE dont nous parlerons plus loin était aux petits oignons. je ne m’y attarde pas, encore déçu de voir qu’une seule bouteille représente une autre grande distillerie (par la qualité) La Favorite… encore un rendez-vous manqué avec une excellente distillerie dont j’espérais découvrir leurs nouveaux embouteillages (dont leur cuvée du château, et plus si affinité (Flibuste)).

photo de Gregory Stradivarius Noël

Je passe devant les stands à la va-vite, déjà conquis (ou non) par certaines de ces grandes marques. Beaucoup de place donnée aux cadors et autres produits phare des cavistes : la liqueur Don Papa, Diplomatico, ..etc, d’autres marques encore ne sont pas très bien représentées (peu de choix).

Accompagné par Jean Claude Liméa (le photographe officiel du magazine RumPorter) je me laisse tenter par le Barcelo 30th Anniversary, un rhum plutôt gourmand et très sympa (nous y reviendrons sur le site), après quoi on nous propose de poursuivre par un Opthimus 15 « pour voir la différence » : très gourmand aussi et pas de grosse surprise car on a là un rhum solera très fin et délicat, d’une douceur extrême qui ne peut que passer « très bien » après le Barcelo (la dégustation inverse aurait été plus intéressante, mais sûrement moins marquante). Sur la table, d’autres bouteilles : Ron Millonario (on en a déjà parlé aussi) avec un  XO quand même assez sympa et leur nouvelle bouteille de 1 litre qui fait son petit effet sur la table.

Je poursuis ma route à quelques mètres pour m’arrêter devant une table qui propose Depaz, Riviere du Mat et Chamarel : je goûte les Rivière du Mat 40 et 43 (millésime 2004), le premier est assez banal alors que le millésime 2004 (9 ans et 43°) est beaucoup plus parlant et intéressant, sur les fruits rouges et le boisé. Je continue avec Depaz et son XO que je voulais découvrir depuis un moment maintenant : une autre belle découverte (même si l’accumulation des dégustations commence à faire son petit effet..) très fin et riche avec des notes de chocolat et de fruits secs (pruneaux, datte), un boisé doux qui donne une bouche assez délicate (ronde) mais puissante à la fois, final persistant et agréable.

Arrive Chamarel
C’est avec New Grove les deux marques que je voulais absolument découvrir aujourd’hui (l’une propose du rhum agricole, l’autre de mélaasse), toutes deux en provenance de l’île Maurice et sorte de guest star du salon de cette année. Chamarel est relativement récent dans l’élaboration de ses rhums vieux, et c’est donc extrêmement intéressant de s’y pencher et noter les évolutions futures dans leurs produits. Ajoutez à cela un vrai terroir et un contrôle de la fabrication de A à Z : de la récolte de la canne sur place à la distillation (colonne à plateau et des alambics à repasse en cuivre), et vous obtenez une distillerie à suivre dans ces prochaines années, et à suivre de près. Plutôt spécialisé dans les liqueurs, Chamarel propose 2 rhums vieux, un VO de 3 ans et un VSOP de 4 ans.

A l’aide une nouvelle fois de Jean Claude et de ses affinités avec l’assistance (on est photographe officiel ou on ne l’est pas!), je passe derrière le stand pour déguster justement quelques exclusivités dont un brut de fût tout simplement exquis, servi par Bruno Le Merle de Chamarel. Un rhum qui fera parler de lui à coup sûr s’il sort dans l’état ; car nous ne sommes en effet jamais à l’abri d’une dilution trop importante (et imposante) pour s’accommoder aux palais plus classiques des consommateurs, et qui dénaturerait à coup sur le produit fini. A suivre donc, mais une très belle surprise qui je l’espère pourra être prochainement partagée avec le plus grand nombre…si Monsieur Le Merle pouvait m’entendre ou me lire… 😉

Passons rapidement quelques stands qui n’ont pas attiré suffisamment ma curiosité mais qui ont dû rencontrer un certain succès : les rhums Caney, pas mauvais mais que je connais déjà, St James, Dillon et…Caraïbos, puis au milieu une autre table (La belle Cabresse, Isautier, Dormoy) où j’ai enfin pu goûter du Reimonenq : on commence doucement avec leur « réserve spéciale », plutôt sympathique avec un bel équilibre douceur/puissance. On passe au niveau supérieur avec leur hors d’âge de 9 ans : une autre belle découverte, une bouche moelleuse et très expressive/aromatique, fruité et boisé, bien fondu. Un autre futur achat même si j’aurais aimé goûter à leur 11 ou 12 ans mais il n’était pas présent en ce jour, bien dommage.

photo de Gregory Stradivarius Noël

Vient l’îlot central, centre de toutes les attentions des dégustateurs avertis : la sélection de LMDW (La Maison du Whisky). Ne me demandez pas pourquoi mais nos amis amateurs de whisky (et là je parle de généralité) ont de très bons goûts en matières de rhums, ils exigent souvent le meilleur (forcément, le whisky a des règles strictes et un certain sérieux comparé au rhum) et c’est tant mieux pour nous.

autour du stand LMDW des trucs douteux quand même : Atlantico (j’ai déjà donné) et  Pink Pigeon en tête (l’odeur suffit). Et des champions du monde : Velier et ses Demeraras, Calirins, Caroni et RhumRhum ; Plantation et sa gamme qui s’étoffe de jour en jour, l’italien Rum Nation, Pusser’s, New Grove, Savanna, Karukera,… De quoi passer une bonne après-midi en quelques mètres carrés (ce qui facilite le déplacement dans l’espace, déjà mis à rude épreuve).

Une déception : être passé à côté de Bank’s qui avait des trucs sympas à proposer, mais je n’ai su qu’après…

j’ai zappé ceux que je connaissais déjà : Rum Nation (du très bon voire de l’excellent dans leur ‘large’ gamme), Dictador (on aime ou on déteste), Plantation (du choix et de la qualité, facile d’accès et passe partout), Karukera (du tempérament mais dans le bon sens du terme), Pusser’s (le 15 ans en tête pour découvrir l’alambic mythique Port Mourant), les Fair Rum (facile et accessible mais pas assez fort).

photo de Vincent Bidault de Villiers


Bizarrement je n’ai pas zappé la table de Velier, poussé au crime par Jean Claude (encore lui). Je devais tout de même goûter ce blend Papalin (la légèreté des rhums cubains+ la rondeur des rhums solera du venezuala+la patate des caroni) : il fait plutôt bien son boulot pour un rhum à 40€ la bouteille. agréable en bouche et plutôt assez épais et franc. Pas évident de décortiquer la bête et de trouver les visages des différents rhums, à essayer plus tard (au repos et au calme). J’ai aussi pu approfondir sur les Clairins qui sont de réels ovnis gustatifs ; il manquait le Vaval mais était présent le Casimir et Sajous : unique en leur genre, végétal, herbacé, médicinal, iodé, frais (mentholé), capiteux, il faut goûter au moins une fois. J’ai souvent entendu lors du salon des gens demander ce qu’il y avait dedans, pensant systématiquement être devant une sorte de rhum blanc arrangé. En bouche c’est net, suave et délicat, sans réelle comparaison avec d’autres choses…déstabilisant et revigorant ! 🙂

Caroni était représenté par les deux blends : le 12 et 15 ans, et le nouvel embouteillage (en version heavy et fullprrof) de 17 ans : du Caroni net et franc, lourd et goudronné mais légèrement trop tannique comparé à d’autres. Puis les Demeraras… je vais essayer de passer vite dessus ou alors on va me reprocher de toucher des royalties ou quelque chose dans le genre 😀 .Ces rhums sont uniques et voués à une disparition certaine, profitez-en, éclatez-vous les papilles, carpe diem à haute valeur qualitative… c’était court non ? ah !

Mention spéciale -tout de même- au Port Mourant 97. Il m’a fait oublier mes déceptions du 93 (trop puissant pour moi), là on ressent le travail de l’alambic et son côté bois humide si séduisant. Enmore 95 et son côté si lourd et épais qui vous assommera à la première goutte est extraordinaire. Le Diamond 81 qui m’avait laissé quelques petites déceptions est très bien passé (ma note est déjà prête depuis un bail mais mon appréciation change). Le tout une fois de plus partagé avec l’ami Jean Claude. Grand absent parmi les bouteilles, le UF30E, épuisé depuis quelques temps maintenant mais qui reviendra (info de Luca Gargano himself). Lui aussi aurait fait un tabac dans l’audience.

photo de Gregory Stradivarius Noël

Ensuite direction les rhums Savanna à quelques mètres de là : 2 bouteilles attirent mon attention, 2 single cask de 7 ans, le premier agricole, le deuxième à base de mélasse. Le rhum agricole est vieilli en fût de cognac et affiné 1 an en fût de moscatel: la bouche est assez puissante et riche, vanillée et épicée (cannelle), légèrement amère. Le rhum de mélasse a le même âge, vieilli intégralement en fût de rhum, et affiche un impressionnant 64,5°: moelleux et assez facile pour 64° (à consommer tranquillement), bien épais en bouche et expressif, bel équilibre entre bois et épices, du fruité léger et un final très long et savoureux… Très sympa et à revoir d’urgence!

Juste à coté se trouvent les rhums New Grove de l’ile Maurice. J’en ai entendu beaucoup de bien avant le salon mais je n’avais pas encore goûté… une bonne occasion de rattraper le temps perdu avec un bon et surprenant Millésime 2004. un autre single barrel (fût unique) qui affiche un 49,9° mais qui en fait beaucoup moins : bien épicé et fruité, très suave, vraiment orienté épices et agrumes (muscade, clou de girofle, poivre, citron) ; soyeux en bouche et toujours fruité (fruit à chair blanche, pêche,